C'est une « avalanche verte »

Par Invité ,

 

Deux milliards d'euros. Trois fois les pertes de la Caisse d'épargne... C'est ce que rapporterait chaque année aux cultivateurs néerlandais l'exportation de cannabis. De quoi donner à réfléchir en ces temps de fins de mois difficiles.

 

Source : Rue89Dans une interview au quotidien NRC Handelsblad (rapportée par l'AFP), le commissaire Max Daniel, chargé de la lutte contre cette culture, estime que 500 tonnes de cannabis sont exportées des Pays-Bas chaque année, soit environ 80% de la production locale. Et le policier de déplorer l'importance de la demande en provenance des pays voisins :

 

« Aux Pays-Bas, il y a 400 000 consommateurs d'herbe et de haschisch. S'il n'y avait qu'eux, le problème serait tout à fait maîtrisable. »

 

Ces chiffres confirment ceux que j'avançais dans Libération il y a quatre ans, lors d'une enquête au salon international du chanvre, à Utrecht.

 

Après avoir parlé à plusieurs spécialistes de la question (producteurs, économistes, militants...), j'arrivais à un chiffre d'affaires global de 5 à 10 milliards d'euros pour toute la filière (coffee shops, produits dérivés, fabricants d'engrais...) soit 1 à 2% du PIB néerlandais d'alors.

 

Une partie de cette somme est légale et rapporte des taxes à La Haye (les propriétaires de coffee shop paient des impôts, comme les fabricants d'engrais). A titre de comparaison, la valeur totale de la production de fleurs coupées dans le pays, leader mondial, était en 2002 de 3,45 milliards d'euros...

 

Cultiver au plus près des principaux marchés est devenu plus rentable

 

Il est intéressant de se pencher sur les raisons de cette « avalanche verte », comme la qualifie Adrian Jansen, économiste néerlandais et probablement le meilleur spécialiste de cette question.

 

Bien sûr, il y a la forte demande de cannabis en Europe. Il y a aussi la maîtrise technologique : les Néerlandais sont les spécialistes mondiaux de la culture en intérieur toutes plantes confondues et ont obtenu, dans les années 80, l'aide de jeunes Californiens chassés par le reaganisme, pour mettre au point des variétés d'herbe beaucoup plus fortes.

 

Mais c'est avant tout la prohibition du cannabis qui crée cette manne nouvelle pour l'Occident. Depuis les années 60, le cannabis « fumable » (par opposition à ce que l'on appelle chanvre en France) poussait dans des pays du Sud (Inde, Pakistan, Maroc, Mexique...) et était importé dans les pays du Nord.

 

Avec la difficulté croissante à passer les frontières, la faute à la guerre contre la drogue puis à la lutte contre le terrorisme, un cannabis beaucoup plus cher à produire mais cultivé au plus près de ses marchés de consommation les plus lucratifs est devenu plus rentable pour les trafiquants.

 

De plus, les pressions des pays du Nord (notamment à travers l'ONU) sur les pays du Sud ont fini par les convaincre de lutter plus activement contre la production de cannabis, parfois au prix d'affrontements avec des cultivateurs qui se retrouvaient soudainement privés de toutes ressources.

 

Et il est difficile aujourd'hui d'imaginer que les pays du Sud puissent à leur tour faire pression sur le Nord sur le thème : « Rendez-nous l'argent de l'herbe... »

 

On estime à 200 000 le nombre de cultivateurs de cannabis en France

 

En s'appuyant sur les propres chiffres du bureau du « Tzar » antidrogues américain, un chercheur a estimé le chiffre d'affaires de l'herbe aux Etats-Unis en 2003 à 35 milliards de dollars (pour une production approximative de 10 000 tonnes). La Californie, Etat de tradition agricole, fournirait à elle seule le tiers d’une production multipliée par dix en vingt-cinq ans. Tandis que le Tennessee, le Kentucky, Hawaii et Washington suivraient au palmarès.

 

Il y a cinq ans, le magazine Forbes affirmait affirmait déjà que le cannabis était devenu la culture la plus rentable du Canada. En France, on en est loin, mais on estime que 200 000 personnes cultiveraient du cannabis, majoritairement à petite échelle.

 

A l'arrivée, en imposant la prohibition au reste du monde, non seulement les pays du Nord n'ont pas réglé leurs problèmes de consommation, mais ils ont rapatrié chez eux une bonne part des bénéfices liés au trafic (même si la production n'est pas le secteur le plus rentable loin s'en faut).

 

Des produits plus concentrés en THC

 

Autre problème posé par cette délocalisation du Sud vers le Nord : les produits développés sous nos latitudes sont beaucoup plus concentrés en THC (principale substance active).

 

Là encore, pour des raisons simples : étant donné que vous prenez le même risque pour 1g de skunk néerlandaise ou pour 1g d'herbe africaine, autant cultiver des produits plus concentrés, plus facile à transporter et vendus beaucoup plus cher au kilo.

 

Un argument qui sert régulièrement aux politiciens du Nord pour réclamer un renforcement de la prohibition. Le serpent prohibitionniste se mord parfois la queue...

 


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