Dans sa dernière édition, le CCI Info présente plusieurs scénarii sur le thème de « la Nouvelle-Calédonie de 2046 ». Parmi ceux-ci, des chefs d’entreprise et des économistes en ont plébiscité un, lequel assurerait la prospérité de la Calédonie sans Nickel grâce à « la production encadrée de cannabis » et à la « création d’un paradis fiscal ». Fais tourner !
Pour son dernier numéro de l’année 2016, des acteurs du monde économique calédonien ont réagi à des scénarios concoctés par des étudiants de l’EGC, des économistes et des professionnels dans le cadre d’un concours organisé à l’occasion du 30ème anniversaire de l’Ecole de Commerce. Parmi ces travaux, le premier intitulé « la Nouvelle-Calédonie prospère sans Nickel » mérite le coup d’œil. Extraits :
« (2046) La Calédonie fait partie du top 10 des pays les plus innovants au monde. Sa population a atteint le million de Calédoniens depuis qu’en 2017 un plan quinquennal a été instauré afin de rendre le pays plus attractif via la création d’un paradis fiscal. Nouméa est devenu l’Honolulu du Pacifique avec, à son actif, de nombreux casinos et le 1er circuit automobile électrique du Pacifique. La capitale est devenue une tête de ligne pour les croisiéristes. (…) Mais c’est la production encadrée de cannabis d’une qualité rare, employé par les laboratoires pharmaceutiques du monde entier dans la recherche contre le cancer, qui a contribué à la richesse du pays et à sa renommée internationale (extrait scénario 1, décembre 2016 ; sources : p23 CCI Info) »
Parmi les chefs d’entreprise et les acteurs du monde économique ayant plébiscité ce scénario, Michel Mees (DG SCIE Distribution), Pierre Kolb (PDG du bureau d’études A2EP) ou encore Frédérique Pentecost (PDG de la Holding du Pacifique). Il faut dire que le fait de transformer la Nouvelle-Calédonie en paradis fiscal s’avère intéressant pour le monde économique et surtout pour les investisseurs étrangers. Selon les critères de l’OCDE, il faudrait pour cela que les impôts deviennent « insignifiants ou inexistants », « une absence de transparence fiscale » et surtout « l’absence d’échanges de renseignements fiscaux avec d’autres États » ce que la Nouvelle-Calédonie, totalement compétente en matière fiscale, pourrait in fine décider. Mais peut-être pas besoin non plus d’aller jusqu’à là. L’idée d’une « zone franche** » en revanche ne date pas d’hier.
En effet en 1991, le journal les Echos rappelait qu’Alain Christnacht, alors Haut-Commissaire, avait décidé de créer une « zone franche » dans la région de Népoui-Koné-Pouembout afin d’attirer l’investissement et de développer l’activité économique. Depuis lors, la SMSP et ces partenaires internationaux ont pu bénéficier d’un environnement fiscal plus favorable qu’ailleurs sur le territoire et l’usine du Nord est sortie de terre.
Aux Antilles, l’exemple des Iles Vierges Britanniques (territoire d’Outre-mer du Royaume-Uni) démontre qu’un petit territoire peu peuplé (néanmoins dépendant d’une grande puissance) peut tirer son épingle du jeu puisque leur PIB est désormais de 42.000 $/habitant (contre 28.000 $/habitant en NC) grâce notamment à leur services financiers qui assurent 60% du PIB de l’île.
Le cannabis, source de richesse ?
Beaucoup plus polémique, mais néanmoins tout autant rémunérateur pour un territoire, la production encadrée de cannabis a fait ses preuves dans de nombreuses régions du monde. Aux Etats-Unis, de plus en plus d’Etats légalisent le chanvre à titre médical mais aussi récréatif.
Quatre nouveaux Etats ont ainsi légalisé le cannabis lors des dernières élections présidentielles (lesquelles s’accompagnent souvent de référendums locaux) dont la Californie et le Nevada et la régulation du cannabis récréatif a débarqué sur la côte Est puisque le Massachusetts et le Maine font leur entrée dans ce club qui compte désormais 8 Etats américains sur 50. Et début 2016, le premier ministre du Canada Justin Trudeau a annoncé une légalisation totale du cannabis en 2017 ! Les raisons de cet engouement ?
Elles sont doubles : d’une part le cannabis possède de nombreuses vertus en matière de santé publique notamment concernant le traitement de l’épilepsie, de la maladie de Parkinson*, ou encore en réduisant les fortes migraines chez l’adulte. Mais le cannabis, très consommé partout dans le monde est aussi l’incroyable garant de considérables rentrées financières pour les états qui régulent sa production et taxent son prix de vente. L’Oregon a ainsi vu l’année dernière, un mois après la mise en place du régime légal, ses ventes s’établir dans ses dispensaires médicaux à 22 millions de dollars.
Trois mois plus tard 35 millions de dollars avaient été captés sur les ventes réalisées par les 323 dispensaires de cannabis récréatif. Dans une étude du cabinet « New Economy Consulting » qui avait fait grand bruit sur internet, les experts ont prévu que le marché du cannabis représenterait 481 millions de $ en 2016 pour cet état de 4 millions d’habitants, mettant par la même en concurrence l’état voisin du Colorado qui avait, parmi les premiers, bénéficié également de la manne cannabis.
Contrôler pour ne plus subir
Sans concurrence dans la région pacifique (l’Australie n’a légalisé le cannabis qu’à titre médicinale), la Nouvelle-Calédonie aurait peut-être tout avantage à légaliser un produit recherché et parfois utile, si celui-ci était bien sûr suffisamment contrôlé, à l’instar des autres produits que sont le tabac et l’alcool. Dans son scénario-fiction « la Nouvelle-Calédonie de 2046 », l’EGC vise en effet l’utilisation par les laboratoires pharmaceutiques d’un produit local d’une « qualité rare ». Mais, une autre raison favorisant la légalisation serait naturellement la lutte contre la criminalité et la délinquance. Justement, aujourd’hui même, 150 personnalités marseillaises viennent de signer un appel pour une « légalisation contrôlée » du cannabis.
Parmi les signataires, on retrouve des élus, des avocats, des magistrats et de nombreux médecins. Tous de Marseille. La cité phocéenne étant particulièrement victime de la prohibition qui serait selon eux « directement responsable, chez nous, de réseaux, de trafics très organisés, qui brassent des sommes considérables et gangrènent de nombreux quartiers ». Les gangs se partageant le marché juteux et illicite du cannabis ont l’année dernière été responsables du décès de 25 personnes dans des règlements de compte armés.
A la fin de sa vie, Charles Pasqua avait lui-même reconnu que la prohibition entrainait une escalade de la délinquance. Ainsi, dans un documentaire de France 5 diffusé récemment, l’ancien ministre de l’intérieur faisait son mea culpa : « On peut s’interroger sur le fait de savoir si on n’aurait pas eu intérêt à légaliser, notamment le cannabis ! (Charles PASQUA ; Sources : extrait doc La loi de la drogue, France5) »
En Nouvelle-Calédonie, on sait que la majorité des délinquants multirécidivistes qui empoisonnent la vie des habitants vivent en grande partie du trafic de cannabis. Ne serait-il pas temps de s’attaquer aux causes de l’insécurité, et non pas seulement à ses conséquences ? Réponse en 2046…
Source: caledosphere.com