Un juge a du gratter 14 pages pour motiver le maintien de Bernard Rappaz en détention. Il n’en faut pas moins pour essayer de faire passer un militant opiniâtre en un dangereux criminel. Nous ne sommes toujours pas convaincus par les arguments de la justice valaisanne. Ce maintien en détention a pour unique but de casser moralement et physiquement Bernard Rappaz. Pour justifier les réquisitions totalement abusives du procureur contre lui, 20 ans pour du chanvre après avoir demandé 12 ans pour un viol ou un meurtre, pour discréditer le mouvement chanvrier, au moment ou le Conseil Fédéral puis les chambres doivent se prononcer sur la suite à donner à notre initiative et doivent aussi voter une modification de la Lstup, pour laminer les capacités de défense de Bernard Rappaz avant un prochain procès bien moins spectaculaire qu’annoncé, le TC et l’Office Cantonal du ministère public joue avec sa vie.
Source : Chanvre-info
Le chanvre n’est pas un crime
Le contestable risque de collusion et les très fortes suspicions de trafic de haschich ne changent rien à la présomption d’innocence, ni au fait qu’un chanvrier n’est pas criminel tant qu’il ne tue, ne frappe, ne braque, n’esclavagise, n’empoisonne ou ne viole personne. Le chanvre n’est pas une substance létale. Bernard a toujours honoré les convocations de la justice et purgé sa peine quand tous les recours étaient éteints. Il n’est plus en état de supporter une cavale et n’a pas manifesté l’intention de fuir. Il n’a plus de chanvre en stock et pas la force d’en planter. Pourquoi cette détention préventive ?
Toujours la même vieille loi ambiguë
Douze conseillers nationaux ont exigé des conditions de détention humaine et sa libération rapide. Heureusement, Il reste encore en Suisse des femmes et des hommes politiques fidèles à leurs convictions, qui n’abandonnent pas une cause et ces militants alors que le combat est mal engagé, après des années de promesses et un processus de consultation totalement favorable. Ils affirment, comme nous, que "la loi actuelle sur les stupéfiants conserve une ambiguïté sur la légalité de la culture du cannabis et du commerce de graines". On ne peut pas emprisonner au secret et encore moins laisser mourir quelqu’un sur une ambiguïté. Merci à ces élus Verts, PS et POP de nous rappeler que l’inquisition et la chasse aux sorcières sont des temps révolus. En ce moment, j’ai souvent comme un doute.
Enfin de la presse
Après un long blocus, la presse informe enfin sur cette affaire, même si je regrette certains commentaires peu impartiaux comme le titre « soutien inattendu » dans le Matin bleu du 12.05.06 à propos du soutien légitime des 12 conseillers. La presse populaire suisse ne veut pas nous considérer comme des militants politiques, elle vend plus de papier avec des criminels. A trop vouloir cantonner l’affaire Rappaz dans le domaine du fait divers sordide, les médias en oublient qu’il s’agit avant tout d’un problème politique, éminemment politique même depuis le refus du Conseil Fédéral de soutenir l’initiative Pro-chanvre.
Le gouvernement répond de travers
Le Fédéral prétend qu’il n’est pas pertinent de séparer la question du cannabis du reste de la politique des drogues, alors que c’est précisément ce qu’a fait le Parlement. En avril 06, la commission de la santé publique du National est entrée en matière sur le projet de révision de la loi sur les stupéfiants, mais la question « hautement controversée du cannabis » https://www.chanvre-info.ch/info/fr/Reforme-de-la-Lstup-suisse.html ne sera pas traitée. On ne doit donc pas attendre d’amendement ou de proposition sur le cannabis de la part des chambres malgré les affirmations du fédéral, pas plus que la révision sous sa forme actuelle ne constitue un contre-projet acceptable pour les chanvriers et les consommateurs. Voilà pourquoi nous sommes contraints d’emprunter la voie constitutionnelle malgré le reproche non fondé du Fédéral.
Une initiative incluse dans les quatre piliers
Le statu quo n’est pas une réponse, surtout après tant d’années de tergiversations. C’est pour éviter un enterrement discret de la réforme que nous avons décidé de promouvoir une initiative uniquement sur le chanvre, pas pour dissocier le chanvre de la politique des quatre piliers. Nous voulons une politique globale sur toutes les substances psychoactives. Nous sommes pour la prévention et la RDR, nous voulons des règles pour la consommation et la distribution et des sanctions pour les contrevenants. Nous voulons que le peuple entérine la vision progressiste de cette politique, celle défendue par Ruth Dreyfus alors présidente de la Confédération, celle défendue par la Commission santé du National qui l’avait approuvée par deux fois avant le refus d’entrer en matière, celle la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues dans son rapport sur le cannabis ou son rapport psychoactiv.ch https://www.chanvre-info.ch/info/fr/Vers-une-nouvelle-politique-des.html , celle de tous les gens honnêtes et de bon sens.
L’histoire sans fin de l’abstinence
Comment le Fédéral peut-il prétendre que nous n’appuyons pas assez le volet sanitaire de ce dossier parce que nous ne faisons pas la promotion de l’abstinence ? Cette doctrine, appliquée sans succès depuis des lustres, n’était pas jusqu’alors incluse dans la discussion sur la réforme de la Lstup. Ces vœux pieux dirigent la politique des drogues depuis quarante ans avec l’insuccès que l’on connaît. Ce dogme de l’abstinence, héritage directe de Jeunesse sans drogue et de Narconon, revient sous la pression de prohibitionnistes forcenées comme Claude Ruey, le président de cette nouvelle commission du National sur les drogues. Il ne doit pas être accepté comme une pratique essentielle, c’est un principe qui convient bien à certains et qui est inapplicable à beaucoup d’autre. C’est un piège aisé à tendre car il donne bonne conscience mais ne résout rien. Il constamment dénoncé par la grande majorité des spécialistes qui lui préfèrent une approche globale de prévention de la dépendance, avec un programme objectif d’éducation sanitaire aux psychoactifs et de réduction des risques. Cette politique est réclamée par les intervenants en toxicomanie du GREAT et de Fachverband Sucht qui dans une déclaration commune de mars 06 affirmaient : « une consommation occasionnelle ou à faible dose contrôlée par l’individu, quelque soit le produit, est peu ou pas problématique.. »
Encore un projet détourné
Le projet de révision soutenu par un groupement d’intervenants de terrains, de maires de grandes cités, d’experts et de parlementaires des Verts, du PS, du PRD et du PDC prévoyait « Une politique de la drogue modérée, susceptible d’obtenir une majorité au Parlement et devant le peuple : LStup light (quatre piliers, traitement fondé sur l’héroïne inclus, rôle de coordination de la Confédération, etc.) non limitée dans le temps. Compromis sur la question du cannabis afin d’obtenir une clarification législative nationale et un renforcement de la protection de la jeunesse ». On est bien loin du compte, en l’état, le cannabis passerait à la trappe et la prévention et la réduction des risques se limiteraient à la promotion de l’abstinence.
Quel avenir ?
Pourtant ce groupe d’experts et d’élus affirme que « Toutes les mesures doivent favoriser la responsabilité individuelle et l’autonomie avec ou sans consommation de produits. ». Le principe des quatre super piliers énoncé dans le rapport psykoactiv.ch, prévoit un accès contrôlé au cannabis pour les majeurs et y voit une cohérence dans la politique de prévention et de réduction des risques. A la lecture de la décision de rejet de l’initiative, on se demande pourquoi le Conseil Fédéral paye si cher des expertises ? Pourquoi les partis qui soutenaient une proposition réaliste de modification de la Lstup laissent-ils les prohibitionnistes la dénaturer ainsi ? Doit-on espérer des amendements avant le vote de la révision, interviendra-t-il encore sous cette mandature ? Faut-il souhaiter aller rapidement au vote de l’initiative ou espérer une vague verte/rose/rouge aux prochaines élections nationales et négocier des amendements ? La politique des drogues est une science inexacte nourrie d’irrationnel et de passionnel.
Laurent Appel
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