Bernard Rappaz : «On m’a accueilli comme une star»

Par Invité ,

Le chanvrier a été transféré lundi du quartier carcéral des HUG au pénitencier de Crêtelongue (VS). Première interview depuis la fin de son jeûne le 23 décembre

 

 

 

 

 

Deux jours après son arrivée au pénitencier de Crêtelongue, à Granges (VS), Bernard Rappaz a retrouvé un peu de liberté, celle de communiquer avec l’extérieur. En deux semaines, il a repris du poil de la bête et règle quelques comptes.

 

Comment avez-vous été accueilli à Crêtelongue?

Comme une star. Autant au niveau des gardiens que des autres prisonniers. Ils m’ont offert ma première cigarette de tabac depuis cinq mois et cela m’a mis complètement dans les vapes. Il faut dire qu’ici il y a trois Valaisans, moi compris, sur 35 prisonniers. Je dois faire attention à ce qu’ils ne prennent pas de photos. Les gardiens sont impeccables avec moi. On m’a déjà proposé de travailler sur un tracteur, de m’occuper des arbres ou des vaches. Ils savent que je suis un paysan.

 

Allez-vous accepter de travailler?

Dans mes peines précédentes, j’ai toujours été un prisonnier modèle et j’ai toujours eu droit à la semi-liberté en milieu de peine. Je suis d’accord de suivre le processus, mais pour l’instant je suis en arrêt de travail à 100%. Petit à petit, je vais recommencer. J’aimerais bien à l’extérieur, car j’ai besoin de me refaire les muscles, mes jambes sont devenues comme des baguettes de tambour.

Comment se passe votre réalimentation?

Je m’en sors bien, j’ai battu le record de Suisse de la grève de la faim. Je me remets très vite. Ce soir, j’ai mangé des calamars et j’espère ne pas tomber malade… Les médecins avaient très peur qu’il m’arrive quelque chose. Les cinq premiers jours sont difficiles, car la faim est très présente et il faut se retenir. Je peux manger de tout. J’ai pris un kilo par jour alors qu’ils ne me donnaient que 1500 calories. J’en ai profité pour arrêter de manger de la viande et je demanderai un peu plus de fromage. Mais je devrai attendre 60 jours avant de pouvoir manger une raclette à volonté!

Ressentez-vous des séquelles physiques?

Dans un jeûne, il y a trois parties du corps qui ne maigrissent pas: le cerveau, les organes sexuels et le réseau sanguin. Par contre, j’ai eu des problèmes de décalcification. Mon organisme a puisé dans l’ossature. Apparemment je n’ai pas de séquelles. J’ai eu des problèmes de vision, je ne pouvais plus lire le Télétexte par exemple. Mais ce n’était pas irréversible, c’est revenu en mangeant.

Comment avez-vous perçu le climat passionné et parfois haineux qui a entouré votre grève de la faim?

Au début, les avis étaient plus partagés. Puis avec la polémique sur l’alimentation forcée, les gens sont devenus vraiment féroces, surtout à travers les commentaires anonymes dans les journaux. Je n’ai jamais vu ça avant. C’est une dérive à caractère fasciste de la société suisse depuis que l’UDC tient le haut du pavé.

Les Valaisans en particulier n’ont pas été tendres avec vous?

C’est une question de mentalité et de formation de l’opinion publique. Dans mon activité militante, j’ai gagné 17 fois au Tribunal fédéral. La justice valaisanne a d’abord voulu se venger. Ensuite l’opinion publique est conditionnée par la presse du Valais romand, qui dit depuis trente ans que le chanvre tue. Alors forcément je passe pour un grand criminel. Le Haut-Valais m’a beaucoup plus soutenu, à l’exemple de Peter Bodenmann, parce qu’ils n’ont pas la même presse et sont plus orientés vers la Suisse alémanique.

 

A l’exception peut-être d’Esther Waeber-Kalbermatten qui est Haut-Valaisanne?

Je regrette d’avoir eu affaire avec elle. On lui a mis un comité de crise pour la conseiller et pour la manipuler. Je regrette pour l’image de la première femme au gouvernement valaisan d’avoir été mise sous tutelle par les hommes. Elle a dû s’écraser devant la pression mise par l’UDC et la droite.

 

Est-ce que vos grèves à répétition et son feuilleton médiatique ont fait avancer la cause du chanvre?

Oui un peu. Je pense qu’il y a eu du soutien pour cette cause, davantage en Suisse alémanique. Il y a eu des prises de position, comme celle du président des médecins suisses, Jacques de Haller, concernant la politique à l’égard du chanvre. Il y a eu l’engagement de Jean-Charles Rielle, qui était inattendu. Mais je voulais surtout dénoncer la sévérité de la peine et l’injustice qui m’était faite en Valais, alors qu’à Zurich, pour des faits similaires, des gens n’ont pas fait un jour de prison.

 

Eric Felley - le 11 janvier 2011, 22h15

Source : Le Matin

 


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Perdre une bataille n'est pas perdre la guerre.

Content qu'il aille mieux quand même...!

 

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