Une amicale de locataires de la cité Charles-Schmidt a négocié la paix sociale avec les trafiquants. Le deal ? «moins de nuisances», en échange de les laisser «faire leur business». Et ça marche.
Le Parisien rapporte qu'un accord a été passé entre habitants et dealers dans un quartier de Saint-Ouen pour stopper les nuisances sonores la nuit. Un pacte "inacceptable" selon un syndicat de police.
Un accord pour le moins inhabituel. Dans une cité du sud de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), des habitants ont passé un contrat avec des trafiquants de drogue afin de favoriser le calme une fois la nuit tombée, a rapporté Le Parisien dimanche. Un accord qui intervient dans "l'un des points de deal les plus prisés du secteur", selon le quotidien.
Le droit de "vivre tranquillement"
"S'il vous plaît, le sommeil est important pour commencer une bonne journée. Silence après 22 heures! De la part des jeunes et des habitants." L'entente s'est matérialisée par une affiche, accrochée aux portes de l'immeuble. Elle a été créée par les habitants et les dealers.
Un collectif d'une quarantaine d'habitants s'est récemment accordé avec les trafiquants de drogue du quartier pour que ces derniers stoppent leurs business dans le hall d'immeuble après 22 heures et qu'ils cessent les nuisances sonores une fois la nuit tombée.
"On ne cherche pas la confrontation", affirme au Parisien l'un des habitants. C'est une façon de dire qu'on vit là, qu'on paie nos charges et notre loyer, donc on a le droit de vivre tranquillement", ajoute-t-il.
Les habitants tiennent à souligner qu'ils ne veulent pas faire la "guerre" aux trafiquants, estimant que c'est "le rôle de l'État".
Une "démission" de l'État
L'article n'a en tout cas pas manqué de faire réagir certaines personnalités politiques, pour dénoncer ce qu'elles voient comme un affaiblissement de l'État.
Un contrat également "inacceptable" aux yeux du syndicat de police Synergie-Officier, qui déplore que "l'ordre républicain" soit "supplanté par un autre".
"Je comprends les locataires qui veulent la paix. Au bout d'un moment t'en peux plus. Si tout le monde commence à faire ça c'est énorme! La question qu'on peut se poser c'est 'qu'en pense le bailleur?'", s'interroge ce lundi Elina Dumont sur RMC. Car selon Le Parisien, cet accord serait aussi un pied de nez des habitants au bailleur, Seine-Saint-Denis Habitat. Les résidents dénoncent effectivement un abandon, évoquant l'absence de gardien et un ascenseur en panne pendant trois mois.
"Cet accord, c'est le symbole de l'affaiblissement de l'Etat", dénonce de son côté Gilles-William Goldnadel sur le plateau des "Grandes Gueules". "Les parties privées n'ont pas la naïveté de croire que c'est la police qui va assurer la tranquillité publique. Cela montre à quel point nous en sommes!".
Les deux parties gagnantes
Un accord qui n'a rien d'étonnant pour le professeur d'Economie Gilles Raveaud: "C'est un grand classique, la mafia qui assure l'ordre dans des villes entières c'est connu. Les dealers eux-aussi ont besoin de tranquillité pour faire leur business", estime-t-il avant de plaider à demi-voix pour une dépénalisation de la marijuana.
"La marijuana est d'ailleurs l'un des seuls marchés sur lesquels il y a un consensus économique pour dire que les effets toxiques sont relativement moindres et que la lutte contre les trafics coûte cher et est inefficace. Je pense que la question de la dépénalisation pourrait être posée (...) L'addiction au sucre coûte bien plus cher à l'Etat et à la Sécu que le cannabis !", conclu-t-il.
En cas de légalisation du cannabis, Terra Nova dans un rapport datant de 2014, estime que l'Etat français pourrait empocher environ 1,7 milliard d'euros de recettes fiscales, auxquelles il faudrait ajouter une économie de 500 millions d'euros en raison de la fin de la répression.
Sources: rmc.bfmtv & leparisien.fr
Il n’y a aucun commentaire à afficher.