Il y a un an, le gouvernement annonçait un grand développement des tests salivaires de dépistage des stupéfiants, des tests enfin fiables après des années de tâtonnement. Les fumeurs de joint n’avaient plus qu’à bien se tenir avant de prendre la route....
Source: France Info
Après enquête, nous avons pu constater que le recours à ces tests reste plutôt confidentiel. Avec environ 5.000 tests effectués sur les 6 premiers mois de l’année, on a l’impression qu’on balbutie toujours en la matière. Étrange, alors que l’usage de stupéfiants au volant, principalement du cannabis, est présenté comme un danger majeur par les pouvoirs publics.
A la gendarmerie nationale, on tire néanmoins un premier bilan encourageant...
Ainsi, le Colonel Fontenaille, spécialiste en la matière, annonce une montée en puissance du recours au test.
"C’est à la fois peu et beaucoup. Parce qu’un gros effort de développement de ces tests salivaires a été fait. Ces tests salivaires qui succèdent aux tests urinaires vont permettre de multiplier les contrôles. On était avec les tests urinaires à environ 10.000 ou 15.000 contrôles et dépistages par an. Là, avec les kits salivaires, on est à une espérance de 80.000 à 100.000 par an. Donc bien évidemment ces tests vont se multiplier".
Utilisation difficile
Même dans le cas d’une fourchette haute, on restera loin d’un dépistage de masse comme pour l’alcool.
Normal, disent les gendarmes, puisque l’usage de drogues est encore très en deça de la consommation d’alcool en France. Mais il faut dire aussi que ces tests restent compliqués à utiliser.
En effet, un test salivaire signifie 20 à 25 minutes d’immobilisation du conducteur sur le bord de la route. C’est énorme si l’on ambitionne de "faire du chiffre".
Un test salivaire doit aussi être "motivé". Les gendarmes ou les policiers doivent consigner les raisons "plausibles" qui les ont conduit à s’intéresser à tel ou tel conducteur.
Les avocats spécialisés, comme Jean-Baptiste Iosca, sont donc à l’affut de toutes les fautes de procédure susceptibles d’annuler les poursuites.
"Les forces de police ont l’obligation de remplir une fiche préalable au contrôle pour éviter les délits de faciès. Le policier doit étayer son contrôle sur l’attitude de l’individu, les yeux brillants, l’haleine chargée, l’élocution bégayante...Si par exemple cette fiche n’est pas remplie avant le contrôle de stupéfiants, ça peut vicier la procédure et entrainer la relaxe pure et simple".
Débats sur l’utilité
Et au-delà des difficultés d’ordre technique, il y a par ailleurs toujours débat sur l’utilité de ces tests. La présidente de la Ligue contre la Violence Routière, Chantal Perrichon, qui dénonce pourtant inlassablement tous les facteurs de mortalité au volant, estime que le gouvernement agit en la matière dans la précipitation, sans hiérarchiser les risques et en surfant sur le rejet social de la drogue.
"Est-il plus grave de mourir parce que quelqu’un a fumé du cannabis ou parce que quelqu’un téléphone au volant ? Dans un cas on sait qu’il y a une opprobre sociale extrêmement importante et que les gens demanderont que le jeune aille en prison. Dans l’autre cas, il y aura sans doute une sorte de compréhension pour ce cadre dynamique qui se sera autorisé à téléphoner au volant. Or, en France, presque une personne par jour perd la vie parce que quelqu’un s’autorise ce genre de comportement au volant".
Le professeur Claude Got, grand pourfendeur des conduites à risques au volant et dans la vie en général, reste lui aussi très dubitatif sur l’évaluation du "risque cannabis". Selon lui, il majore assez faiblement le risque d’accident
"On s’aperçoit que c’est environ 2 fois le risque par rapport à quelqu’un qui n’est pas sous l’emprise du cannabis. 2 fois, c’est pour nous un risque assez faible. L’alcool, pour 0,50 g, c’est à peu près 2 ou 3 fois le risque. Mais l’alcool à plus de 2 g, c’est plus de 100 fois le risque de base. Donc il n’y a pas de comparaison possible entre le risque alcool et le risque cannabis".
Tests en amont
Les gendarmes proposent désormais aux conducteurs, en amont, une analyse de leur comportement. Une batterie de tests de la vue, de l’équilibre...
Une manière d’opérer un premier tri au sein d’une population de conducteurs suspects.
Tout un chacun a le droit de refuser. En revanche, le refus du test salivaire qui suivra immanquablement dans ce cas-là est un délit, passible des mêmes sanctions qu’un test....positif ! A savoir : jusqu’à 2 ans de prison et 4.500 euros d’amende. Un retrait de 6 points du permis de conduite et une éventuelle suspension du permis...
Par Laurent Doulsan
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