(Québec) Les provinces devraient consacrer l'argent de la taxe de vente des produits du cannabis à un fonds dédié au traitement, à la prévention et à la formation pour respecter l'esprit de la légalisation.
Selon la criminologue Line Beauchesne, Ottawa sera possiblement tenté
de prendre l'argent de la taxe sur les produits et services (TPS) pour
payer le coût des infrastructures mises en place pour la légalisation du cannabis.
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La criminologue Line Beauchesne, spécialiste des drogues, lance cet avertissement au moment où CBC a appris que le gouvernement Trudeau dévoilera d'ici un mois sa loi sur la légalisation du cannabis, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2018.
«La production et la transformation sont de juridiction fédérale, mais la distribution et la vente sont de juridiction provinciale», précise celle qui a participé au groupe de travail formé par Ottawa en aval de l'élaboration de la loi.
À partir de ce constat, comment les provinces géreront-elles leur réseau de distribution et que feront-elles de l'argent issu de la taxe de vente, la TVQ au Québec? «La vente de cannabis, ce n'est pas comme la vente d'alcool ou le jeu qui sont fondés sur une logique de promotion. Le rôle de Loto-Québec et de la Société des alcools est de donner à l'État les dividendes attendus. Il n'y a pas de restriction publicitaire. On ne peut pas faire ça avec le cannabis», soutient la professeure de l'Université d'Ottawa.
Mme Beauchesne rappelle que la volonté derrière la légalisation est d'éliminer le marché noir et de s'inscrire dans une démarche de santé publique. «Je crois que les gouvernements provinciaux doivent s'en tenir à prélever la taxe pour l'investir dans des programmes de prévention, de traitement et de formation des professionnels de la santé, notamment.»
Elle prend en exemple le Colorado où le cannabis est légalisé depuis janvier 2014. L'argent issu de la vente de marijuana est réinvesti dans la rénovation des écoles. Elle avance qu'Ottawa sera possiblement tenté de prendre l'argent de la taxe sur les produits et services (TPS) pour payer le coût des infrastructures mises en place pour la légalisation. Elle réfute toujours l'argument voulant que la vente de cannabis génère des profits immenses pour les gouvernements.
Pour s'arrimer avec les objectifs de la légalisation, la criminologue souhaite aussi que les provinces harmonisent le prix de vente et l'âge requis pour acheter du cannabis, qui ne peut être moins que 18 ans, mais pourrait aussi être de 19 ou 20 ans. «Sans harmonisation, il y a un danger de créer un marché parallèle.»
E nfin, elle envisage mal de laisser la gestion de la distribution et de la vente de cannabis à un organisme déjà existant, par exemple, bonifier l'actuelle Régie des alcools, des courses et des jeux. «Je suis pour une régie du cannabis. Il faut une structure complètement séparée, autonome, et demeurer très rigide sur les cadres réglementaires», insiste-t-elle.
Le défi de la transformation
Comme tout le monde, Mme Beauchesne attend le dévoilement de la loi. Selon elle, le gouvernement canadien semble avoir bien fait ses devoirs. Mais il reste encore beaucoup de défis à relever. Parmi eux, la vente de produits transformés contenant du cannabis peut être complexe. Elle rappelle que le Colorado a changé sa loi plusieurs fois parce que le législateur ne pouvait anticiper toutes les tendances de ce nouveau commerce.
«Comme le marché du cannabis thérapeutique est déjà présent, plusieurs malades préfèrent des produits comestibles plutôt que de fumer la drogue. Au Colorado, la vente de ces produits est devenue très populaire. Au début, ça a pris les autorités par surprise. Ça pourrait l'être ici aussi. Dans ces conditions, il faut s'assurer d'avoir des emballages sécuritaires, hermétiques pour ne pas les laisser à la portée des enfants», illustre-t-elle.
Force est de constater qu'il y a encore bien des inconnus. Ce n'est qu'à l'usage que les gouvernements pourront mieux adapter les lois. «Il va se développer des tendances de consommation d'une province à l'autre comme pour les boissons alcooliques», conclut-elle.
Légaliser la marijuana peut devenir un «élément positif», selon Couillard
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a indiqué que le cannabis ne deviendra pas un «fer de lance» économique. Il y voit d'ailleurs un enjeu de santé publique.
AFP, Chris Roussakis
Une légalisation bien encadrée de la marijuana peut devenir «un élément positif pour la société», estime Philippe Couillard.
Le premier ministre a réagi lundi aux informations de Radio-Canada sur le dépôt du projet de loi fédéral sur la légalisation à la mi-avril. Le travail serait complété à temps pour la fête du Canada, l'an prochain.
«C'est quoi l'alternative? a demandé le premier ministre. Laisser ça entre les mains du crime organisé? Est-ce que, vraiment, ça, ça rend service à nos jeunes? Je ne crois pas. Si on le fait de façon correcte, bien réglementée, ça peut être un élément positif pour la société.»
Le chef du gouvernement québécois n'est pas opposé au principe de la légalisation. Mais il souhaite voir le détail du projet de loi de Justin Trudeau. Il craint notamment que les choix d'Ottawa mettent de la pression sur les gouvernements provinciaux.
«On va s'assurer que chacun joue son rôle, a dit M. Couillard. Il est clair que, si ça se produit, ça va être un domaine qui va être très règlementé.»
La légalisation de la marijuana ne deviendrait pas un «fer de lance» économique, a-t-il commenté. Et il y a un enjeu de santé publique, notamment en matière de lutte au tabagisme. «C'est un domaine comme d'autres dans le passé, a noté M. Couillard. On a déjà dit ça de l'alcool il y a quelques décennies.»
Travaux interministériels
Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a indiqué que des travaux interministériels ont déjà débuté. «Nous allons nous préparer de la meilleure manière possible», a promis M. Coiteux. Un comité de travail avec les autres provinces et le fédéral a aussi été mis sur pied.
Le ministre des Finances, Carlos Leitão, s'était montré très tiède, l'année dernière, à l'idée que la Société des alcools du Québec (SAQ) serve de réseau de distribution de la marijuana. Dans sa proposition principale, qui n'est pas encore adoptée, le Parti québécois envisage pour sa part que le mandat de la SAQ s'étende à la vente de marijuana.
De son côté, le chef caquiste François Legault dit ressentir une «grande inquiétude» face à la légalisation. «A priori, je n'aime pas ça, a dit le chef caquiste. Le pot fait des dommages immenses dans nos écoles. On a des jeunes qui deviennent schizophrènes. On ne souhaite pas une augmentation de la consommation.» Simon Boivin
Jean-François Néron
Le Soleil
Source: lapresse.ca
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