A Tahiti, le juge prescrit la tisane au cannabis

Par Invité ,

Un malade qui l'utilisait comme antidouleur a été relaxé.

 

Un juriste de l'université de Polynésie critique la décision de la cour d'appel de Papeete. Celle-ci avait invoqué l'excuse de «nécessité» pour relaxer un homme de 55 ans, paraplégique, cultivateur de cannabis.

 

C'est un arrêt censé faire jurisprudence, pas une citation tirée d'un tract : «La consommation de cannabis est nécessaire à la sauvegarde de la santé.» Il a été rendu le 27 juin 2002 par la cour d'appel de Papeete, sous l'autorité du président de chambre, Brieuc de Mordant de Massiac. L'éloignement de cette juridiction française explique sans doute que la décision soit passée inaperçue. Un juriste de l'université de Polynésie la critique dans le Recueil Dalloz du 27 février, jugeant les propos de la cour «provocateurs». Celle-ci invoque l'excuse de «nécessité» pour relaxer un homme de 55 ans, paraplégique à la suite d'un accident et cultivateur de cannabis, et s'appuie sur l'article 122-7 du code pénal : «N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne.»

 

305 pieds. Loäc M. avait été condamné à six mois de prison dont trois ferme par le tribunal de grande instance de Papeete pour avoir «détenu sans autorisation administrative des plantes vénéneuses classées comme stupéfiants». Soit 305 pieds de cannabis hauts de 90 cm à 3 m et 84 pousses de 10 à 15 cm plantés dans son jardin. Loäc M. a expliqué que cela lui permettait de confectionner des tisanes, seul moyen de calmer ses douleurs, les autres médicaments lui abîmant les reins.

 

Plantes femelles. «Il est de notoriété publique que le cannabis est parfois utilisé comme médicament pour soulager des douleurs, justifie la cour. Il n'est pas reproché au prévenu d'avoir fait commerce ni d'avoir offert ses plants. Leur nombre était dû à la nécessité d'obtenir des plantes femelles, seules à lui procurer la grande qualité de fleurs nécessaires à ses tisanes.» Donc, conclut la cour, Loäc M. est bien menacé par un danger actuel, ses souffrances. La détention de cannabis est nécessaire à la sauvegarde de sa santé, et donc de «sa personne».

 

Selon Pascal Gourdon, professeur de droit à Papeete, l'état de nécessité doit s'envisager comme la protection de certains intérêts moraux supérieurs, comme «l'hon neur ou la dignité» : «La cour de Papeete a fait du refus de la souffrance un objectif supérieur à celui du respect de la loi sur le trafic des stupéfiants, alors que ses souffrances ne mettent pas en jeu le pronostic vital.»

 

L'usage du cannabis à des fins thérapeutiques est autorisé en Suisse, en Australie, au Canada, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et dans 35 Etats américains... Mais pas en France. Le tribunal administratif de Paris l'avait rappelé en mai 2001. Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, s'était montré favorable à cet usage.

 

Source : Libération - lundi 3 mars 2003 - Blandine GROSJEAN

 


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