Les toxicos ont perdu leur psy
C’était une gueule, une tignasse, une voix, une époque, c’était Olive comme on l’appelait tous. Claude Olievenstein est mort ce dimanche, il avait 75 ans. C’était «le psy des toxicos», le fondateur de l’hôpital Marmottan à Paris, celui qui regardait avec tendresse les toxicos. Dans les années 70, il a réussi à profondément changer le regard de la société à leurs égards. Olive… Qui n’a pas succombé à son charme, avant d’être agacé par ce même charme ?
Né à Berlin le 11 juin 1933, Claude Olievenstein est devenu psychiatre en 1968, après avoir consacré sa thèse au LSD. Lorsqu’en 1971, il fonde l’hôpital Marmottan, lieu d’écoute et de paroles pour les drogués dans le XVIIe arrondissement de Paris, il n’a pas froid aux yeux. Car il se heurte à une levée de boucliers des riverains, mais aussi à l’hostilité d’une grande partie de la communauté médicale qui considère à l’époque que le sevrage est la seule façon de guérir les toxicomanes. Six ans plus tard, en 1977, il publie le best-seller Il n’y a pas de drogués heureux.
Il est, alors, de tous les combats, il adore cela, la télé comme les jolis mots. Il s’insurge contre la répression invraisemblable exercée à l’encontre des jeunes consommateurs de drogue. Marmottan devient un refuge, un îlot de vie. En 1984, il est un des tout premiers à réclamer la mise en place de programmes d’échanges de seringues pour éviter la contamination par le sida. Pour autant, il ne saisit pas totalement le bouleversement que va provoquer le VIH, et l’urgence absolue d’en finir avec l’hécatombe : il se montre sceptique sur l’utilisation des produits de substitution. Mais se prononce en faveur de la dépénalisation du cannabis. En 2001, pour cause de maladie de Parkinson, il s’en va, prend sa retraite. On ne le voit plus.
Dans son bel appartement parisien, on l’avait quitté, rebelle, tonique, excentrique, rigolard, contradictoire, avec cette chevelure de soleil, lui qui, dans la même phrase, vous disait «combien la drogue c’est bon» pour aussitôt ajouter «c’est bien ça le problème». Et voilà qu’on l’entraperçoit au début des années 2000, triste et abattu, malade : «Je suis une caricature de moi-même, j’essaie simplement de ne pas sombrer dans la dépression», nous disait-il.
Olive… qui aura rendu tant d’ex-toxicos heureux.
Eric Favereau
liberation.fr