" Drogue : l'autre cancer ", le titre du rapport dont a accouché " la commission d'enquête du Sénat sur la politique de lutte contre les drogues illicites ", révèle à lui seul le caractère idéologique et réactionnaire de la démarche des sénateurs. En s'intéressant uniquement aux drogues interdites par l'État et en laissant volontairement de côté les drogues légales, ils ont rendu un rapport biaisé et incohérent qui fait l'impasse sur l'essentiel : les dégâts causés par les drogues légales. Sous leurs dehors amènes, nos sénateurs sont de dangereux utopistes qui veulent contraindre leurs concitoyens à vivre dans " une société sans drogue " (du moins sans drogue classée au tableau des stupéfiants).
Pour atteindre cet objectif, ils remettent en cause l'ensemble des études scientifiques et sociologiques, non seulement les travaux de la commission Henrion (1995) et du rapport Roques (1999), mais aussi le travail novateur de la MILDT et celui de leurs homologues canadiens, qui tous pointaient la dangerosité sous-estimée des drogues légales et réaffirmaient le caractère bénin de la consommation de cannabis.
En effet, le rapport des sénateurs recommande une répression accrue du délit de simple usage de stupéfiants (le cannabis dans plus de 85 % des cas). Celui-ci serait passible d'une amende de 5e catégorie (jusqu'à 1500 euros) et d'une obligation de soin ou d'une " orientation vers une structure psycho-sociale ". Leur projet prévoit également de conserver le délit en cas de " récidive " ou de " refus de soins " (y compris pour le cannabis !), lequel délit pourrait être puni de prison. Les fumeurs récidivistes pourraient également être envoyés dans des « centres fermés de traitement de la toxicomanie ».
On imagine aisément les conséquences d'une politique aussi outrageusement réactionnaire : embouteillage des services destinés aux toxicomanes par les fumeurs voulant éviter la prison, des commissariats par les fumeurs pris en flagrant délit et des services de justice submergés par les fumeurs " récidivistes " impénitents.
Cette répression pèsera, bien entendu, sur les plus jeunes et les plus pauvres... Et sur leurs parents qui devront finalement payer leurs amendes. Et tout cela pourquoi ? Pour une baisse hypothétique d'une consommation devenue un fait de société et dont toutes les études sérieuses montrent qu'elle est bien moins dangereuse que celles du tabac et de l'alcool. Les sénateurs ont ainsi réussi la gageure d'inventer une politique encore plus répressive, incohérente et coûteuse que la politique répressive actuelle dont l'échec est pourtant patent...
Source : Communiqué de presse du CIRC - mercredi 4 juin 2003
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