L’Uruguay est le pays au monde qui va le plus loin en matière de légalisation de la marijuana pour un usage récréatif. Depuis le 19 juillet dernier, elle est en vente dans une douzaine de pharmacies sous le contrôle de l’Etat qui en maîtrisant la production et la distribution de cette drogue, espère combattre les narcotrafiquants. Déjà, 18.000 consommateurs réguliers se sont enregistrés pour pouvoir en acheter et ils plébiscitent l’initiative.
Dans les pharmacies en Uruguay, il n’y a pas que des médicaments et des produits de soin : on y trouve aussi du cannabis. Depuis le 19 juillet dernier, certaines officines ont l’autorisation de le commercialiser pour un usage récréatif.
L’Uruguay est ainsi devenu le premier pays au monde où le marché de la marijuana, sa production et sa commercialisation sont régulés par l‘État. Après avoir formellement légalisé le cannabis en décembre 2013, les autorités uruguayennes ont adopté une mesure qui va plus loin que les expériences menées dans plusieurs États américains, aux Pays-Bas et en Espagne.
Dans une officine de la vieille ville de Montevideo, nous rencontrons Federico, un consommateur de cannabis. Il salue l’initiative. “Depuis qu’on peut en acheter en pharmacie, dit-il, j’ai l’impression que c’est un système qui fonctionne vraiment bien. Le seul problème, c’est qu’il n’y a vraiment pas beaucoup de pharmacies qui en vendent et très souvent, dans celles qui ont du cannabis, il faut faire la queue, parfois jusque dans la rue, regrette-t-il avant d’ajouter : Mais sinon, j’ai l’impression que ça se passe très bien.”
1,30 dollar le gramme
Pour l’instant, une douzaine de pharmacies ont intégré le circuit de distribution mis en place par le gouvernement. Chaque client peut acheter jusqu‘à 10 grammes par semaine pour 1,30 dollar le gramme, un tarif moins élevé qu’au marché noir.
Pour pouvoir obtenir des sachets de marijuana, il faut être citoyen uruguayen, majeur, s’enregistrer auprès de l’Institut national de régulation du cannabis et donner ses empreintes digitales. Objectif des autorités : conserver une trace des transactions, contrôler les identités et exclure le tourisme de la drogue.
“Aujourd’hui, on achète ça dans les pharmacies, on paye des impôts dessus, fait remarquer un consommateur. C’est un système qui existe et qui va continuer d’exister dans l’avenir : ça me paraît très bien de pouvoir s’en procurer légalement, acheter du cannabis comme on achèterait n’importe quoi d’autre : c’est très bien.”
La vente en pharmacie est l’axe principal du projet de régulation par lequel l’Etat uruguayen veut combattre les narcotrafiquants et les priver d’un marché qui représenterait 40 millions de dollars par an.
"Les sommes dépensées ne vont plus au marché noir"
Pour approvisionner les clients des pharmacies en marijuana estampillée “production gouvernementale”, la culture a été confiée à des producteurs privés. Chaque année, 4 tonnes de fleurs de cannabis seront produites.
Pour l’Institut de régulation du cannabis, après quelques mois de commercialisation en officine, le bilan est encourageant : près de 20% des consommateurs réguliers de cannabis se sont enregistrés.
“Cela veut dire que tous ces gens ne s’en fournissent plus illégalement ; donc les sommes dépensées pour acheter du cannabis ne vont plus au marché noir, se réjouit Diego Oliveira, directeur de l’Institut national de régulation et de contrôle du cannabis (Ircca). Il ne fait aucun doute que ça limite les possibilités de trafic, du moins en ce qui concerne le cannabis ; mais il est encore trop tôt, il faut continuer à avancer dans cette voie avant d‘évaluer le dispositif, ce qui est d’ailleurs l’une des nos tâches fondamentales,” indique-t-il.
Mais cette régulation ne plaît pas à tout le monde : la population y est défavorable à 54% et l’opposition juge que le dispositif offre une nouvelle voie d’accès à la drogue. Politologue à l’Université catholique d’Uruguay, Rosario Queirolo a mené des recherches sur cette politique. “Cela marchera si le gouvernement atteint les trois objectifs de cette loi : décriminaliser les consommateurs ; en matière de santé publique, produire une substance de meilleure qualité et concernant la sécurité publique, reprendre ce marché aux narcotrafiquants et diminuer le niveau de violence, énumère-t-elle. Si le gouvernement obtient des résultats dans ces trois domaines, assure-t-elle, je crois que les Uruguayens seront toujours plus nombreux à soutenir cette régulation.”
Culture personnelle
Cette loi permet aussi aux Uruguayens de cultiver eux-mêmes leur herbe dans un club de consommateurs par exemple pour jardiner en groupe
ou bien, alors tout seul chez soi. C’est ce que fait Martin. La culture à domicile est autorisée si elle est limitée à sa consommation personnelle et à six plants par foyer.
“L’avantage, c’est que je sais exactement ce que je vais fumer par la suite, dit-il. Je sais comment la plante a été cultivée, je peux choisir les graines, si je veux de la Sativa ou de l’Indica et la quantité que je veux, explique-t-il. J’aime fumer au moment de l’année où j’en ai envie, sans aucune bureaucratie, être totalement indépendant et surtout, complètement en dehors du narcotrafic,” conclut-il.
“Six mois après que les premiers grammes de marijuana ont été vendus en pharmacie, nous précise Pierre Morel, notre reporter sur place, la population uruguayenne montre de plus en plus d’enthousiasme face à cette initiative de régulation. Le processus initié sous le président José Mujica n’est pas la priorité de l’actuel gouvernement de Tabaré Vázquez ; pourtant ce système unique au monde est bien lancé : à ce jour, 18.000 personnes achètent de la marijuana vendue par le gouvernement uruguayen,” souligne-t-il.
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