Le problème central de l’actuelle révision partielle de la loi sur les stupéfiants est étroitement lié au choix du Conseil fédéral qui avait déjà fait échouer la révision totale de cette loi : le gouvernement tient à une loi générale sur les substances engendrant la dépendance qui comprend également des mesures de prévention au sens large du terme.
Source : Chanvre-Info
Comme l’annonce son titre, la loi fédérale sur les stupéfiants est une loi visant à imposer l’interdiction de ce type de substances et à définir éventuellement certaines exceptions. Ce texte se focalise sur des interdictions, des dispositions pénales, la protection de la jeunesse et les contrôles. Il vise de fait une minorité ou des groupes marginaux de la population. Certaines dispositions essentielles de cette loi reposent sur des accords internationaux.
Limites supprimées
Une loi générale sur les stupéfiants, par contre, élargit l’éventail des substances et des comportements visés et s’articule principalement autour de la prévention, la thérapie et la limitation des dégâts. Elle s’adresse à de larges couches de la population et s’applique indépendamment des engagements internationaux. Contrairement à une loi sur les stupéfiants à proprement parler, une telle législation peut être adaptée à une politique de la santé "moderne" et tenant compte des particularités nationales à condition de trouver une majorité démocratique.
Dilution des dispositions existantes
Partant de ces définitions, il est évident que sur le plan de la technique législative il s’agit de deux démarches totalement différentes. Ce sont précisément ces différences qui ont conduit à l’échec du projet de révision totale de la loi sur les stupéfiants qui était contradictoire, qui manquait de cohérence et qui était impraticable dans une large mesure.
J’ose espérer que cette confusion législative n’est pas le résultat d’une stratégie mise au point par l’administration fédérale, mais qu’elle repose plutôt sur des incompétences juridiques. Le fait est cependant que le projet de révision partielle dilue dangereusement la loi sur les stupéfiants actuellement en vigueur.
L’absence, pour des raisons tactiques, de certaines dispositions contestées comme la libéralisation de la consommation de cannabis, ne change rien à ce constat. En effet, lorsque la fusion de la loi sur les stupéfiants et d’une législation générale sur les produits engendrant la dépendance sera effective, la première perdra sa consistance et sa logique interne ; elle permettra toutes sortes d’interprétations et son application sera vague.
Pas d’interdictions
Les articles 1 et 2 des "Dispositions générales" cimentent cette ambiguïté de la nouvelle législation. Alors que les articles 1a et 2a exposent les exigences d’une loi générale sur les produits engendrant la dépendance, les articles 1b et 2b reprennent quelques règles de la loi actuelle sur les stupéfiants, mais sans statuer explicitement que la consommation de tels produits est interdite (contrairement à la consommation d’alcool, de tabac, de médicaments, etc.).
Quelles substances sont interdites ?
Voulue ou non, cette ambiguïté est entretenue par les milieux politiques qui font pression en faveur d’une "politique globale contre les produits engendrant la dépendance" et qui revendiquent, par exemple, une politique antidrogues "urbaine". C’est dans ce même esprit que la commission parlementaire et sa sous-commission n’ont pas voulu définir clairement les autres dépendances visées par cette loi : substances à renifler, médicaments, alcool, tabac, boulimie, manie du jeu, etc. Or, cette définition est indispensable, car les articles 1a et 2a des dispositions générales n’évoquent que d’une manière générale les troubles psychologiques et comportementaux dus à la dépendance. Il faut donc exiger que l’article 2 mentionne non seulement les stupéfiants et leurs agents précurseurs, mais aussi toutes les autres substances et dépendances visées et qui sont censées être combattues par les mesures nouvelles décrites à l’article 1a en matière de prévention, de thérapie et de limitation des dommages. Il manque dans ce projet une différenciation entre les troubles et dommages dus aux substances et ceux dus aux dépendances. Bref, on cherche en vain dans l’ensemble du texte des définitions et différenciations claires et nettes.
Le mythe des "quatre piliers"
Les auteurs du projet n’ont pas reculé devant des dispositions d’une inconsistance crasse dans l’unique but de justifier le mythe des quatre piliers. Ainsi, l’article 1a (nouveau) mentionne, à côté de la prévention, de la thérapie/réhabilitation et de la limitation des dommages/aide à la survie le quatrième principe "Contrôle et répression". Or, le contrôle n’a aucun rapport avec la répression policière. Il constitue en fait le 5e pilier de notre politique antidrogue et concerne la fonction de contrôle et de surveillance de l’Institut suisse des produits thérapeutiques, respectivement de l’Office fédéral de la santé publique, sur la "production, la distribution, l’acquisition et l’utilisation de stupéfiants" (chapitre 2). Il s’agit ici de régler les références de qualité et les exceptions non pas sur la base de principes répressifs, mais en fonction du "good clinical practice", de règles éthiques et d’accords internationaux.
Contrebande de drogue facilitée
Le mot "négligence" a été biffé dans l’article 19, al. 3. Cette modification supprime un état de fait important pour les contrôles douaniers. Actuellement, les personnes auxquelles on ne peut pas prouver qu’elles ont tenté intentionnellement importer des substances interdites peuvent au moins être poursuivies pour négligence. Cette disposition étant supprimée, n’importe quel voyageur qui se fait attraper avec des drogues à la douane peut prétendre avoir emporter ce paquet pour rendre service à quelqu’un.
Protection réduite des enfants
Selon le nouvel article 19a, la vente et la remise de drogues à des mineurs (moins de 16 ans) ne sont plus considérées comme des délits graves si bien que la peine frappant ce genre de délit est considérablement allégée.