L'idée a fait son chemin. Le préfet de police des Bouches-du-Rhône propose désormais d'y recourir.
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A L'AMENDE. Des contraventions visant les consommateurs de cannabis ? Alors que les ministres de la Justice et de l'Intérieur doivent dresser, le 13 mai à Lyon, un premier bilan des zones de sécurité prioritaire (ZSP), l'idée a le vent en poupe. Mardi, c'est le préfet des Bouches-du-Rhône, département des deux ZSP de Marseille, symboles de la lutte contre le trafic de drogue, qui a rallumé la mèche.
"Nous avons proposé de 'contraventionnaliser' l'usage ou la détention pour usage personnel de cannabis", déclare Jean-Paul Bonnetain dans un entretien accordé à l'agence de presse AEF Sécurité globale. "On voit bien que la simple détention pour son usage personnel n'appelle pas de sanctions majeures. L'idée, c'est d'infliger, par le biais de la contravention de 4e catégorie, de l'ordre de 125 euros", ajoute-t-il au micro d'Europe 1.
En réalité, l'idée de sanctionner les fumeurs de pétards, afin d'enrayer le trafic dans les cités, n'est pas neuve et n'a de cesse de revenir dans les débats depuis 2003. "C'est une proposition qui mérite d'être débattue", confie Jean-Paul Bonnetain au micro d'Europe 1.
Pour le préfet, sanctionner n'est pas légaliser. Aujourd'hui, l'usage de stupéfiants, de quelque nature, est condamnable d'un an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende. Deux sanctions qui touchent rarement les petits consommateurs. C'est sur ce constat que le préfet des Bouches-du-Rhône base son argumentation. "'Il y a à l'heure actuelle peu de sanctions pénales pour le petit consommateur : si vous avez une ou deux barrettes, vous ne risquez pas grand-chose. Or, s'il n'y a pas de sanction, il y a un problème. L'idée c'est d'infliger une sanction financière", indique Jean-Paul Bonnetain à AEF, en précisant toutefois qu'il "ne s'agit pas de légaliser le cannabis".
Selon le haut-fonctionnaire, la contravention apparaît comme une réponse plus adaptée, permettant en réalité "de renforcer la sanction". "Nous rendons la sanction effective alors que, sur le terrain du délit, il n'y a pas ou peu de sanctions", précise-t-il. Une proposition qui ne doit cependant pas miner le travail des enquêteurs sur le terrain, comme ont pu le craindre par le passé certains syndicats de police, ni remettre en cause la législation actuelle. "L'acquisition de cannabis devrait en revanche rester un délit puni d'une peine d'emprisonnement, permettant ainsi aux enquêteurs de continuer à placer les acheteurs en garde à vue afin de faciliter le démantèlement des réseaux".
Un avant-goût dans les ZSP. La position du préfet Bonnetain ne tient en rien du hasard : il a déjà pu apprécier un avant-goût de cette mesure avec le dispositif dit de transaction douanière, déjà expérimenté dans différentes ZSP, à Marseille et en Seine-Saint-Denis. Aujourd'hui, les policiers de ces ZSP travaillent main dans la main avec les agents des douanes. Lorsqu'un individu est interpellé en possession de cannabis, la police demande ainsi, via le parquet, le concours des douanes qui sont, elles, habilitées à infliger une sanction financière immédiate pour transport de marchandises prohibées.
Si Jean Paul Bonnetain juge le dispositif "intéressant", il en regrette cependant la lourdeur. "C'est un dispositif assez lourd car il n'y a que les douaniers qui peuvent le mettre en œuvre. Au quotidien, sur des territoires immenses comme les nôtres –plus de 200 kilomètres carrés en zone de sécurité prioritaire-, il faudrait des douaniers en très grand nombre. C'est impossible, il ont aussi d'autres choses à faire, ce n'est pas une mission prioritaire pour eux", assure-t-il à AEF.
Manuel Valls "likes this". Le ministre de l'Intérieur a déjà pu apprécier ce dispositif des transactions douanières lors d'un déplacement, à Pantin au cœur d'une ZSP de Seine-Saint-Denis, en avril dernier. Accompagnés du préfet et de la procureure, les policiers lui avaient détaillé comment ils procédaient pour sanctionner sur le champ les consommateurs pris sur le fait, avec une amende, comme un simple usager pris en défaut de ticket dans le métro. Devant les policiers et les journalistes présents, Manuel Valls avait alors insisté sur ce moyen de lutte contre les trafics qui "gangrènent les quartiers". Puis, dès le lendemain, sur un plateau de télévision, il avait annoncé sa volonté de "généraliser" l'expérience. En permettant aux policiers d'infliger directement et systématiquement une amende aux consommateurs ? Pour l'heure, rien n'est moins sûr. Une telle disposition impliquerait une nouvelle loi sous l'impulsion du ministère de la Justice et Christiane Taubira a déjà assuré devant l'Assemblé, en octobre dernier, que la loi "restera en l'état".
Proposition retoquée par le candidat Hollande. La "contraventionnalisation" de l'usage ou de la détention de cannabis n'est ni une idée neuve, ni l'apanage de la gauche. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait déjà évoqué cette mesure en 2003 avant que François Rebsamen ne la reprenne pour son compte en 2012. Le sénateur-maire PS de Dijon était alors le "monsieur sécurité" et futur locataire de la place Beauvau pressenti, de la campagne de François Hollande. Le candidat socialiste à la présidence avait alors lui-même rejeté l'option contredanse sur Europe1 en avril 2012.
"Je ne la reprendrai pas" :
"Cette proposition de François Rebsamen n'est pas nouvelle. Elle avait déjà été avancée par Nicolas Sarkozy. Je ne la reprendrai pas pour des raisons qui tiennent à la nécessité de l'interdit", avait-il précisé. "La question de la consommation du cannabis est posée pour beaucoup de jeunes. Je ne veux pas donner le moindre signal de renoncement à une dissuasion par rapport à cette consommation", ajoutait-il alors.
Source:Europe1