Depuis 2016, l’ancien champion des poids lourds Mike Tyson s’est lancé dans le business de la weed. À travers son groupe Tyson Holistic Holdings, l’ex-boxeur investit dans toutes sortes de produits dérivés du cannabis, dont la pièce maîtresse de cet empire naissant est le Tyson Ranch. L’été prochain, ce gigantesque village vacances pour fumeurs de joints de 165 hectares sera enfin achevé, révèle Cannatech Today ce 11 juin.
Construit dans le désert de Californie du Sud, le gigantesque complexe développé par l’entreprise de Kid Dynamite comprendra un grand hôtel, un terrain de camping de luxe, ainsi qu’un centre de recherche et une petite université privée centrés autour du cannabis. « J’ai combattu pendant plus de 20 ans, et mon corps est resté très marqué », explique Tyson. « J’ai subi deux opérations et j’utilise la marijuana pour calmer mes nerfs et apaiser la douleurs… Avant ça, [les médecins] m’avaient mis sous opioïdes et ça m’a foutu en l’air. »
Voilà pourquoi il a décidé de construire un vaste centre de relaxation et bien-être au milieu de nulle part pour amateurs de fumette. Soutenu par des parrains du milieu comme Snoop Dogg, Tyson est impatient de pouvoir les assommer, mais juste avec son herbe.
Crédits : Tyson Ranch
On sait que, depuis 2016, l'ancien champion du monde des poids lourds Miky Tyson (52 ans) s'est lancé dans le business du cannabis. Il a en effet ouvert cette année-là le «Tyson Ranch», une ferme dévolue à la culture de la weed, dont la culture et l'usage récréatif ont été légalisés en Californie.
A travers son groupe «Tyson Holistic Holdings», Tyson voit encore plus loin. L'été prochain, il ouvrira ainsi son propre village de vacances pour fumeurs de joints. Ce complexe de 165 hectares comprendra un grand hôtel, un terrain de camping de luxe, de même qu'un centre de recherches et une petite université privée axés sur le cannabis.
«J’ai combattu pendant plus de 20 ans, et mon corps est resté très marqué, a expliqué Tyson dans le magazine «Cannatech Today». J’ai subi deux opérations et j’utilise la marijuana pour calmer mes nerfs et apaiser la douleurs. Avant cela, les médecins m’avaient mis sous opioïdes et ça m’a foutu en l’air.»
Crédits : Tyson Ranch
Un festival de musique
Voilà pourquoi il a décidé de construire ce vaste village de vacances, qui ressemble à un centre de relaxation pour adeptes de la fumettes. L'endroit sera doté de nombreux espaces destinés au repos et à la relaxation, comme une «Lazy River» (littéralement: «Rivière de paresse») qui va entourer la propriété.
Tyson prévoit aussi d'organiser un festival de musique dans l'enceinte de son village de vacances. Couplée à la présence de 420 jeux et d'une exposition destinée au wellness, cette expérience permettra aux festivaliers - en plus des concerts - d'en apprendre plus sur les nombreux bienfaits du cannabis.
Sur le ring, Mike Tyson envoyait ses adversaires au tapis en quelques secondes. Maintenant qu'il a pris sa retraite, il se bat pour le bien-être de chacun. «Le cannabis, c'est le futur, affirme ainsi Tyson. Tôt ou tard, tout le monde devra bien l'admettre.» (nxp)
En dépénalisant la consommation récréative de cannabis fin avril et en donnant le feu vert à l'export, le pays accélère dans sa course à l'or vert. Objectif : devenir producteur mondial.
Photo: La société Breath of Life est la seule à avoir décroché tous les permis pour exploiter le cannabis du champ à la vente. (Photo Jack Guez, AFP)
Une terre de lait, de miel et de cannabis. Le rêve de l’élite du chanvre israélien, à l’heure où une partie du monde occidental se tourne vers cette plante autrefois si taboue. Début avril, l’Etat hébreu a officiellement dépénalisé la consommation récréative de cannabis et, surtout, autorisé la vente des cannabinoïdes médicaux à l’export. A l’échelle mondiale, la normalisation est en marche, vers une légalisation à la californienne. De quoi aiguiser maints appétits capitalistes, d’autant qu’en la matière Israël a toujours été un pionnier. L’histoire moderne de la plante aux fines feuilles crénelées commence à Jérusalem en 1964, lorsque dans son labo de l’université hébraïque, le chimiste Raphael Mechoulam est le premier à isoler, parmi la centaine de molécules qui composent le cannabis, le THC (principal composant psychoactif) et le CBD (efficace antidouleur).
Depuis, et particulièrement durant les deux dernières décennies, Israël s’est positionné en leader de la recherche et des usages en la matière. Et cherche désormais à passer le braquet suivant : celui de producteur mondial. Mais le milieu reste un écosystème encore trouble, entre hype fumeuse et ruée vers l’or vert, où tout le monde bluffe et se toise, d'un ex-Premier ministre reconverti aux pionniers à l’idéal libertaire dépassé, des requins de la finance flairant un nouvel eldorado aux régulateurs étatiques velléitaires, sans compter un marché noir increvable. Plongée en trois actes au cœur de l’économie de l’Etat de la beuh.
Un militant du parti Zéhout, pro-légalisation, à Tel-Aviv le 2 avril.
«Le nouveau Cohiba cubain»
A la tribune, l’ancien Premier ministre Ehud Barak étouffe une quinte de toux. Nous sommes le 1er avril à Tel-Aviv, à dix jours des élections législatives. Ici, point de come back politique : dans cet auditorium sur la marina de Tel-Aviv, l’ancien général est venu évoquer son étonnante reconversion. Après avoir placé ses billes dans diverses firmes de cybersécurité, l’ancienne gloire des commandos s’est lancée à l’automne dans la dernière fièvre entrepreneuriale made in Israël : le cannabis thérapeutique. L’Etat hébreu se rêve désormais en pays où l’herbe est plus verte, ou, pour citer Ehud Barak, en «terre du lait, du miel… et du cannabis».
Le public au look de start-uppers – hommes en chemise slim, femmes en tailleurs – soupire d’aise. Nous sommes au très chic salon CannaTech, et la date ne doit rien au hasard. Depuis l’aube, le cannabis médical est autorisé à la vente en pharmacie (avant limitée aux dispensaires spécialisés), et surtout à l’export, qui pourrait générer, selon le Parlement israélien, des profits approchant le milliard de shekels par an, soit 230 millions d’euros. Dans l’air flotte non pas des effluves de chanvre (un panneau indique que la légalisation n’est pas encore à l’ordre du jour et que mieux vaut s'abstenir de fumer son trois-feuilles à l’intérieur), mais une atmosphère de coup d’envoi. L’ivresse d’une conquête à venir.
A l’instar d’une industrie qui veut ériger une muraille de Chine entre la défonce et la médecine, Ehud Barak, 77 ans, tient à maintenir des airs de respectabilité : «Je n’ai jamais inhalé de fumée, jamais mis un joint sur mes lèvres, jamais soufflé dans un bang. Mais je suis le président d’une grande société cannabique.» Il s’agit d’InterCure, compagnie montée sur une paire de fusions-acquisitions et encore déficitaire, mais déjà cotée en bourse à Tel-Aviv, avec une capitalisation autour de 1,15 milliard de shekels (environ 285 millions d’euros), en attendant une introduction au Nasdaq.
Ehud Barak à la tribune de CannaTech. (photo Brian Blum)
Malgré ses ambitions globales (une expansion dans une dizaine de pays est annoncée), InterCure est encore un nain : ses champs dans le nord d’Israël n’ont pour l’instant produit qu’une tonne de marijuana, chiffre que la boîte entend multiplier par cent d’ici 2020.
Au micro, Barak en met plein les mirettes à coups de prédictions enflammées, estimant que ce marché pèsera bientôt 150 milliards de dollars par an à l’échelle planétaire, soit trois fois ce que les experts les plus optimistes anticipent pour 2030. Limite ésotérique, il parle de «génomes cannabinoïdes protégés par blockchain», de la classe moyenne indienne «prête à payer cher», de la crise des opioïdes («les Américains font des overdoses pour soigner leur mal de dos, on peut sûrement faire mieux !») et de «produits récréationnels premium» : «Faisons du cannabis israélien le nouveau Cohiba cubain !» Puis il laisse la scène à une adolescente américaine, dont la tumeur osseuse qui rongeait le visage aurait été guérie par de l’huile de cannabis.
«Un premier ministre qui crapotte ah, ah...»
Peu après, l’ex-dirigeant israélien rejoint Saul Kaye, le directeur du salon, pour un briefing presse. Avec sa kippa siglée «CannaTech» et son veston argenté, Kaye ne boude pas son plaisir de voir l’ancien chef de Tsahal, la légende des forces spéciales, légitimer son business. «Autour de cette table, il n’y pas de criminels, mais des entrepreneurs, des cultivateurs… et un Premier ministre qui crapotte, haha !»
Barak en rajoute une couche, évoquant «nos prophètes» qui utilisaient «très probablement» des produits à base de chanvre. «On redonne vie à une vieille tradition !» assure-t-il, avant d’étreindre un représentant de Shavit Capital, l’un des plus gros fonds d’investissement du pays. Selon la presse spécialisée, les actions de l’ancien militaire dans InterCure lui aurait virtuellement rapporté 21 millions de shekels (plus de cinq millions d’euros) depuis sa prise de fonction en septembre.
A ses côtés, Yona Levy, PDG d’Alvit Pharma, autre prétendant au titre de futur géant de ce qu’on nomme ici l’«high-tech agromédicale», ose une comparaison plus contemporaine : «Le cannabis, c’est le nouvel Internet. On ne sait pas où ça va nous mener mais on sent que c’est the next big thing.
L’an passé, 20% de la population mondiale a pris du cannabis sous une forme ou une autre. Il y a dix ans, on parlait de dépénalisation en Israël : on y est quasiment. Cette année, durant les élections, la légalisation était au cœur du débat. Ça va vite...»
Au salon CannaTech
Dans les travées du salon, entre stands dédiés aux purificateurs d’airs, semences, huiles, gélules antidouleurs et autres cosmétiques, on s’échange des cartes de visite entre juristes et «responsables des investissements». «Regardez les gens autour de vous, l’arrivée de Barak dans le secteur a été un énorme signal», glisse une avocate au sourire bright. Son patron, Amir Goldstein, vétéran de la téléphonie mobile désormais à la tête d’International Medical Cannabis (IMC), numéro 2 du secteur, y voit l’héritage d’un savoir-faire typiquement israélien. Voire du «génie juif», de la tradition agronomique des pionniers sionistes (l’invention des tomates cerises…) aux start-ups des années 2000 : «On est à la pointe parce qu’on a le timing et le talent, martèle-t-il. Avec nos patients bien réels, la décennie de recherche et développement derrière nous nous donne une avance unique sur l’Amérique du Nord et l’Europe, en plus d’une compétence agricole et biochimique.»
Et puis surtout, comme le rappelle Kaye, le kilo de cannabis légal s’apprécie autour de 100 000 dollars. «C’est autre chose que le kilo de tomates ou d’avocat !» rugit l'entrepreneur. En quittant le salon, on croise devant l’entrée une quinqua avec des lunettes aux montures en forme de feuilles de ganja, gros pétard au lèvres – mais c’est elle qui détonne ici.
Des plants de marijuana au laboratoire de Breath of Life près de Kfar Pines, en mars 2016.
Business juteux
Dans les bars de Tel-Aviv, les effluves de weed font partie de l’ambiance. Selon une étude réalisée en 2017, les Israéliens entre 18 et 65 ans auraient le taux annuel de consommation de cannabis le plus haut du monde, autour de 27% de la population. Au-delà de l’usage thérapeutique, strictement encadré, la consommation récréative de cannabis s’y est largement banalisée ces dernières années, désormais seulement sujette à des amendes.
Les policiers ont désormais consigne de se concentrer sur les cultivateurs et dealers, et de n’agir sur les fumeurs que lorsqu’ils tirent sur leur joint dans des «lieux publics exposés». Néanmoins, la question de la légalisation, notamment pour la culture à usage privé, reste primordiale pour une partie des aficionados de la plante, représenté par le parti Feuille verte. Lequel a jeté l’éponge lors des dernières élections, laissant le fantasque et inquiétant Moshe Feiglin s’emparer de cette revendication. Son parti Zéhout, mélange de messianisme antiarabe forcené et de libertarianisme californien, a jeté le trouble dans les sondages, poussant même le Premier ministre Benyamin Nétanyahou à concéder «réfléchir à la légalisation». Depuis, le soufflet est retombé : annoncé faiseur de roi, Feiglin n’a pas réussi à franchir le seuil d'éligibilité.
Mais pour les grosses firmes, telles celles réunies à CannaTech, c’est du côté de l’étranger que les fortunes sont à faire, le marché israélien étant destiné à rester confidentiel face aux Etats-Unis, où le cannabis est partiellement ou entièrement légal dans trente Etats sur cinquante, ainsi qu’au Canada, qui a sauté le pas fin 2018 sur le récréationnel. En attendant l’Europe… Pour Shmuel Ben Arie, chef des investissements israéliens pour le fonds Pioneer Wealth, «il suffit de prendre une carte et regarder les pays dont les dirigeants sont nés après 1965 : c’est là que ça va bouger».
Depuis les années 2000, le ministère de la Santé israélien investit dans la recherche et autorise le traitement de certaines maladies à base de cannabinoïdes. Aujourd’hui, environ 38 000 Israéliens sont traités ainsi (nombre qui devrait quadrupler dans les prochaines années), pour des maladies allant de Parkinson à l'épilepsie et la maladie de Crohn, ainsi que les douleurs chroniques, liés aux chimiothérapies ou les soins palliatifs. Des tests prometteurs sur l’autisme et l’Alzheimer sont en cours, Israël restant le leader incontesté dans le domaine de la recherche cannabique, grâce à une législation très progressiste sur les essais cliniques.
Braquage
Cependant, l’idée qu’Israël va inonder le monde de ses cannabinoïdes ultrasophistiqués pourrait n’être qu’un mirage. Plusieurs pays ont pris le parti de développer leur propre marché, à l’échelle industrielle au Canada ou plus embryonnaire en Scandinavie. Et s’il ne s’agit pas d’une simple «bulle», il y aura peu d’élus, met en garde Ben Arie. En effet, en ne donnant le feu vert à l’export que fin janvier après avoir traîné des pieds – Nétanyahou et son ministre de l’Intérieur y ont longtemps été opposés – le gouvernement a instauré une série de régulations draconiennes, qui ont privé plusieurs acteurs historiques de permis et devraient repousser les premières livraisons à l’étranger, au mieux, à la fin de l’année.
Tamir Gedo, le directeur-général de Breath of life
Désormais, l’exploitation «verticale» du cannabis, des champs à la vente, nécessite quatre homologations : une pour l’agriculture, une pour la transformation, une pour la distribution et une dernière pour la sécurité des installations. Fin mars, le premier braquage d’une ferme de cannabis médical a eu lieu dans le nord d’Israël, des assaillants masqués parvenant à neutraliser les gardes. Un scénario que redoutait le ministère de l’Intérieur et qui pourrait se reproduire avec la production exponentielle des années à venir. Pour l’heure, seule une société israélienne a réussi à décrocher tous les permis, Breath of Life.
Son directeur-général, Tamir Gedo, qui aime faire précéder son patronyme du titre «Docteur» (bien que celui-ci soit docteur en «économie comportementale» plutôt qu’en sciences), fait figure d’oracle sur la question cannabique. Lui aussi est dubitatif face à la multiplication des acteurs. «Tout à coup, on voit arriver beaucoup de coquilles vides avec des noms ronflants, assène le patron. Le monde de la finance a enfin compris qu’il y a là un business réglo et c’est la course à la levée de fond et aux promesses intenables. Mais je dis aux investisseurs : si vous voyez des politiciens à la tête d’une boîte qui ne produit quasi rien mais fait du bruit, passez votre chemin…»
A Tikun Olam, l'un des pionniers du cannabis israélien. Le gouvernement l'a fermé en novembre pour cause d'«infrastructure inadaptée».
Jusqu’à l’instauration des nouvelles règles, huit cultivateurs avaient reçu l’aval de l’Etat, et vendaient directement aux consommateurs. «Le temps des fleuristes romantiques qui voulaient changer le monde, c’est fini, lâche Gedo. La barrière est plus haute, il s’agit maintenant d’une branche de l’industrie pharmaceutique. On doit vendre des produits stables, raffinés, pas de simples plantes. Il y aura toujours des boutiques de niche pour faire du récréatif, mais pour le reste, c’est comme la révolution industrielle, ceux qui durent sont ceux qui évoluent.» Ainsi, Tikun Olam, l’un des pionniers et plus gros fournisseur du pays, a vu son exploitation fermée par le gouvernement en novembre pour cause d’«infrastructure inadaptée». De retour d’Europe, Gedo considère que le marché du cannabis médical est encore «à ses balbutiements». Mais que d’ici trente ans, «le monde occidental finira par s’y résoudre». Il s’y voit déjà.
A Tikkun Olam, en 2012. (Photo Menahem Kahana, AFP)
Micmacs, crime et botanique
Le «fleuriste romantique», c’est lui. Agé de 70 ans, la peau mate creusée par des rides profondes, Nissim Krispil est un botaniste reconnu en Israël, ainsi qu’un ancien taulard. Lorsqu’on le rencontre en banlieue de Tel-Aviv, dans un café au pied d’une déprimante cité de béton, il est sorti de prison depuis presque six mois, et vit «chez une copine». Trois ans plus tôt, Krispil recevait un prix de l’université Ben Gourion, l’une des plus prestigieuses du pays, pour ses travaux sur la flore locale. Autodidacte et parfaitement arabophone (il est né au Maroc), Krispil, qui se définit comme un «ethno-botaniste», a consacré vingt ans au recensement des plantes d’Israël et de Palestine, archivant les connaissances «des guérisseurs, marabouts, fermiers et autres médecins palestiniens» sur leur usage. «Quinze livres et une encyclopédie en cinq volumes», revendique-t-il.
Mais en novembre 2016, c’est à un autre type d’honneur qu’il a droit : au petit matin, une quarantaine de policiers en Hummer déboule dans son torpide moshav (une communauté agricole) du centre d’Israël. Deux chiens sont lâchés, mais Krispil sait ce qu’ils cherchent et conduit les officiers sur son toit. C’est là qu’il fait pousser un millier de plants de cannabis, destinés, insiste-t-il, à ses recherches. Sans avoir averti les autorités ni mis au point de protocole scientifique. En toute illégalité donc. «Ils ont tout embarqué et pesé : il paraît qu’il y’en avait pour 90 kilos, raconte-t-il. Pour eux, c’était un vrai laboratoire criminel, et j’ai été directement mis en prison.»
Préparation de cannabis thérapeutique à Breath of life.
Très zen, Krispil prend l’expérience à l’ombre comme celle du mektoub (le destin, en arabe), en plus d’«une opportunité de faire de l'anthropologie in situ». Ça ne l’empêche pas de trouver l’addition salée. Après un mois sous les verrous, douze autres avec bracelet électronique en attendant le procès pour être finalement condamné, fin 2017, à un an de prison ferme et une amende d’un million de shekels (250 000 euros). Ses deux voitures sont saisies, ainsi que sa maison. «La juge a été très dure. On a fait de moi un trafiquant alors que je n’ai pas vendu un gramme, un criminel alors que la moitié de la population [en réalité, plutôt un quart, ndlr] fume tous les jours, et que des milliers de personnes se soignent au cannabis ! Que je sache, je n’ai pas fait plus de mal que si j’avais des tomates sur mon toit.»
«On vous met en taule pour un peu de jardinage»
Krispil raconte que ses «recherches» portaient sur une variété de cannabis ramenée du Maroc, où pendant une dizaine d’années, il a cherché à retrouver les derniers Juifs vivant dans les villages agricoles du Rif. «C’est là que j’ai découvert que les Juifs ont grosso modo organisé le commerce de la marijuana au XVIIe siècle. Il y avait même des avis rabbiniques sur que faire avec les Arabes qui n’ont pas payé leur cannabis…» De ses pérégrinations dans les années 90, il revient avec des graines «rares et anciennes», qu’il conserve soigneusement et décide de mettre en culture, vingt ans plus tard, après s'être documenté sur Internet à propos des «effets miracles» du cannabis sur certains cancers. Ses contacts dans le milieu de la médecine alternative lui envoient leurs cas les plus désespérés, pendant qu’il met au point un «thé médicinal». En tout, plus d’une trentaine de personnes auraient bénéficié de ses plantes et de ses soins, sans contrepartie. «Les résultats étaient très positifs», assure-t-il.
Mais dans sa volonté de «professionnaliser» le milieu pour en faire un business aussi lucratif que présentable, l'Etat israélien fait montre de la même sévérité pour les cercles organisés de deal (comme le réseau Telegrass, où les commandes se passaient sur l’appli chiffrée Telegram jusqu’à son démantèlement en avril) que les amateurs un peu idéalistes comme Krispil. «C’est idiot, poursuit-il. D’un côté, Israël veut devenir le plus grand dealer de cannabis du monde, de l’autre, on vous met en taule pour un peu de jardinage. Dans un futur proche, des milliers de gens feront comme moi, tout le monde le sait. Mais l’Etat ne veut pas de la légalisation qui ferait baisser les prix et rendrait les médicaments plus accessibles.
Ce qui se joue aujourd’hui c’est la création d’un quasi-monopole pour une poignée de firmes, qui ne fera que renforcer le marché noir.» Et de se réjouir, goguenard, que son «prestige» nouvellement acquis lui vaut désormais d’être courtisé par plusieurs compagnies pour travailler comme consultant. «L’Etat va finalement faire de moi un plus gros producteur de cannabis que s’il m’avait laissé tranquille. Mais mon rêve, c’est de retourner au Maroc, où j’ai la citoyenneté. Je déteste ce que devient ce pays…» Quitte à tourner le dos aux fourmis industrieuses de l'or vert, à la recherche d'un illusoire pays de Cocagne enfumé.
Texte : Guillaume Gendron, à Tel-Aviv
Photos : Jack Guez (AFP) sauf mention contraire.
Production : Libé Labo
Une ganja suprême, fumée par les rastas et Bob Marley lui-même dans les années 1970? Ce fantasme de tout amateur de cannabis qui se respecte est en phase de (re)devenir une réalité grâce aux talents d'horticulteur d'un scientifique en Jamaïque.
photo: Le docteur Machel Emanuel annalyse des plantes de cannabis sur le campus de l'université des Indes occidentales de Kingston,
le 18 mai 2019 - afp.com - Angela Weiss
Au milieu des manguiers, litchis et autres jacquiers, le docteur Machel Emanuel présente des dizaines de mètres carrés de plants de cannabis, cultivés en plein air, en serre ou dans son labo du jardin botanique du département de Biologie de l'université des Indes occidentales de Kingston.
Sa spécificité: le cannabis landrace, qui a poussé naturellement en Jamaïque avant de disparaître à cause des interventions de l'homme.
"Dans les années 1950, 60 et 70, la Jamaïque était connue pour ses variétés cultivées de landrace", explique à l'AFP le docteur rasta, longues dreadlocks dans le dos.
Une plante adaptée à son environnement et "aux caractéristiques assez uniques, en raison de sa fleur, de son odeur, de son goût et même de l'euphorie", qu'elle provoque chez son consommateur, décrit-il.
Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Wailer (les membres fondateurs du célèbre groupe de reggae The Wailers) consommaient cette variété moins forte que le cannabis moderne créé artificiellement, en raison d'un taux de THC moins élevé, assure-t-il dans l'ambiance apaisée et tropicale de son petit jardin d'Eden -- ou de Jah, pour les amateurs de clichés.
Mais dans les années 1980, en raison de la lutte contre la drogue soutenue par le gouvernement américain, cette plante plus facilement repérable en raison de sa grande taille est détruite et sa culture abandonnée. Progressivement, ce sont des plantes hybrides, plus facilement dissimulables, qui la remplacent.
Le docteur Machel Emanuel dans un champs de cannabis du département de Biologie de l'université des Indes occidentales de Kingston
afp.com - Angela Weiss
- Viens voir le docteur -
Intervient alors le docteur Emanuel. Ce Dominiquais de 35 ans cultive du cannabis depuis 2001 et s'est installé en Jamaïque pour ses études en 2007. Sa spécialité: l'horticulture et l'adaptation des plantes à leur climat.
Lui-même amateur de ganja -- qu'il ne fume pas mais consomme par vaporisation ou aromathérapie --, il s'est mis en tête de retrouver cette variété landrace et de la reproduire dans son labo, où trônent des photos de l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié, considéré comme un messie par les rastas.
La quête ne fut pas aisée: des graines de landrace ont été disséminées aux quatre coins des Caraïbes pendant des années. Ses recherches l'ont notamment amené en Guadeloupe, à la Trinité et en Dominique, à la rencontre de rastas vivant à la campagne et possédant des restes de ces plantes.
Le bon docteur se souvient notamment d'avoir trouvé dans une montagne un homme "qui n'avait pas eu de contact avec la civilisation depuis 40 ans. J'ai marché six heures pour arriver jusqu'à lui". Et repartir avec le précieux sésame.
Une fleur séchée ("tête") de cannabis
afp.com - Angela Weiss
- Du monde sur la corde à linge -
Ses recherches ne sont pas uniquement faites par amour de l'horticulture. Le scientifique a développé tout un plan marketing pour les accompagner.
Une herbe "pure" et ancienne, consommée par Bob Marley, référence s'il en est en la matière... Le tableau a de quoi séduire les amateurs de fumette dans les pays et régions qui l'ont légalisée, comme au Canada ou certains Etats américains.
"Il y a un intérêt nostalgique qui pourrait être ajouté grâce au marketing", détaille le biologiste. "La réputation de la Jamaïque s'est faite sur ces plantes".
"On pourrait avoir un produit unique basé sur une indication géographique, comme le champagne en France, pour vendre le cannabis jamaïcain", envisage-t-il même.
En attendant, affirme-t-il, entreprises et particuliers, par l'odeur alléchés, tapent à sa porte.
Depuis que le cannabis "récréatif" sans substance hallucinogène est toléré, les magasins se sont multipliés dans le centre-ville de Bruxelles. Pourtant, jusqu'ici, tous travaillaient sans cadre légal.
Une législation flambant neuve
Depuis le mois d’avril une nouvelle législation considère le cannabis récréatif CBD comme un produit à tabac. Il est donc soumis aux mêmes accises et contrôles. Au centre de Bruxelles, Green Day est l’un des rares commerces du quartier à se conformer au nouveau dispositif légal. Michaël Dunod, le gérant, explique : "On n’est plus dans un flou juridique, l’Etat nous met en cadre et il faut travailler en conséquence."
Sur tous les produits à fumer vendus dans ce magasin est collée une vignette fiscale.
Tout est déclaré, le prix est fixe et qualité contrôlée. "Le client connaît désormais la provenance du produit et il sait qu’il subit des contrôles, sur l’étiquette on retrouve le taux de CDB qui doit être inférieur à 7%."
Un impact sur les ventes
Mais pour l’instant, le chiffre d’affaires du magasin est en chute libre. La quinzaine de concurrents du quartier vend encore des produits détaxés. En suisse ou un système identique fonctionne 90% des commerces de départ ont disparu. Seuls les magasins à la gamme de produits diversifiés ont atteint un seuil de rentabilité.
La légalisation du cannabis thérapeutique en Thaïlande tranche avec les politiques répressives anti-drogues des autres pays de l’ASEAN.
La légalisation du cannabis a récemment constitué un nouvel enjeu politique en Thaïlande.
Le parti Bhumjaithai, dirigé par Anutin Bhumjaithai, a fait de son usage thérapeutique son principal message de campagne lors des élections législatives du 24 mars.
Le petit parti de centre droit s’était retrouvé en position d’arbitre pour former une majorité au Parlement : Anutin Bhumjathai s’était déclaré prêt à rejoindre la coalition qui acceptera sa politique “free kanja”, de légalisation du cannabis.
La société thaïlandaise plutôt conservatrice et assez répressive en ce qui concerne la consommation de stupéfiants, a récemment évolué vers une position plus conciliante.
Un sondage effectué le mois dernier démontre que 86% des Thaïlandais sont favorables à une légalisation du cannabis pour un usage médical.
La légalisation du cannabis thérapeutique en Thaïlande tranche avec les politiques répressives anti-drogues des autres pays de l’ASEAN.
Jusqu’à 15 ans d’emprisonnement
En décembre 2018, la Thaïlande a légalisé l’usage de la marijuana à des fins médicales, de recherche et d’activités industrielle.
Le projet de loi autorise l’utilisation du cannabis ou de la marijuana et du kratom, une plante locale aux propriétés opioïdes originaire d’Asie du Sud-Est.
Six mois après le début de la nouvelle loi, le nombre de patients ayant demandé l’amnistie pour l’usage de marijuana thérapeutique devrait dépasser les 50 000.
L’ancienne loi de 1979 sur les drogues narcotiques définit la marijuana comme un stupéfiant de classe 5, interdisant son utilisation et sa possession. Les personnes voulant tirer profit de la culture ou du commerce du cannabis peuvent encourir de lourdes amendes et une peine allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.
La marijuana était omniprésente en Thaïlande avant l’interdiction de 1934, mais la criminalisation accrue a donné un statut tabou à cette plante.
Une culture du cannabis très strictement encadrée
La première installation de culture a été ouverte en février dans la province de Panthum Thani, au nord de Bangkok, à l’initiative de l’Organisation Pharmaceutique du Gouvernement (GPO), pour un coût de 100 millions de bahts (2,8 millions d’euros).
Les cultures couvertes s’étendent sur plus de 100 mètres carrés et sont équipées de systèmes aéroponiques, de scanners et gadgets, le tout sous haute sécurité.
Les agences gouvernementales thaïlandaises surveillent et contrôlent la production et la culture du cannabis dans tout le pays. Seules les agences officielles agréées sont autorisées à cultiver du chanvre dans les zones de développement des tribus des provinces de Chiang Mai, Chiang Rai, Nan, Tak, Mae Hong Son et Phetchabun.
La réglementation stricte en matière de culture a finalement entraîné une augmentation des coûts du traitement thérapeutique.
Début mai, le Dr Surachoke Tangwiwat, secrétaire général adjoint de l’administration de la Nourriture et de la Drogue (FDA), a autorisé 175 équipes médicales supplémentaires à prescrire des médicaments à base de marijuana.
Le premier lot de 2500 bouteilles de gouttes d’allergie sublinguales contient cinq millilitres d’huile médicinale de cannabis et sera distribué aux patients dès le mois de juillet.
Le potentiel de la légalisation de la marijuana en Thaïlande est très étendu , du développement d’un commerce d’exportation jusqu’à celui du tourisme médical : le marché du cannabis a été évalué à 21 milliards de bahts.
Politiques anti-drogues de l’ASEAN
Les pays de l’ASEAN sont parmi les plus sévères au monde : en Malaisie et à Singapour, les consommateurs ou détenteurs de cannabis risquent une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. En Indonésie, les passeurs sont exécutés.
Un sondage mené en 2018 par yougov.com a révélé que la majorité des Singapouriens et des Malaisiens considéraient la marijuana comme une plante à valeur médicinale, mais moins de la moitié était en faveur de sa légalisation.
En Malaisie, le gouvernement mène des études sur les propriétés réelles du cannabis. Singapour a autorisé l’utilisation de produits pharmaceutiques cannabinoïdes pour des potentiels traitements thérapeutiques contre les crises épileptiques, mais uniquement dans le cadre de réglementations très strictes.
Néanmoins, le pays reste ferme sur sa position selon laquelle le cannabis devrait rester une drogue illicite.
Au début de cette année, les Philippines ont reconnu les avantages de la marijuana à des fins médicinales pour traiter les maladies chroniques ou débilitantes telles que l’arthrite, l’épilepsie et la sclérose en plaques.
En Thaïlande, la marijuana ne peut pas encore être vendue en vente libre ni administrée sous sa forme brute.
Débat sur les bienfaits réels du cannabis
La marijuana médicinale aurait des bienfaits thérapeutiques pour des maladies telles que la maladie de Parkinson, l’asthme, l’insomnie, l’autisme et le cancer.
La validité de ces revendications est cependant contestée. Le débat porte généralement sur les deux principaux ingrédients de la marijuana : le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Les deux substances interagissent avec les récepteurs aux cannabinoïdes présents dans le corps humain et le cerveau, mais leurs effets diffèrent considérablement.
Le THC est le principal constituant psychoactif produisant le facteur de drogue, alors que le CBD est prometteur à des fins médicinales. Son utilisation soulage la gêne ressentie par les patients sans augmenter leur niveau de consommation.
Le THC est également connu pour détendre les vaisseaux sanguins et traiter les douleurs chroniques, les lésions de la colonne vertébrale et la sclérose en plaques. La marijuana thaïlandaise est mondialement connue pour sa haute teneur en THC.
S’il existe des exemples concrets des effets thérapeutiques de cette plante, les preuves concluantes manquent pour soutenir l’efficacité du cannabis.
À ce jour, aucune étude n’a validé les affirmations selon lesquelles la marijuana brute peut être utilisée dans des conditions médicales.
https://theaseanpost.com/article/medical-marijuana-thailand-leads-way
De retour de leur visite « d’études » au Canada, où ils se sont vus décrypter le modèle en vigueur dans cet État par les autorités locales, les ministres de la Santé et de la Justice, Étienne Schneider et Félix Braz, ont fait le point, vendredi matin, sur le modèle luxembourgeois qu’ils comptent instaurer avant la fin de la législature en cours.
Photo: La vente de cannabis ne sera qu'autorisée aux personnes majeures et résidentes, afin notamment d'éviter toute situation de narco-tourisme. (illustration François Aussems)
La fumette légale récréative, ce ne sera pas pour tout de suite : les deux ministres, au sein d’une « task force » interministérielle, poursuivront leurs discussions avec toutes les parties concernées (police, justice etc.), avant de présenter un concept précisément défini en Conseil de gouvernement à l’automne, ont-ils fait savoir. De là devra ensuite être déposé un projet de loi à la Chambre, à une date qui reste encore à définir, avant que le texte ne suive l’intégralité d’une processus législatif.
Des détails, dont certains calqués sur le modèle canadien pourraient effectivement être intégrés au texte légal, « qui ne vise pas à promouvoir sa consommation, mais à assurer la production de cannabis de qualité dans une optique de garantie de la santé publique, ainsi qu’à contrer le marché noir » (ont martelé les deux ministres), ont d’ores et déjà été annoncés :
– le cannabis sera décriminalisé dans le code pénal
– des licences très strictes seront octroyées par l’État aux producteurs – par le biais d’appels d’offres – qui seront archi-contrôlées, de même que le taux de THC contenu dans le cannabis produit (autour de 5%); d’autres licences très strictement encadrées seront également délivrées aux boutiques qui le vendront.
– la vente de cannabis ne sera qu’autorisée aux personnes majeures et résidentes, afin notamment d’éviter toute situation de narco-tourisme par rapport aux pays voisins (entre autres), mais aussi vis-à-vis des travailleurs frontaliers. « Un dialogue avec les autorités des pays voisins sera mené en ce sens », a indiqué Étienne Schneider.
– la détention de cannabis sera dépénalisée (et non légalisée) pour les mineurs pour des quantités n’excédant pas 5 grammes.
– les majeurs pourront se procurer 30 grammes au maximum. Il sera par contre interdit de détenir plus de 30 grammes sur la voie publique.
Un peu plus de la moitié des habitants de Denver (Colorado) ayant voté mercredi, lors d'un référendum sur le sujet, ont voté en faveur de cette dépénalisation. La vente de champignons hallucinogènes restera toutefois illégale.
Ils ont dit "oui" à 50,56%, contre 49,44% de "non". Les habitants de Denver, dans le Colorado (Etats-Unis), se sont prononcés en faveur de la dépénalisation de l'usage des champignons hallucinogènes dans la ville, lors d'un référendum organisé mercredi 8 mai.
Au total, plus de 176 000 électeurs se sont exprimés sur cette "initiative 301". Celle-ci vise à ce que l'arrestation pour possession et consommation de champignons à psilocybine – pour les personnes majeures et à titre personnel – devienne "la moindre des priorités des forces de l'ordre dans la ville et le comté de Denver". Les champignons resteront toutefois techniquement "illégaux" et leur vente constituera toujours un crime.
Denver pionnière sur l'usage récréatif de cannabis
Selon diverses études, la psilocybine, principe actif des "champignons magiques", n'est pas considérée comme addictive. Elle peut également permettre de lutter contre la dépression et la dépendance aux opiacés, ces antidouleurs à l'origine de milliers de morts par overdose, chaque année aux Etats-Unis.
"Les êtres humains utilisent ces champignons depuis des milliers d'années comme traitement, rite de passage, vecteur d'élévation spirituelle", affirme sur son site le groupe Decriminalize Denver, qui avait annoncé en janvier avoir recueilli suffisamment de signatures pour que son initiative fasse l'objet d'un référendum.
"Denver est en train de devenir la capitale mondiale de la drogue", avait alors regretté auprès de CNN Jeff Hunt, un responsable de l'université catholique du Colorado. "Nous n'avons à vrai dire aucune idée de l'effet à long terme de ces drogues sur les habitants du Colorado."
Denver est en effet devenue, en 2005, la première grande ville américaine à légaliser, déjà par référendum, la possession de petites quantités de cannabis. L'usage récréatif de cannabis est légal depuis 2014 dans l'ensemble de l'Etat du Colorado, l'un des pionniers en la matière avec ceux de Washington et de l'Oregon, sur la côte Pacifique. Le cannabis est aujourd'hui légal à titre récréatif dans dix Etats américains, dont la Californie, et dans plus de 30 Etats (sur 50) à titre médical.
Considéré comme un produit du tabac, le cannabis light va être très lourdement taxé. Les centaines de shops apparus comme des champignons risquent de disparaître aussi rapidement.
On vous en parlait récemment dans Moustique. Depuis quelques mois, on assiste en Belgique à un déploiement commercial sans précédent. Une explosion d’enseignes spécialisées en cannabidiol, cet extrait de cannabis aux vertus (entre autres) relaxantes – mais non planantes. Lesquelles poussent comme des champignons dans tout le pays et se payent même le luxe de s’intercaler entre les chocolatiers et les boutiques de luxe du centre de Bruxelles. Un tsunami motivé par un certain militantisme, certes, mais aussi par l’appât du gain. Nous vous révélions d’ailleurs la très forte rentabilité de ce business qui achète sa ganja légale en Suisse à environ 3.000 euros le kilo et la revend trois à quatre fois plus cher au détail.
Tranquille. Sauf que l’État compte bien se réserver une grosse part de ce space cake… Après avoir aligné les descentes dans ces commerces pour s’assurer de leur légalité, les services publics fédéraux annoncent que le cannabis CBD sera désormais considéré comme un “autre tabac à fumer” et… donc soumis à de fortes accises. À ce titre, les fleurs de cannabis CBD seront taxées lourdement. Outre les 21% de TVA, elles seront soumises à 31.5 % d’accises en plus d’un droit d’accise spécial spécifique de 48 euros par kg. Sans compter les droits à l’importation.
Dans ces shops spécialisés, c’est la douche froide. “On va tous vers la faillite!, s’insurge le gérant d’une enseigne wavrienne. Je suis tout à fait d’accord de payer des taxes, mais là, c’est du racket. Je ne pourrai plus payer mon loyer et mes charges.” Et de confier que pour pouvoir distiller ce chanvre comme un produit du tabac en Belgique, son principal fournisseur doit désormais s’acquitter d’une licence de 200.000 euros.
Incompréhension générale. D’autant plus sur cet amalgame qui est fait entre cannabis CBD et tabac. Rappelons que cette herbe ne contient ni tabac ni nicotine et que si elle est bien fumée par certains, de nombreux consommateurs la vaporisent ou l’ingèrent sous forme de tisanes. “Nous sommes satisfaits que l’administration réagisse par rapport à ce nouveau marché, remarque Vincent Borrel de la Fédération du cannabis belge (FeCaB) mais ce nouveau cadre légal pose de nombreux problèmes. Nous forcer à vendre ce cannabis comme un produit du tabac revient en effet à inciter les consommateurs à le fumer. Ce qui est de loin le mode de consommation le plus nocif pour la santé.
Cette taxation met ensuite le couteau sous la gorge de nombreux entrepreneurs qui ont contracté de gros emprunts.” Et de prédire, lui-aussi, une vague imminente de faillites. “Tous ces petits commerces vont fermer boutique et ce cannabis sera donc vendu dans les librairies, les night shops ou les pompes à essence. Ce qui va à l’encontre des politiques de prévention mises en place. Alors que ce produit était jusqu’ici commercialisé dans des magasins spécialisés gérés par des vendeurs très bien informés, il va dorénavant être à la portée de tous. Avec les dérives que l’on rencontre fréquemment dans ces points de distribution de tabac: ventes aux mineurs, produits issus du marché noir, etc.”
Commerçants, pas dealers
Des professionnels du secteur qui n’ont jamais été consultés dans l’élaboration de cette nouvelle législation. “Tout a été fait dans notre dos et nous l’avons appris via une correspondance du SPF Finances aux Douanes, déplore encore Vincent Borrel, par ailleurs gérant du premier CBD shop de la capitale. Alors que nous avons toujours travaillé en toute transparence depuis le premier jour. Je rappelle que nous ne sommes pas des dealers mais bien des commerçants. Désormais, nous devrons préparer des packagings spéciaux avec le timbre de l’administration fiscale. C’est un travail monstre car il va notamment falloir ouvrir des entrepôts fiscaux. Et une nouvelle charge pour les commerçants qui vont devoir débourser des milliers d’euros en frais d’avocat pour se conformer à la nouvelle législation. Avant qu’elle ne rechange sous la prochaine législature dans quelques semaines?”
Une chute de la rentabilité que les commerçants pourraient compenser en augmentant leurs tarifs. C’est du moins ce que d’aucuns leur rétorquent. Rien n’est moins sûr. Commercialisés jusqu’ici à 10 ou 12 euros le gramme, ce cannabis légal n’est déjà pas accessible à toutes les bourses. Surtout celles des personnes qui l’utilisent massivement pour ses effets thérapeutiques. Lesquelles représentent désormais, selon ce gérant d’une enseigne située à Wavre, 30% de ses clients. Principalement des personnes souffrant de fibromyalgie ou de douleurs chroniques. Les autres acheteurs étant pour la plupart des amateurs de cannabis illégal désireux de freiner leur consommation.
Ce qui est donc aussi un usage “thérapeutique”. Sans compter que si ce CBD est commercialisé à 14 ou 15 euros le gramme, il sera alors quasiment deux fois plus cher que le cannabis clandestin. “Je prédis la faillite de 80% des magasins spécialisés”, enchérit Mario Calandra, gérant de deux CBD shops dans le Brabant wallon. “En Suisse, par exemple, il y avait 400 enseignes. Après taxation, il n’en restait plus que 60. Nous, on a la chance d’être déjà bien implanté et donc de bénéficier d’une bonne marge de négociation avec nos fournisseurs. On a d’ailleurs déjà convenu avec eux de se partager les accises. Mais la rentabilité va être très très faible. Avec ce modèle, on achètera ce cannabis en sachet de 2 grammes à 17 euros pour le revendre à 20 euros. Après avoir payé notre part des taxes, il nous restera 1,5 euro de bénéfice…”
D’après nos infos, si le cannabis CBD sera taxé comme le tabac, à 31.5% donc, il se pourrait bien qu’une nouvelle catégorie de produits à fumer, moins taxée, voit le jour. À l’image de ce qui se fait pour les “blunt” (ces feuilles de cigares utilisées par les fumeurs de joints à la place du papier à rouler). C’est évidemment le souhait de tous ces commerçants
Mets de l’huile?
Et qu’en est-il de l’huile de CBD ? Moins chère et beaucoup plus efficace que les fleurs de cannabis, elle est naturellement le mode de consommation le plus utilisé à des fins thérapeutiques. Non considérée comme un “autre produit du tabac”, l’huile ne sera pas soumise aux accises. Fausse bonne nouvelle puisqu’elle est totalement interdite en Belgique. Une interdiction qui pourrait être levée si elle était considérée comme une denrée alimentaire.
Mais pour l’instant, les autorités européennes classent le CBD comme un “nouvel aliment” et ne l’ont pas autorisé. Une autre voie légale serait de considérer le cannabis light comme un médicament. À condition, bien sûr, qu’il fasse l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence fédérale des médicaments. À ce jour, seul le spray Sativex contenant du CBD est autorisé à la vente. Au prix prohibitif de 466 euros (!) les 30 ml. Seuls les patients atteints de sclérose en plaque pouvant se le faire rembourser. Ceci dit, ce nouveau marché aiguise d’autant les appétits que les labos pharmaceutiques pourront commercialiser des médicaments au CBD sans s’acquitter d’accises. On apprend d’ailleurs que Perrigo (le groupe américano-irlandais détenu en partie par Marc Coucke) a décidé de se lancer lui-aussi dans le business du cannabis thérapeutique. “On ne peut donc plus vendre aucun produit cosmétique ou alimentaire au CBD en Belgique.
Et les fleurs sont très lourdement taxées, conclut la FeCaB. Cela va évidemment profiter aux sites web étrangers, qui le commercialisent sans payer de taxes, et au marché noir.” Ce qui se confirme déjà aujourd’hui. Qu’il s’agisse de sites de e-commerce (voir encadré) ou des enseignes physiques, cette interdiction est loin d’être respectée. Les premiers se gardant bien de mentionner “CBD” sur les étiquettes de leurs produits tandis que les seconds vendent régulièrement de l’huile sous le comptoir.
Le canadien Tilray, poids lourd du cannabis thérapeutique, a inauguré fin avril au Portugal sa première unité de production européenne.
Photo: Un employé vérifie les plants dans une serre au Portugal. (Pedro Fiuza/Sipa pour le JDD)
Sourire radieux et costume soigné, Brendan Kennedy saisit les ciseaux pour couper le ruban disposé devant la porte de ses nouveaux locaux. Il égrène fièrement les chiffres – 75.000 mètres carrés, 20 millions d'euros d'investissement – avant de se tourner vers un petit drapeau portugais, qu'il soulève théâtralement pour dévoiler une discrète plaque "Tilray, EU Campus". Rien qui déroge aux codes d'une inauguration d'usine. Si ce n'est que d'un entrepôt, à quelques dizaines de mètres de là, émane malgré la cloison une odeur à la fois âcre et fruitée, indescriptible mais reconnaissable entre toutes.
A Cantanhede, on cultive le cannabis au grand jour. Voici trois ans que cette ville de 35.000 habitants, à mi-chemin entre Lisbonne et Porto, a été élue pour accueillir l'unité de production. Plus si subversive, en fin de compte, à mesure que les pays d'Europe basculent vers la légalisation de la marijuana médicinale. Une évolution que Brendan Kennedy flaire et anticipe depuis une décennie. Tilray, l'entreprise canadienne dont il est le PDG, fut déjà le premier producteur nord-américain à exporter ses produits cannabinoïdes sur le sol européen, en 2016 en Croatie. Le groupe espère faire du Portugal une nouvelle plaque tournante vers le reste du continent, jugé le plus prometteur parmi les nouveaux marchés, et le plus à même de concrétiser les espoirs fous soulevés par cette industrie.
A Wall Street, l'action s'envole de 900%
Tilray est un cas d'école de la bulle "cannabusiness" qui enfle sur les marchés boursiers nord-américains. Après son entrée à Wall Street en juillet dernier – une première pour un producteur de cannabis –, le groupe a vu son action s'envoler de 900% en trois mois. La raison? Son talent pour placer ses pions sur l'échiquier mondial de la légalisation. "Je parcours 300.000 miles aériens par an, 12 fois le tour du monde, raconte le PDG. Ce n'est pas une industrie dans laquelle on pénètre en restant derrière son bureau." Dans cette activité aussi florissante qu'incertaine, les investisseurs comme Brendan Kennedy jouent les prophètes : "L'enjeu est de prédire, pour chaque pays, si la légalisation va survenir – et quand."
En novembre 2015, l'homme d'affaires s'est envolé pour Berlin afin de s'entretenir avec des activistes, des parlementaires et des équipes médicales. "Le lendemain, on a commencé à embaucher des gens sur le terrain." Du lobbying? De l'anticipation, corrige-t-il. "Il serait idiot de dépenser de l'argent dans quelque chose qui est déjà en train d'arriver." En janvier 2017, l'Allemagne a légalisé la marijuana comme traitement de certaines pathologies.
Un agent en France pour "sensibiliser" les médecins
À l'heure de prendre les paris, Tilray a un temps fantasmé sur l'élaboration d'un modèle qui permettrait de prédire les prochaines vagues de libéralisation. En est ressorti un outil à 99 entrées, parmi lesquelles la religion dominante ou le statut du mariage homosexuel. Mais, admet volontiers Brendan Kennedy, c'est plus compliqué que cela. "En ce qui concerne l'usage thérapeutique, la communauté médicale pèse fortement, ainsi que les représentations globales qu'ont les gens du cannabis. La France semble évoluer plus vite que je ne le croyais." D'où l'embauche toute récente d'un nouvel employé, chargé de "sensibiliser les médecins généralistes" aux bienfaits de la marijuana.
Épilepsie, syndrome post- traumatique, nausées dues à la chimiothérapie : les pistes d'utilisation sont multiples. Les cannabinoïdes extraits de la plante sont non stupéfiants et non psychotropes. À chaque pathologie son conditionnement – fleurs séchées, gélules, huile –, tous testés et empaquetés sur le campus de Cantanhede. L'usage récréatif peut-il fournir, plus tard, un autre marché? Brendan Kennedy grimace. "Il devient de plus en plus dur de résister à la légalisation du cannabis médical. Dans quelques années on comptera 50, 60, 70 pays l'autorisant. Pour la marijuana récréative, on prévoit 20 nations maximum dans cinq ans." Pas de quoi intéresser le businessman, qui n'insulte pourtant pas l'avenir : "Nous ne sommes qu'au premier jour de cette industrie."
Rencontre avec les tenanciers de coffee shops à Bréda, tous furieux contre la législation actuelle qui interdit la production du cannabis vendu dans leurs échoppes. « Une brèche pour les organisations criminelles », mais la commune est engagée dans une expérimentation qui doit tenter de couper l’herbe sous le pied des mafieux.
Photo: Les coffee shops aux Pays-Bas sont juste tolérés dans le droit hollandais. Pire : la vente au détail est acceptée, mais pas la production de cannabis. Les coffee shops doivent donc se fournir (secrètement) en marchandise illégale. - Sylvain Piraux
Il pleut ce midi sur Bréda, ville des Pays-Bas située à une heure de Thalys d’Anvers. Nous sommes en pleine semaine, à peine sorti de la torpeur de la matinée, mais le coffee shop Fly’n’hy est ouvert. Et bien rempli. Toutes les tables sont occupées, ainsi que le comptoir. Une odeur de cannabis s’échappe des portes grandes ouvertes sur la rue. Le parfum vénéneux de la « beuh » se mélange à l’atmosphère humide de la ville.
De petits groupes (surtout des hommes) fument des joints en sirotant des boissons sucrées dans une ambiance « lounge ». Un serveur nous prend à l’écart. Merlyn a un débit verbal de mitraillette. On le lance sur le sujet de la législation : « C’est fou ! On a faux du début à la fin. Nous, aux Pays-Bas, nous nous croyions progressistes. Mais ça, c’était il y a vingt ans. Aujourd’hui on se croirait de retour au Moyen-Âge », s’emporte le jeune employé du Fly’n’hy.
Dans le viseur de Merlyn, l’angle mort de la législation néerlandaise sur les drogues douces : la « back door », ou porte de derrière en français. Cette expression désigne « le » problème des coffee shops. Célèbres dans le monde entier – on se presse tous les week-ends à Amsterdam pour visiter la ville et parfois fumer un petit cône… – ils ne sont pourtant que tolérés dans le droit hollandais. Pire : la vente au détail par les coffee shops agréés est acceptée, mais pas la production de cannabis. Les coffee shops doivent donc se fournir (secrètement) en marchandise illégale. C’est le problème de la « back door » de ces établissements. Ce qui rentre par la porte arrière est frappé d’un tabou.
« On crée les conditions de notre illégalité »
« La “weed” est totalement illégale jusqu’à ce que je la vende à un client, à raison de cinq grammes maximum par jour et par personne. Ce faisant, nous créons des démons », analyse Merlyn. Amnesia, White Widow, Lemon Haze… la liste des variétés d’herbe est longue. Le prix est similaire pour toutes : de 10 à 15 euros le gramme. « Nous avons le droit de disposer de 500 grammes de stock dans les coffee shops. Mais nous en vendons environ 100 grammes par jour ici, c’est impossible de n’avoir qu’un si petit stock. On crée les conditions de notre illégalité. »
Les griefs s’accumulent : « Il n’existe aucun contrôle qualité », « les producteurs veulent seulement faire de l’argent »… N’en jetez plus, pour le serveur du Fly’n’hy, « cette législation est très étrange… »
La production est-elle vraiment illégale ? Poursuit-on réellement ces Néerlandais à la main verte qui alimentent les quelque 570 coffee shops du pays ? La réponse est oui, selon les autorités. « Chaque année, entre 4.000 et 5.000 plantations sont démantelées (4.670 en 2017, 3.913 l’année dernière…) », rapporte Pieter Tops, professeur en administration publique à l’Université de Tilburg et enseignant à l’Académie de Police des Pays-Bas.
« Et chaque année aussi, quelques centaines de personnes sont expulsées de chez elles pour culture illégale de chanvre. » « Les gouvernements régionaux et fédéral exercent un travail de sape », assure Eric Passchier, porte-parole de la police de Zélande / Brabant septentrional. « Notre travail de sape est un concept large qui dépasse la criminalité liée aux drogues douces. Cela concerne l’ecstasy et d’autres drogues dures, les gangs de motards, mais aussi les menaces envers les politiciens et bien plus encore… La police conduit naturellement ses propres recherches contre la production et l’import-export de drogues. » La simple possession de plus de 5 grammes d’herbe ou de haschisch sur soi est punissable de 3.500 euros d’amende.
Organisations criminelles
Les coffee shops eux-mêmes sont soumis à des règles strictes : un stock maximal, une prolongation des licences tous les cinq ans devant les autorités communales…
Margriet van der Wal et Ed Pattche nous reçoivent dans l’arrière-boutique du coffee shop « Het Paradijs », en plein centre de Bréda. La première préside l’association ABC, sorte de groupe de pression des coffee shops de la ville ; le second possède le « Paradijs ».
« Les pouvoirs politiques ne sont pas fiers du succès des coffee shops », embraye Margriet van der Wal. « Et pourtant c’est bien un succès : les consommateurs préfèrent la qualité du produit, être bien conseillés, ne pas être intimidés comme lorsqu’ils achètent à des dealers de rue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de Français et de Belges préfèrent venir se fournir aux Pays-Bas. Les coffee shops sont un succès aussi du point de vue sanitaire, puisque leur création remonte aux années 1960, lorsqu’on a séparé dans la loi drogues douces et dures. »
La présidente d’ABC déroule les règles auxquelles s’attachent les coffee shops : « Pas de publicité, pas de vente aux mineurs, pas de nuisances pour le voisinage… » La présidente du groupe de pression en a assez du problème de « back door » : « Le gouvernement a tellement poursuivi les petits cultivateurs qu’il a créé une brèche pour les groupes criminels, capables avec leurs réseaux de gagner jusqu’à 300.000 euros par jour. » Tournant le dos aux écrans de surveillance de la boutique, sur lesquels on distingue le flot continu des échanges « argent contre Marijuana », Ed Pattche opine du chef. Le patron se roule un pétard. « Nous, on l’achète à des petits cultivateurs et à des sortes de représentants de commerce », se rassure le patron. Vraiment ? « La plupart, je suis sûr que ce ne sont pas des groupes criminels. » Tout est dans la locution « la plupart »…
« Je ne peux pas être certain des personnes à qui j’achète », finit par reconnaître le patron aux bras tatoués. « Mais les criminels produisent beaucoup de kilos et la conséquence directe est une baisse de la qualité de l’herbe, c’est pour cela que je ne pense pas être fourni par ces groupes. »
Projet test, « véritable challenge »
Consciente du problème, mais divisée sur la question du cannabis récréatif, la classe politique néerlandaise a enfin pris le chemin d’une réforme du système. Lors d’une phase de test qui doit débuter en 2020, dans une dizaine de villes des Pays-Bas (dont Bréda), la vente de cannabis sera encadrée du cultivateur au consommateur. Les coffee shops de la ville voient ce test d’un bon œil. Margriet van der Wal résume les attentes de chacun : « Le gouvernement espère frapper au portefeuille les groupes criminels et nous espérons que nos commerces deviennent enfin “normaux” ». Elle reconnaît que la réussite de ce test sera « un véritable challenge ».
Le cannabis aux Pays-Bas, sur la route de la «back door»
Les coffee shops des Pays-Bas sont autorisés à disposer d’un stock de 500 grammes de cannabis. - Sylvain Piraux
Nous quittons l’arrière-boutique du « Paradijs » pour rejoindre un autre coffee shop de la ville, « Le Baron ». La vitrine est occultée par des cactus et une fumée blanchâtre flotte à l’intérieur. La porte donne sur un couloir qui mène droit vers le comptoir. La plupart des clients font la file (qui ne désemplit pas) et repartent avec quelques grammes sous forme de pacsons d’herbe, d’une barrette de hasch ou de joints pré-roulés. Le commerce est tellement entré dans les mœurs que l’on paye bien souvent par carte bancaire. Certains passent la porte de la salle attenante et fument avec des amis. C’est ici que l’on rencontre Pari, 23 ans, et son amie Eva, 19 ans seulement. « On aime bien venir ici se détendre après une journée stressante », affirme la plus jeune, étudiante à Bréda. Que pense-t-elle de l’absence de traçabilité du stupéfiant qu’elle consomme ? « C’est vrai qu’au début on se pose des questions, on craint que le cannabis qu’on achète enrichisse des mafias… Mais honnêtement vous tirez une taffe et vous n’y pensez plus ! », lance cette grande blonde dans un sourire. « Vous voulez essayer ? »
Touristes interdits
Le patron ici, c’est Rick Brand. Un type immense, sweat à capuche sur les épaules. 10 ans qu’il possède « Le Baron ». Il n’a ni peur des photographes, ni des journalistes, qu’il reçoit souvent dans son établissement. « Si vous écoutez les gens, 70 % sont pour réglementer la “back door”. Dans une vraie démocratie, il y a longtemps qu’on aurait changé la loi », râle le boss. Fervent partisan de la phase de test qui prévoit de légaliser tout le processus, l’homme a un discours militant. A ses yeux, le cannabis n’est même pas une drogue. Plutôt un médicament. Il a même financé à ses frais un documentaire vantant les vertus de cette plante contre le cancer.
Le businessman assure que « les politiciens exagèrent la criminalité » dans le milieu des producteurs. Ce qui lui importe plus que tout, c’est la qualité du produit qu’il revend : « Je ne peux pas vraiment garantir cette qualité, c’est un problème. J’ai investi dans des microscopes très onéreux (3.000€ pièce), c’est l’un des seuls moyens que j’ai trouvé pour vérifier. Souvent, le cannabis est trop fort. Et parfois, il est mélangé à des produits de coupe très mauvais. Je le fume aussi pour contrôler la qualité, mais c’est désastreux pour ma santé. »
Rick Brand peste aussi sur la décision de sa commune d’interdire aux coffee shops de vendre aux étrangers. Avant 2012, les Belges et les Français représentaient la majorité des clients ! « C’est absurde parce que si vous allez à Tilburg, à quelques kilomètres à peine, ils acceptent tout le monde. Le cannabis devrait être pour tout le monde ! » Parole de chef d’entreprise.
Paul Depla, maire de Bréda: «Mon message au bourgmestre d’Anvers»
Mis en ligne le 29/04/2019 à 06:00
Par Louis Colart et L.Co.
Le travailliste Paul Depla dirige la ville de Bréda. « Je ne fume pas de joints », assure l’édile. Il l’assure, « je suis très heureux que le gouvernement ait encadré la production et la vente d’alcool, je pense que nous devons faire de même avec le cannabis. »
Depla : « Penser que l’on peut interdire cette consommation, c’est la même chose que penser qu’on peut interdire l’alcool. C’est une illusion. » - Sylvain Piraux
Paul Delpa, le maire de Bréda plaide pour l’encadrement de l’ensemble du business du cannabis
Que pensez-vous du modèle néerlandais ?
Quand vous regardez le système, il est assez hypocrite. Vous donnez une licence aux coffee shops pour vendre du cannabis ; les citoyens sont autorisés à acheter ce cannabis ; mais il est interdit de produire du cannabis. Si d’un côté vous autorisez la vente de cannabis et de l’autre vous interdisez sa production, vous obtenez un résultat certain : vous aurez un marché noir. Le cannabis vendu dans les coffee shops ne tombe pas du ciel, il ne vient pas du paradis…
Il y a pourtant un coffee shop à Bréda qui s’appelle « Het Paradijs »…
(rire) C’est sans doute l’exception à la règle. Le résultat de ce système hypocrite du gouvernement néerlandais, c’est le développement rapide d’un marché dominé par des organisations criminelles, qui ne recherchent que l’argent et le contrôlent par la violence. De nombreux Néerlandais sont plus ou moins impliqués dans une organisation criminelle. Tout cela parce que le gouvernement a oublié de réguler la « back door » des coffee shops.
Concrètement, quels sont ces problèmes pour l’ordre public ?
Avant d’être le bourgmestre de Bréda, j’étais celui de Heerlen (commune située à l’est de Maastricht, à la frontière allemande, NDLR). Chaque année, je devais démanteler plus de 140 plantations de « weed ». Malgré notre détermination, nous savons que nous ne les démantelons pas toutes. Mais cela illustre l’étendue de l’infiltration du marché noir dans une ville comme Heerlen (90.000 habitants, NDLR). Si vous regardez à Bréda, l’année dernière, un jeune homme a été abattu dans l’appartement où il dealait. En 2015, dans notre région, il y a eu 15 meurtres par balle, neuf étaient liés à l’industrie de la drogue. Certains incendies sont causés par des plantations illégales : les assureurs estiment qu’un incendie de maison sur cinq est causé par une plantation illégale.
Votre ville est l’une des six à dix communes candidates pour faire partie de la phase de test pour légaliser l’entièreté de la chaîne de production.
En effet. Le gouvernement des Pays-Bas va délivrer, à environ 10 entreprises, des licences pour produire le cannabis. Ces firmes ne produiront que pour les coffee shops. Enfin, les coffee shops ne pourront vendre que le produit de ces entreprises. Le processus fonctionnera en circuit fermé.
Quand allez-vous commencer ?
Nous espérons que le Parlement autorisera l’expérimentation avant l’été 2019. Ensuite, nous aurons un temps de mise en place. Il faudra compter une année.
Quels sont les problèmes rencontrés au cours de la mise en place de cette expérimentation ?
Premièrement, la difficulté pour réunir un soutien politique suffisant. Au niveau national, certains partis sont diamétralement opposés sur la question des drogues douces. Au niveau local, nous voyons les choses différemment, car nous observons clairement les ennuis causés par le système actuel. Deuxièmement, ce qui est compliqué, c’est la préexistence du marché illicite. Ce marché offre à certains de très confortables revenus. Et les patrons de ce marché vont le perdre lorsqu’on va passer d’un modèle illégal à un modèle encadré.
Comment vont réagir ces « green mafias » ?
Les organisations qui profitent du système actuel vont forcément réagir aux changements que nous préparons en ce moment. Mais comment… ?
Vous êtes inquiets à ce sujet ?
Nous devons nous en inquiéter. Nous n’avons pas d’écho pour l’instant, mais on peut s’attendre à des réactions et il faut y être préparé.
Pourquoi avoir décidé, à Bréda depuis 2012, d’interdire la vente de cannabis aux étrangers ?
Nous estimons que les coffee shops sont destinés au marché local. En Belgique, le cannabis est interdit. Si les Belges peuvent venir acheter du cannabis chez nous, il n’y a plus d’intérêt à mettre en place des lois pour le consommateur belge.
Pourtant, c’est possible dans d’autres villes. À commencer par Amsterdam.
Oui, mais c’est une autre histoire. Amsterdam n’est pas une ville située à proximité d’une frontière. Les touristes passent le week-end à Amsterdam et ensuite entrent dans un coffee shop. Ce qu’il se passait à Bréda, mais aussi à Maastricht, c’était que des gens venaient en voiture d’Anvers, Gand ou Liège… pour se rendre dans les coffee shops et immédiatement repartir. Après avoir acheté ou fumé. Ce tourisme a causé énormément de problèmes dans nos villes. Les coffee shops répondent à un besoin local. Ils ne sont pas destinés à résoudre les problèmes belges. J’imagine bien que c’est intéressant pour les coffee shops d’avoir davantage de consommateurs, mais ce n’est pas ma priorité. Ils génèrent suffisamment de bénéfices, je n’ai pas à me soucier de ça.
La situation serait-elle plus simple si la Belgique décidait de légaliser le cannabis ?
Bien sûr ! Penser que l’on peut interdire cette consommation, c’est la même chose que penser qu’on peut interdire l’alcool. C’est une illusion. Tâchons de le contrôler plutôt que l’interdire. C’est aussi mon message au bourgmestre d’Anvers, Monsieur De Wever : il est installé en face d’une industrie nationale de bière, la Brasserie De Koninck ; si vous regardez à l’aspect de santé, boire de l’alcool est bien plus nocif que fumer du cannabis. Si l’on se soucie vraiment de la santé publique, entamons un débat sur les drogues les plus dangereuses : par exemple, le tabac et l’alcool. Pas le cannabis, qui est même un médicament. Soyons honnêtes : en Belgique, beaucoup de gens en consomment.
En France, Etat avec une tolérance zéro, beaucoup de gens fument de l’herbe. Bien entendu, le meilleur choix serait que personne n’en consomme, idem pour l’alcool. Mais quel est le meilleur deuxième choix ? Réguler la vente et la production pour que les organisations criminelles ne profitent pas de ce marché, ou bien le livrer aux criminels et à la rue ? Soyez honnêtes et regardez les problèmes en face, plutôt que de faire comme Don Quichotte combattant les moulins.
Pieter Tops: «La majorité du cannabis vendu dans les coffee shops est d’origine criminelle»
Mis en ligne le 29/04/2019 à 06:00
Par L.Co.
Pieter Tops est un professeur néerlandais d’administration publique à l’Université de Tilburg et enseignant à l’Académie de police des Pays-Bas. Il travaille principalement sur la démocratie locale et la lutte contre la criminalité.
Pieter Tops. - D.R.
Pour Pieter Tops la façon d’encadrer au mieux le secteur du cannabis c’est un cadre au niveau international et « une lutte efficace contre les organisations criminelles du secteur ».
Quelle sont les connexions entre les organisations criminelles de Belgique et des Pays-Bas actives dans le secteur du cannabis ?
La production et le commerce de cannabis en Belgique sont sous contrôle des organisations criminelles néerlandaises depuis longtemps. Mais, plus récemment, des organisations belges en particulier ont repris en main la distribution sur le marché de leur pays, selon l’Institut de recherche international sur les politiques criminelles.
Le cannabis produit illégalement en Belgique alimente-t-il partiellement les coffee shops néerlandais ?
C’est tout à fait possible. D’autant plus si la production illégale en Belgique est sous contrôle des organisations criminelles néerlandaises.
Combien d’efforts et d’argent coûte la lutte contre la production illégale de cannabis à l’Etat néerlandais ?
Nous n’avons aucun chiffre fiable à ce sujet…
A-t-on une idée de la part du cannabis vendue dans les coffee shops qui serait issue d’organisations criminelles ?
C’est sans aucun doute la grande majorité du produit vendu, même si aucun pourcentage ne peut être avancé.
Les personnes qui militent pour un encadrement du secteur du cannabis par les Etats avancent que cela permettrait d’affaiblir le crime organisé. En est-on certain et sous quelles conditions cela fonctionnerait-il ?
Cela fonctionnerait si nous mettions en œuvre deux conditions indispensables. La première serait d’encadrer le secteur du cannabis récréatif au niveau international ; la seconde de lutter considérablement contre les organisations criminelles du secteur. Et ce malgré l’encadrement.
Jonathan Pfund, de la police fédérale: «Des organisations criminelles délocalisent en Belgique»
Mis en ligne le 29/04/2019 à 06:00
Par L.Co.
Jonathan Pfund est attaché de presse à la police fédérale belge.
Jonathan Pfund. - D.R.
Les marchés du cannabis aux Pays-Bas et en Belgique sont-ils liés ? Et comment ?
Les marchés sont bien entendu intrinsèquement liés, que ce soit au niveau de la production, de la distribution ou de la consommation du cannabis. En ce qui concerne la production, de nombreux producteurs néerlandais utilisent le territoire belge afin de produire du cannabis. Et ce, en raison notamment de la concurrence féroce entre organisations criminelles néerlandaises.
Les organisations criminelles qui font pousser du cannabis en grande quantité sur le territoire belge destinent-elles leur marchandise uniquement au marché belge ?
Il est certain qu’une partie importante de la production réalisée en Belgique est vouée à l’exportation, essentiellement vers les Pays-Bas. Il est très difficile d’estimer l’importance de cette production mais l’on peut encore raisonnablement affirmer qu’au plus grande est la taille d’une plantation, au plus grandes sont les chances que la production de cette plantation soit destinée à l’exportation, y compris en vue d’une distribution au sein des coffee shops, il s’agit d’une possibilité qui ne peut être exclue.
Le fait que les coffee shops soient tolérés aux Pays-Bas, mais pas la production de cannabis, complique-t-il le travail policier des pays voisins ?
Il est un fait que l’existence de ce réseau de distribution particulier a une influence en termes de criminalité en Belgique. Bon nombre de consommateurs belges se rendent ainsi aux Pays-Bas en vue d’y acquérir des stupéfiants, générant un flux illégal de drogues entre nos deux pays. Pour ce qui concerne la production, le marché du cannabis néerlandais fait l’objet d’une concurrence féroce ce qui conduit certaines organisations à délocaliser leurs sites dans les pays voisins, dont la Belgique.
A Toronto et même à Wall Street, les « pot stocks » poussent comme des mauvaises herbes. C’est que le cannabis n’est désormais plus un investissement « honteux ». Pour les leaders du tabac et de l’alcool, il est même un potentiel futur relais de croissance.
Le 17 octobre 2018, le Canada devient le premier pays du G20 à légaliser le cannabis. Ce matin-là, il y fait un froid de canard. Peu importe, dès l’aurore, ils sont des milliers dehors, déjà euphoriques, à braver la météo, pour être les premiers à s’acheter « quelques grammes » dans une des toutes nouvelles boutiques d’Etat.
Mais la marijuana légale ne réjouit pas que ses consommateurs : les investisseurs, en quête de diversification de leurs placements et, plus récemment, les grands groupes producteurs des drogues légales les plus populaires de la planète – cigarettiers et fabricants de spiritueux – voient, eux aussi, dans la fleur de cannabis le potentiel d’un avenir « paisible ».
A la Bourse de Toronto, à Wall Street aussi, les « pot stocks », surnom donné à ces start-up actives sur le segment, poussent d’ailleurs comme des mauvaises herbes (on en compte une petite centaine). Et surperforment généralement le marché, résultante de cette nouvelle ruée vers l’or vert. Un mini krach a même déjà été observé !
De AB InBev à Malboro
Preuve qu’il n’y a plus de « politiquement incorrect qui compte » : quelques géants, tous à l’origine producteurs de marijuana médicale et donc fournisseurs des entreprises pharmaceutiques, commencent à émerger sous l’effet de lourdes prises de participation. L’actuel leader mondial ? Canopy Growth, qui possède des filiales éparpillées un peu partout sur le globe (dont Spectrum, lire ci-contre). Quinze ans d’existence à peine… Et près de 13 milliards d’euros de capitalisation ! En 2007, une action de l’entreprise canadienne valait 9,1 dollars canadiens (6 euros). Aujourd’hui, le titre cote autour de 55 dollars (36,6 euros). Quant à son actionnaire principal (Constellation Brand), il vient d’injecter 3,6 milliards d’euros dans son poulain, portant sa participation à 37 %. Ce nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose mais l’Américain est le distributeur de la bière Corona et du troisième producteur de vin sur ses terres.
Altria, qui possède la marque Malboro, a préféré miser sur la société Cronos, elle aussi canadienne. Tandis que Coca-Cola serait en discussion avec Aurora (numéro deux en terme de valorisation boursière). ABInbev a misé sur Tilray via une injection de 100 millions d’euros pour lancer des boissons infusées au cannabis. Tilray qui peut aussi compter sur Novartis. Et ainsi de suite.
Les Etats-Unis, le véritable enjeu
Le futur du business – entendez par là sa taille critique – dépendra pourtant de l’évolution de plusieurs paramètres. D’abord, la propension des pays à légaliser. Si le Canada a aiguisé les appétits, le vrai enjeu est aujourd’hui les Etats-Unis, premier consommateur mondial. Dix états y permettent déjà la consommation pour usage récréatif (bien plus lucrative que la vente pour usage médical), mais au niveau fédéral, le cannabis n’a pas été dépénalisé et sa consommation comme sa production restent donc techniquement une infraction. Ensuite, le glissement de l’intérêt des consommateurs. Il n’est pas innocent que les leaders mondiaux de l’alcool et du tabac investissent dans la plante verte : ces entreprises sont positionnées sur des marchés à risque. Mais si la drogue douce est un potentiel relais de croissance, elle est encore loin de supplanter les deux premières catégories
La Belgique prête à autoriser la production
X.C.
Si Spectrum a choisi Odense pour installer sa première usine européenne, c’est avant tout parce que le cadre légal danois permet à une usine de cannabis de s’installer librement. Elle a « juste » besoin de l’accord des autorités sanitaires avant de commercialiser son produit.
Ce modèle semble inspirer la ministre belge de la Santé, Maggie De Block, qui veut rendre légalement possible la culture du cannabis à des fins médicales et de recherche dans notre pays. « Cela devrait se faire sous la supervision stricte de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé », détaille le cabinet De Block. « Ainsi, les entreprises belges qui souhaitent mener des recherches et/ou produire des médicaments sous licence avec du cannabis n’auraient plus besoin d’importer leur matière première. De plus, nous serons en mesure d’exporter nous-mêmes la matière première stable vers d’autres pays ».
La Convention des Nations Unies impose à chaque pays souhaitant cultiver du cannabis de disposer d’une Agence spécifique. Or un projet de loi permettant la création de cette agence a été approuvé en février 2019 par le Parlement belge. Les choses pourraient donc évoluer rapidement, dans ce dossier. L’entreprise limbourgeoise (Rendocan) a déjà fait part de sa volonté de produire 5 tonnes de cannabis thérapeutique par an à Kinrooi, à quelques pas de la frontière hollandaise
24.000 m² de culture de cannabis en plein coeur de l’Europe
Mis en ligne le 26/04/2019 à 18:39
Par Xavier Counasse
On y cultivait des tomates, sous serre. On y cultivera désormais de l’herbe. Plusieurs tonnes par an, pour l’exporter dans les pays européens qui en autorisent l’usage médical.
Le Danemark a lancé une expérience pilote de quatre ans, depuis janvier 2018, pour autoriser l’usage d’herbe sur prescription médicale. - DR.
Depuis Odense (Danemark)
De prime abord, ça ressemble à une serre. Une serre des plus banales, comme il en existe des dizaines dans la région d’Odense, troisième ville danoise spécialisée dans la culture en pépinière. Mais une fois la porte franchie, on se rend compte immédiatement que l’endroit est bien plus original qu’il n’y paraît. D’abord parce que toutes les portes sont ultra-sécurisées. On n’entre pas ici comme dans un moulin. Puis parce qu’il faut se protéger, des pieds à la tête, pour avoir le droit de pénétrer dans l’antre. Enfin, l’odeur qui monte au nez ne laisse aucun doute : ici, c’est le temple du cannabis. Dix serres. 24.000 m².
Mais – surprise- pas la moindre trace de marijuana dans la première serre. Ni dans la seconde. « Nous sommes toujours en phase de test, car nous n’avons pas encore reçu l’autorisation de l’autorité sanitaire danoise pour lancer la production », explique Lisbeth Kattenhøj, directrice commerciale de Spectrum Cannabis Denmark, la société propriétaire du site. Dans un couloir, un tas de poubelles dégagent un puissant fumet. « Tout le cannabis produit lors de ces tests doit être détruit. Il y en a pour un paquet d’argent, là-dedans », déplore René, notre guide du jour, en regardant ces poubelles.
La société Spectrum, filiale du leader mondial Canopy Growth, s’est spécialisée dans la production et la commercialisation de cannabis à usage médical. Ça tombe bien, le Danemark a lancé une expérience pilote de quatre ans, depuis janvier 2018, pour autoriser l’usage d’herbe sur prescription médicale. Spectrum a donc décidé d’établir son premier site européen en terre danoise. Ils ont racheté des serres où l’on cultivait des tomates, pour les transformer en une culture de cannabis. Vu l’aspect thérapeutique, il y a en effet des standards de qualité à respecter avant de pouvoir mettre le premier gramme d’herbe sur le marché. Et ce sont les autorités danoises qui ont le pouvoir de certifier que la chaîne de production respecte bien ces standards médicaux. « On espère obtenir le feu vert d’ici la fin de l’année », dixit Lisbeth. Pour l’instant, la firme a déjà investi plus de 25 millions d’euros, sans dégager le moindre centime de recettes.
Au sein du coffre-fort
Dans la dernière serre, des plantes de différentes tailles. « Ici, c’est un peu comme le coffre-fort de la banque », sourit Lisbeth. Devant nous, les 18 types de plantes-mères. Chacune produit un cannabis différent. Elles sont chouchoutées, pour les faire se reproduire un maximum. Les jeunes pousses sont ensuite empotées, et démarrent leur parcours du combattant. Les deux/trois premières semaines, elles réclament un maximum de lumière. Jusqu’à 23 heures par jour. Si la lumière du jour n’est pas suffisante, un éclairage artificiel – qui consomme bonbon- prend le relais. La ventilation, l’arrosage, la lumière : tout est réglé automatiquement, pour que les conditions soient optimales au développement de l’or vert. Et le résultat est convaincant. « Ça pousse comme des mauvaises herbes », plaisante René. Plusieurs centimètres par jour !
Après deux/trois semaines, via un système de plateaux sur roulettes, les plantes passent à la serre suivante. Là, elles sont exposées 12 heures consécutives à la lumière, puis plongées dans le noir les 12 heures suivantes (les serres sont équipées de rideaux). Et, à chaque étape de croissance, elles filent vers la zone suivante.
Actuellement, 50 personnes travaillent dans la filiale danoise. « On compte doubler nos effectifs d’ici la fin de l’année », renchérit Lisbeth. Dans les allées, des « growers » (cultivateurs) circulent. Ils doivent vérifier que chaque plante se porte bien. Car si l’une d’entre elles est malade, toute la production est détruite. « Il faut marcher 2,2 kilomètres pour contrôler les allées d’une seule serre », reprend René. Soit plus de 22 kilomètres de marche pour faire le tour des dix. Il est temps d’avoir de bonnes jambes…
Après avoir été bichonnées 15-16 semaines, les fleurs séchées sont prêtes pour la récolte. Tout se fait à la main. On tire entre 50 et 85 grammes de cannabis par pied. A ce stade, Spectrum refuse de livrer ses projections de production. Mais on parle de plusieurs tonnes par an.
7,4 millions de patients potentiels
L’herbe produite à Odense servira à alimenter le marché danois. Spectrum ne peut en effet par y importer sa production canadienne. « Les Danois refusent l’utilisation de pesticides dans la chaîne de production, alors que le Canada en autorise certains », explique Lisbeth. C’est l’une des raisons qui a poussé notre société à choisir le Danemark pour y installer sa première usine européenne. « Les autorités sanitaires danoises sont réputées pour leur exigence. Une fois l’autorisation danoise obtenue, 95 % de la production pourra être exportée dans les pays d’Europe qui autorisent le cannabis à usage médical, comme l’Allemagne, la Pologne ou la République Tchèque ». Et Spectrum est convaincu que cette liste ne va faire que s’allonger, dans les prochaines années. Car la tendance est clairement à la légalisation… « Selon nos statistiques canadiennes, où le cannabis médical est légal depuis 2001, environ 1 % de la population en consomme. Si on transpose ce chiffre à la population européenne, cela fait un potentiel de 7,4 millions de patients », analyse la directrice danoise.
Autres raisons qui ont dicté le choix du Danemark : le faible taux de criminalité de la région (une production de cannabis peut en effet attirer des personnes mal intentionnées) ; ainsi que la grande stabilité du réseau électrique. On ne craint pas de pénurie un hiver sur deux, ici. Ce qui rassure Spectrum, dont les lampes artificielles consomment un paquet de courant (la société ne nous a pas fourni de chiffre).
Reste à convaincre les médecins locaux de prescrire de l’herbe à leur patient, pour pouvoir écouler le futur stock. Dans un pays où la publicité pour ce type de produit est totalement interdite.
L’Etat américain compte aujourd’hui presque plus de plantes de cannabis que d’habitants. Cinq ans après avoir autorisé, mais en encadrant strictement, la consommation, production et commercialisation du stupéfiant, l’heure est au bilan.
photo: Johan, 25 ans, cheveux bleus, vendeuse accréditée de marijuana chez Seed and Smith, comme l’atteste le badge autour de son cou, nous déballe sa vitrine. Elle commence par les « classiques » (au minimum, 25 dollars, le gramme, pour les curieux). « Chaque herbe a ses propriétés », explique la jeune femme avec un débit lent, le sourire aux lèvres. - DR.
Denver, première sortie de l’autoroute principale. Impossible d’éviter cette odeur symptomatique, elle est partout. « Oui, oui, ça sent la marijuana ici. C’est en dehors du centre-ville que sont installés la plupart des producteurs », s’amuse notre chauffeur Uber. A l’horizon pourtant, rien que du classique « made in America » : une succession interminable d’énormes maisons préfabriquées identiques qui alternent avec des zonings industriels tout aussi bien rangés. Cette banlieue mi-chic sagement quadrillée cacherait-elle bien son jeu ?
Colorado, terre de «weed»
Donuts, cupcakes, sodas, bonbons, crème hydratante, sels pour le bain… enrichis en THC cartonnent au Colorado et pèsent aujourd’hui 40 % des ventes officielles. L’industrie du coin redouble d’inventivité pour vous faire planer. - D.R.
Notre véhicule s’arrête devant chez « Seed and Smiths », littéralement « Graine et Smiths », bâtiment quelconque en béton rectangulaire, à l’enseigne discrète. Rien d’affriolant. Il s’agit pourtant de l’un des 364 lieux autorisés par les autorités de la ville à la culture et à la distribution de la célèbre plante verte et de ses dérivés.
Pas « de père en fils » en dessous du logo. C’est que le commerce, légal, du cannabis est encore tout jeune au Colorado. Un état peu peuplé du centre des Etats-Unis, désormais célèbre aux quatre coins de la planète pour ses pistes de ski, ses canyons et, surtout, sa marijuana en libre accès. Le 1er janvier dernier, la loi locale autorisant l’usage, la production et la vente du stupéfiant, une première mondiale à l’époque du vote, fêtait ses cinq ans d’entrée en vigueur.
« Chut, ne réveillez pas les plantes »
L’ambiance banlieusarde s’évapore à peine la porte du « dispensaire » poussée. Musique reggae un poil cliché, quelques fauteuils pour patienter, une documentation de rigueur à feuilleter… Qui détaille les dernières promos de l’endroit à la manière d’un folder de supermarché. « 20 % de réduction sur le gramme acheté tous les premiers jeudis du mois », peut-on lire sur le premier de la pile.
Après une quinquagénaire grisonnante et un couple post-adolescent, c’est à nous. « Welcome ! Je peux voir vos papiers ? », demande le responsable de l’accueil.
Dans le petit Etat, l’achat et la consommation de cannabis sont strictement réservés à un usage adulte, soit aux plus de 21 ans. Et les contrôles sur le terrain sont bien réels. Chaque plante qui grandit chez « Seed and Smith » est, dès la graine, identifiée, enregistrée et « badgée » : elle est traçable par les autorités « jusqu’au joint dans lequel elle sera consumée ». Et, bien sûr, taxée (lire ci-contre).
« Ici, man, on fonctionne en circuit court. On produit l’herbe qu’on vend. On vous aurait bien proposé la visite de nos champs comme vous venez de loin. Mais nos plantes, là, elles sont endormies », poursuit le maître des lieux.
Au Colorado, malgré un véritable potentiel en termes d’étendues cultivables, la culture de cannabis (de masse, 500 tonnes ont été produites en 2017 !) se fait quasi exclusivement en intérieur, sous lampe bleue ou grâce à un système d’irrigation, appelée « aquaponie ». Afin d’éviter intempéries et maladies, de continuer à développer de nouvelles variétés de plantes hybrides souvent fragiles, le tout sans effleurer la moindre préoccupation écologique. « On doit reproduire à l’intérieur les conditions naturelles de croissance. Si on vous laisse entrer, vous allez les réveiller et notre production sera pour la poubelle ».
Reste donc le « magasin ». Johan, 25 ans, cheveux bleus, vendeuse accréditée comme l’atteste le badge autour de son cou, nous déballe sa vitrine. Elle commence par les « classiques » (au minimum 25 dollars le gramme, pour les curieux). « Chaque herbe a ses propriétés », explique-t-elle avec un débit lent, le sourire aux lèvres. « Celle-ci, c’est plutôt pour vous relaxer et bien dormir si vous êtes stressée. Celle-là pour faire la fête toute la nuit. Et là, vous avez les concentrés. »
La nouvelle mode à Denver. Comme leur nom l’indique, la concentration en THC (pour tétrahydrocannabinol, la principale molécule active du cannabis, NDLR) du produit est très élevée. Jusqu’à 80 % ! Un argument supplémentaire pour détourner population et touristes du marché noir… « Ca se fume à la “vapote”, l’effet est immédiat, comme un gros boom dans la tête, les jeunes adorent. Sinon, dans un autre genre, il y a les comestibles. »
Les comestibles ? 40 % des ventes selon les statistiques officielles, un succès aussi conséquent qu’inattendu. Donuts, cupcakes, sodas, bonbons, crème hydratante, sels pour le bain… L’industrie du coin redouble d’inventivité pour vous faire planer.
« On était les premiers »
Chaque vente est, elle aussi, directement enregistrée dans l’ordinateur de bord. « On nous paie beaucoup en cash, alors on met le montant de la taxe de côté chaque soir (environ 30 % du prix final, soit 15 % pour l’Etat et 15 % ou plus pour la ville, NDLR). Et, non », rappelle à l’ordre Johan influencée, sûrement, par notre accent exotique. « Nous n’avons pas de salles dédiées à la consommation. C’est totalement interdit. »
Si vous cherchez à Denver, l’ambiance d’un coffee shop enfumé et festif du centre d’Amsterdam, faites tout de suite demi-tour. « En 2012, quand on a voté la loi, le Colorado était le premier Etat au monde à légaliser l’usage récréatif et la production ! Nos législateurs ont bien sûr été extrêmement prudents (la Bible qui définit le champ d’application de la loi fait 1.500 pages et a mis deux années à être rédigée, NDLR). Sans oublier qu’au niveau fédéral, le cannabis est toujours illégal », cadre Brian Vicente, avocat et architecte principal de « l’amendement 64 », texte légal de loin le plus célèbre du Colorado.
Pas question donc, dans les rues de la capitale ou ailleurs (18 villes autorisent le cannabis non médical dans l’Etat, chaque municipalité ayant le choix d’accepter ou non la substance sur ses terres, NDLR), de s’allumer un joint : vous risqueriez une amende de minimum 170 dollars.
Même topo dans une chambre d’hôtel. Seule la consommation à « la maison » est autorisée. « En vrai, c’est un peu différent. Légalement, il n’y a que deux endroits dans la ville où vous pouvez consommer ce que vous venez d’acheter. Et quelques dizaines d’autres où cela est toléré. En gros, dans ces boîtes ou lieux “culturels”, la police ne vous ennuiera pas, même si, techniquement, vous êtes en infraction », précise Thomas Mitchell, journaliste pour Westword, canard local spécialisé dans la substance, qui se porte très bien parce qu’il est l’un des seuls médias à autoriser la publicité des « dispensaires ».
Parmi ces zones de « non-droits », on notera les bus de « 420 tours », dont le patron a eu la bonne idée de créer, dès 2014, des excursions d’un nouveau genre. Pour quelques dizaines de dollars, un guide vous emmène par petits groupes en camionnette visiter des champs, faire du shopping ou encore réaliser des activités inédites comme cet atelier pour apprendre à « rouler des sushis et des joints ». Pour occuper les touristes entre les haltes, le matériel embarqué à bord permet de « se divertir » en toute discrétion… En 2017, 87 millions de personnes ont visité le Colorado, une affluence record pour cet Etat d’à peine 5,7 millions d’habitants !
« Au moins, on ne met plus les blacks en prison pour ça »
Bien que difficiles à isoler d’autres données et phénomènes – ces dernières années, notamment, l’industrie technologique, comme dans d’autres villes de taille moyenne aux Etats-Unis, est arrivée à Denver, avec son dynamisme, ses millions de dollars de capitaux à risque et ses ingénieurs –, les effets de la marijuana sur le Colorado sont impossibles à ignorer. En cinq ans, la vie sociale et économique y a été profondément chamboulée. Avec des effets positifs et négatifs selon où le regard se pose.
« Ce n’est pas un secret : nous avons un énorme problème de racisme aux Etats-Unis. A Denver, les abus de la police envers les communautés noires et latinos sont de notoriété publique. L’herbe était un bon prétexte pour persécuter ces personnes. Jamais un blanc n’aurait été arrêté pour possession ! Au moins, depuis la légalisation, les flics sont obligés de mieux de se tenir », explique Stéphanie Roberts, professeure à l’Université du Colorado. Le juriste Brian Vicente l’assure : la décriminalisation était l’une des premières motivations de ses équipes de lobbyistes et des élus. Avant le développement économique et industriel du pays. « Chaque année, rien qu’aux USA, un million de personnes sont arrêtées pour possession de marijuana. C’est une énorme perte de temps et d’argent pour les pouvoirs publics. Il s’agit du stupéfiant le plus consommé de la planète, il faut voir la réalité en face. Le Colorado n’est qu’une étape. »
Dans les rues et commerces de la capitale, on croise peu de gens opposés à la réforme. Qu’ils soient ou pas, consommateurs. Dania, 25 ans, vendeuse de fringues dans une boutique du centre, est « une fumeuse du week-end ». « Le samedi, je me sentais obligée de boire de l’alcool avec mes amis. Mais je n’aime pas ça. La marijuana me permet d’être bien, de m’éclater. Au volant, c’est bien moins dangereux. Personne n’est jamais mort d’une overdose de “beuh”, non ? ».
Sa consommation est comme pour beaucoup de jeunes gens purement récréative. « Pour mon père, ancien ouvrier qui a de graves problèmes de dos, la marijuana, c’est autre chose. Ça l’a sauvé. Avant, on lui avait prescrit des antidouleurs dérivés d’opiacés. Je suppose que vous connaissez les dégâts que ça peut faire… ».
Outre Atlantique, la crise des opiacés fait des ravages. Héroïne, fentanyl, analgésiques dérivés et délivrés sous prescription médicale ont été impliqués dans 47.600 décès par overdose en 2017, soit six fois plus qu’en 1999. « Les gens travaillent à l’usine, se blessent, n’ont pas d’assurance santé. On leur prescrit des analgésiques hors de prix, ils deviennent accros et passent à l’héroïne parce que c’est moins cher. Ce n’est pas plus compliqué que cela. La marijuana médicale était déjà un vrai substitut. La vente hors prescription et la possibilité de faire grandir des plantes à la maison a rendu la substance accessible à tous », témoigne le journaliste Thomas Mitchell.
Au département de la santé publique, on se refuse cependant, faute de données, à analyser, à commenter ce potentiel glissement des consommateurs. « Mais désormais, la recherche médicale est bien plus intensive, facilitée par la légalité du produit et l’afflux de capitaux », acquiescent les responsables.
« Je vis dans ma voiture »
Autre boom, économique, après celui du tourisme : celui de l’industrie et, par ricochet, du marché de l’emploi. Selon le nouveau gouverneur, entré en fonction le 9 janvier dernier – le très pro-cannabis et démocrate Jared Polis –, le business de la marijuana a directement créé 23.000 jobs dans l’Etat entre 2014 et 2017. Mais qui dit aussi nouvelle industrie florissante et investisseurs, dit aussi effets collatéraux sur la population locale.
L’Etat comme les pouvoirs locaux y trouvent bien sûr leur compte. Depuis la légalisation, les producteurs et vendeurs de marijuana affichent un chiffre d’affaires de 6 milliards de dollars, en forte croissance annuelle. « Le Colorado a encaissé un sixième de la somme », assure Jim Burack, directeur de la division spéciale « marijuana » du fisc. Dont une bonne partie a financé l’encadrement et les contrôles sur le terrain. Mais comme promis à l’époque du vote de la population en 2012, le reste des bénéfices est investi dans les écoles publiques, les projets sociaux et l’amélioration de l’accès aux soins de santé. « Oui, les pouvoirs publics tiennent leur promesse. Mais rien qu’au niveau de l’école publique, il manque 7 milliards de dollars de financement au Colorado. L’effet est positif mais à relativiser », glisse Thomas Mitchell.
Ironie du sort : ce sont ces mêmes populations fragilisées, visées par les nouveaux programmes d’aide sociale, qui souffrent le plus des évolutions induites par la légalisation. Le Colorado reste peu peuplé… mais il se peuple de plus en plus : sur l’ensemble des Etats-Unis, la zone affiche la deuxième croissance démographique. L’effet est encore plus sensible à Denver, qui a attiré plus de 80.000 nouveaux habitants depuis 2014 (sur un total de 700.000 aujourd’hui). « Je vis dans mon taxi depuis quelques mois parce que mes filles sont parties étudier ailleurs et que mon loyer a trop augmenté, je ne pouvais plus payer », explique Gloria, chauffeuse agréée. « Le cannabis, c’est une industrie de blancs, il faut bien le comprendre. Il faut aujourd’hui être très riche pour y entrer et les riches, les jeunes cools, ils arrivent en masse dans la capitale. Moi je vivais à Five Points, c’était abordable, aujourd’hui, c’est devenu “tendance”… ».
A Denver, les buildings sont de plus en plus nombreux et de plus en plus hauts, échafaudages et grues sont omniprésents mais l’offre en nouveaux appartements est essentiellement luxueuse. Five Points, quartier « black » et populaire à l’origine, est l’un des meilleurs exemples de la gentrification et de la croissance peut-être trop rapide de la capitale. Au 1er janvier 2014, le prix médian à la location d’un deux chambres à Denver était de 1.380 dollars. Aujourd’hui, on est passé à 1.836 dollars, soit une hausse de 33 %. Le salaire de Gloria n’a pas augmenté aussi vite. Le Colorado est désormais l’Etat qui affiche le troisième plus haut taux de familles sans domicile fixe aux Etats-Unis, selon un rapport fédéral. A méditer, sans avoir l’esprit enfumé.
Le comportement des consommateurs a-t-il évolué en 5 ans?
A.C.
Selon le département de la santé, il n’y a pas d’augmentation sensible à constater depuis la légalisation pour usage récréatif de la consommation de cannabis par la population du Colorado. « L’usage chez les plus de 18 ans est stable entre 2014 et 2016, avec 13,5 % de la population qui a consommé la substance durant les 30 derniers jours. Nous avons cependant constaté la première hausse de consommation en 2017 avec un pourcentage de 15,5 % », précise Shannon Barbare, responsable de la communication.
Même constat en ce qui concerne l’usage de la substance chez les adolescents avec un taux stable de 19,4 % chez les collégiens en 2017. L’un des grands débats actuels – depuis 2016, suite à des plaintes, emballages et étiquetages des produits ont été renforcés et les « comestibles » contenant du THC sont également désormais soumis à une législation stricte, au niveau de leur composition et commercialisation – porte sur l’usage de la marijuana au volant. Encore plus complexe à réguler que la consommation d’alcool à ce niveau. Un nombre croissant d’accidents de la route n’a cependant pas été constaté ces dernières années dans l’Etat.
La marijuana au Colorado: quelques chiffres
A.C.
5 ans
C’est l’âge de la loi sur la légalisation du cannabis pour un usage adulte et récréatif au Colorado. Pionnier mondial en la matière.
65 %
C’est la proportion des ventes de cannabis pour un usage récréatif. Plus populaire donc que la marijuana pour usage médical, délivrée sous couvert d’une ordonnance.
6 milliards
C’est le chiffre d’affaires, en dollars, sur 5 ans de l’industrie.
927 millions
En dollars, c’est le montant de taxes encaissé par l’Etat depuis le 1er janvier 2014.
31 %
C’est le niveau de taxation de la marijuana pour un usage récréatif dans la capitale, Denver. 15 % des recettes reviennent à l’Etat, le solde à la ville.
3.000
C’est le nombre de licences actuellement accordées par l’Etat pour vendre et/ou produire de la marijuana à usage médical et/ou récréatif.
28
Grammes ou une « once » : c’est la quantité maximum de cannabis autorisée par personne et par transaction au Colorado.
25
C’est le prix de départ, en dollars, d’un gramme de « beuh » classique à Denver.
500
En tonnes, c’est la production de marijuana du Colorado en 2017.
L’avocat: «Trump va légaliser le cannabis avant la fin de son mandat»
A.C.
Brian Vicente est l’un des architectes principaux de l’amendement 64, la loi la plus célèbre du Colorado. Il a également collaboré avec son cabinet d’avocats spécialisés aux neufs autres textes autorisant la production et la commercialisation du cannabis Outre-Atlantique. Son dernier combat : légaliser la substance au niveau fédéral. Et à ce niveau, l’avocat spécialisé est plutôt « confiant ».
« Depuis le départ, notre stratégie est “bottom up” : légaliser d’abord au niveau d’un Etat, puis au niveau d’autres – on en est à 9 aujourd’hui –, pour ensuite obtenir le “go” au niveau fédéral. Nous avons créé une pression. Notre lobby à Washington est intense. La marijuana sera autorisée au niveau fédéral d’ici à 18 mois, j’en suis certain. Trump a besoin de faire au moins quelque chose de bien durant son mandat (rires). Plus sérieusement, l’idée sera celle de la tolérance : chaque état aura le choix de légaliser ou pas, mais il sera écrit dans la loi que le fédéral ne peut pas poursuivre. Les poursuites criminelles ne seront plus possibles, ce qui est le plus important. »
Le fisc local: «Nous assumons que le marché noir, à destination, surtout, de l’extérieur de l’état, existe»
Mis en ligne le 26/04/2019 à 18:21
Par Amandine Cloot
Jim Burack est à la tête du MED, pour « marijuana enforcement division ». Un département à l’intérieur du fisc qui a été spécialement mis sur pied pour encadrer production et commercialisation de la marijuana sur le terrain. Ainsi que percevoir les taxes sur la substance. Entretien.
DR.
Quel est le niveau de taxes prélevées par l’Etat du Colorado sur la marijuana ?
Le cannabis médical est le moins taxé, à 2,9 %. Mais il faut une ordonnance pour s’en procurer. Le cannabis récréatif est taxé à 15 % par l’Etat et, généralement, mais cela varie de ville en ville, il faut ajouter environ, parfois plus, 15 % de taxes prélevées par l’autorité locale. Puisque chaque municipalité choisit de légaliser ou non. Il faut préciser que 65 % des ventes totales sont « récréatives ». La production est imposée également à 15 %. Nous estimons depuis le 1er janvier 2014, le chiffre d’affaires de cette industrie à 6 milliards de dollars. Notre département a encaissé 927 millions de dollars de taxes sur la période : l’amendement 64 qui régularise la consommation, la vente et la production de marijuana pour un usage récréatif a été écrit sur l’idée d’allouer le produit de cette industrie à la population. C’est un business en croissance qui ne faiblit pas.
Créer une législation à partir de rien, sans aucun précédent, cela a dû être complexe, non ?
Il a fallu deux ans après le référendum de 2012 pour mettre en œuvre la loi. Le texte qui organise la légalisation fait 1.500 pages. Auxquelles il faut ajouter chaque légalisation locale. L’encadrement a déjà beaucoup évolué sur 5 ans et cela va continuer. Notre travail est, par définition, complexe parce que la marijuana est toujours illégale au niveau fédéral. Notre mission est de protéger la santé publique, mais en organisant tout tout seuls, au niveau de l’état même. L’un des objectifs était bien sûr d’anéantir le marché noir pour le remplacer par un produit contrôlé et de qualité : nous devons donc savoir d’où vient chaque dollar investi, c’est un travail de titan.
Sur le terrain, comment s’organisent les contrôles ?
Nous accordons des licences (pour la vente médicale et/ou récréative et pour la production, NDLR). Ces licences sont payantes et ne sont pas limitées en nombre au niveau de l’Etat mais chaque autorité locale fixe son quota. On en compte environ 3.000 aujourd’hui au Colorado pour un total d’un peu plus de 1.000 dispensaires (lieux où la vente, parfois également la production, est autorisée, NDLR). Les conditions sont strictes pour se lancer dans un tel business : il ne faut, par exemple, aucun casier judiciaire depuis 10 ans en lien avec la drogue, depuis 5 ans avec d’autres délits. Les licences doivent être renouvelées chaque année, nous examinons et réexaminons chaque demande. Le financement est extrêmement réglementé aussi, aucune société cotée et seul un nombre limité d’investisseurs étrangers sont autorisés par exploitation. Chaque entreprise est auditée complètement par nos soins tous les trois ans. Chaque employé travaillant dans l’industrie de la marijuana doit également obtenir un badge auprès de notre administration. Le but est bien sûr de contrôler toute la chaîne, de savoir qui fait quoi, comment et où, en temps réel.
Et au niveau de la production ?
Nous avons mis sur pied un système de « tracking » depuis la graine jusqu’à la vente en dispensaires. Chaque plante possède ainsi une identité propre que nous pouvons tracer durant toute sa vie. Nous connaissons l’exact état de chaque stock de chaque magasin. Nous devons également à tout prix éviter la surproduction, veiller à ce que l’offre et la demande soient parfaitement équilibrées. Pour éviter le marché noir. Puisque l’on ne peut pas encourager les producteurs à vendre ailleurs. Nous limitons également le nombre de plantes par production.
Quid de l’état actuel du marché noir ? Des éventuels abus ?
Nous assumons que le marché noir, à destination, surtout, de l’extérieur de l’Etat, existe. Notre job est de le limiter un maximum. Localement, nous avons peu de délits, la législation est respectée. Le postulat de départ fonctionne : la qualité de la production est contrôlée via une série de laboratoires accrédités ; le consommateur est rassuré, il préfère acheter un produit sûr dans un endroit autorisé ; le marché légal l’emporte sur le marché illégal. Les abus les plus constatés portent sur la production personnelle de marijuana autorisée, certains en jouent.
Le Groupe du Vendredi a réalisé une étude mesurant l’impact sur les finances publiques d’une dépénalisation. Trois scénarios sont testés. Celui d’un monopole géré par l’Etat tient la corde.
L’ONU recense 192 millions d’usagers, ce qui fait du cannabis « la drogue illicite la plus consommée du monde ». - D.R.
C’est le retour en grâce du cannabis. Bannie pendant de longues années, cette plante est toujours considérée comme une « drogue » par les Nations Unies, au même titre que la cocaïne et l’héroïne. Il est strictement interdit de la commercialiser, de la produire ou même de la détenir, au sens de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, signée par plus de 180 Etats. Malgré cela, l’ONU recense 192 millions d’usagers, ce qui en fait « la drogue illicite la plus consommée du monde ».
Mais « illicite », le cannabis l’est de moins en moins. Quoiqu’en pense l’ONU, la tendance est à la légalisation, aux quatre coins du monde. D’abord pour le cannabis à usage médical. Et même pour une consommation purement récréative. L’Uruguay est le premier pays à avoir légalisé. Puis le Canada. Bientôt le Luxembourg. Dix Etats américains ne voient plus d’objection à ce que leurs citoyens se roulent un pétard, même si le droit fédéral américain interdit toujours la marijuana.
Et le débat percole jusqu’en Belgique, où l’herbe est toujours interdite (lire ci-dessous). Le président du PS, Elio Di Rupo, a fait de la légalisation une promesse électorale. Il souhaite que l’Etat belge en régule la production et la vente. Les jeunes MR militent depuis longtemps pour une légalisation. Les jeunes CDH suivent, sans l’appui de leur parti « père ». Des magasins de « cannabis légal » essaiment un peu partout dans le pays. Et, sans que cette énumération soit exhaustive, un texte de loi vient d’être voté à la Chambre, à la quasi-unanimité (seule la N-VA s’est abstenue), pour que la Belgique se dote d’une Agence du cannabis.
Pour nourrir le débat, Le Soir dévoile aujourd’hui une étude réalisée par le Groupe du Vendredi. Ce jeune think tank, soutenu par la Fondation Roi Baudouin, s’est penché sur l’impact qu’aurait un changement de politique sur les finances publiques.
Des coûts
Premier obstacle (de taille) : trouver des études fiables sur le sujet. En particulier sur le montant des dépenses publiques liées au cannabis, un sujet mal documenté. On sait que les drogues génèrent des coûts pour l’Etat : de sécurité (contrôle de police, enquête, incarcération, organisation des procès), de santé (hospitalisation, réhabilitation, centres de soins, visites médicales), et de prévention. Moyennant diverses hypothèses (lire ci-dessous), le Groupe du Vendredi estime à 223,9 millions les dépenses publiques annuelles liées au cannabis. Un montant qui ne prend pas en compte les effets des accidents de la route causés sous l’effet du psychotrope.
Différents scénarios ont ensuite été testés, en mesurant leur impact sur les dépenses publiques. Le premier : celui d’une « simple » dépénalisation. Autrement dit, on lève l’interdiction sur la consommation de cannabis, mais la vente et la production restent totalement interdites. Conséquences ? Comme le risque de poursuite disparaît, le nombre de consommateurs augmente (+19,6 %). Ce qui fait gonfler la note des dépenses de santé de 14,1 millions d’euros. En revanche, la charge imposée à la justice et aux services de police diminue, car il n’y a plus de raison de traquer les consommateurs (sauf s’ils sont mineurs). Ce qui réduit le coût pour l’Etat de 56,9 millions d’euros. Il faut toutefois maintenir des moyens importants pour s’attaquer aux réseaux criminels qui organisent la production et la vente. Bilan de ce scénario : une réduction des dépenses publiques de 42,8 millions pour l’Etat (voir infographie).
Des avantages
Autre scénario étudié : la légalisation avec gestion du stock par un monopole public. C’est donc l’Etat qui contrôle la production, qui distribue les licences pour la vente, et qui fixe le prix du gramme de beuh. La dépénalisation tend à augmenter le nombre de consommateurs, mais l’Etat va relever le prix de vente pour casser cet incitant. Dans ce cas, le nombre de fumeurs reste donc stable, tout comme les dépenses de santé. Mais ce scénario présente deux avantages conséquents pour le budget de l’Etat : primo, il réduit très fortement le marché noir, et par la même occasion les frais de police et de justice. Seuls les mineurs sont encore poursuivis, ainsi que les crimes sous influence de cannabis. Secundo, l’Etat peut dégager de nouvelles recettes fiscales, en gérant le monopole. En partant d’une taxation de 80 %, similaire à celle du tabac, c’est plus de 40 millions qui rentrent dans les caisses publiques chaque année. Au total, ce scénario permet donc à l’Etat de dégager une marge de 144 millions d’euros. Un chiffre qui ne prend pas en compte la potentielle création d’emplois.
Des coûts et des avantages
Enfin, un dernier modèle de légalisation a été testé : celui d’un marché concurrentiel où les entreprises privées sont libres de fixer la quantité produite et les prix. Ceci va avoir pour effet de faire baisser le prix du gramme de cannabis. Dans l’hypothèse où il passe de 10 à 9 euros, le nombre d’usagers flambe (+78,5 %). On frôle les 600.000 consommateurs. Ce qui implique une hausse sévère des dépenses de santé. A l’inverse, comme dans le scénario précédent, de nouvelles recettes fiscales sont générées, et les dépenses de sécurité fondent. Mais, financièrement parlant, ce scénario est globalement moins intéressant. L’Etat ne dégage qu’une marge de 78,4 millions. Et ce modèle devient même désavantageux si le prix du cannabis baisse plus fortement. « En faisant l’hypothèse d’une diminution du prix de vente à 7 euros, le nombre de consommateurs explose littéralement ainsi que les dépenses de santé. Les recettes générées par la fiscalité ne suffisent pas à couvrir l’augmentation, générant une marge quasiment nulle voire négative pour l’Etat », écrit le Groupe du Vendredi. Une troisième piste qui semble peu convaincante, aussi bien en termes budgétaires que de santé publique.
Méthodologie
Amandine Cloot , Louis Colart et Xavier Counasse
En janvier, Le Soir a pris la décision de monter un dossier autour du cannabis. Objectif initial ? Se pencher sur différentes expériences étrangères, et évaluer l’impact d’un changement de politique sur les finances publiques belges. Pour ce point, Le Soir a fait appel au Groupe du Vendredi, un cercle de réflexion regroupant une vingtaine de jeunes bilingues (25-35 ans), soutenus par la Fondation Roi Baudouin. Emballés par l’idée, le Groupe accepte d’explorer la question. Leur point de départ : une étude française, réalisée en 2014 par le think tank Terra Nova (signée notamment par Pierre Kopp, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne). Le raisonnement économique et la méthodologie de cette étude ont été transposés au cadre belge. En revanche, le Groupe du Vendredi a été confronté à une pénurie de données statistiques en Belgique : aucun chiffre officiel sur notre volume de consommation, ou sur les dépenses publiques qui y sont liées. Différentes hypothèses ont donc dû être posées. Elles sont détaillées et justifiées dans le rapport, que vous pouvez consulter sur le site internet du Groupe. Une analyse de sensibilité a également été menée sur deux paramètres. Toutefois, pour plus de lisibilité dans la présentation des résultats, Le Soir a pris le parti de fixer ces deux paramètres à leur valeur intermédiaire (le cannabis pèse pour 50 % des dépenses publiques liées aux drogues illicites, et le risque de se faire attraper en possession d’herbe est fixé à 5 % du prix). Lorsque les auteurs de l’étude font varier ces paramètres, la marge dégagée par l’État belge change. Dans le scénario nº2, par exemple, le bénéfice d’une légalisation oscille entre 92 et 200 millions d’euros.
Alexis Goosdeel: «Le cannabis n’est pas un produit anodin»
Mis en ligne le 29/04/2019 à 06:00
Par Louis Colart
Alexis Goosdeel est le directeur de l’Office européen des drogues et toxicomanies. Ce spécialiste belge de toutes les drogues s’intéresse, à travers une multitude d’études menées ou analysées par ses services, tant à l’aspect santé publique qu’à la criminalité liée aux trafics.
Que l’on encadre ou que l’on interdise, Alexis Goosdeel regrette le manque de suivi des politiques sur les drogues. - Pierre-Yves Thienpont.
Alexis Goosdeel prévient : le débat sur les effets prétendument thérapeutique du cannabis ne doit pas escamoter les risques pour la santé.
Le cannabis est-il un produit aux effets anodins ?
Dans la plupart des substances stupéfiantes dont on parle, aucune n’est anodine ou inoffensive. Sinon, cela voudrait dire qu’elles n’ont aucun effet. Or, ces effets sont recherchés par les consommateurs. Le cannabis n’est pas anodin comme de l’eau du robinet, certainement pas. Dans le débat aujourd’hui, on voit deux aspects : soit on en parle du point de vue de la législation, des interdits qui pèsent sur le cannabis et la philosophie de ces lois ; soit du point de vue des bénéfices thérapeutiques attribués au cannabis. Et en parlant de ces prétendus bénéfices thérapeutiques (qui manquent parfois de preuves scientifiques…), on risque d’escamoter les risques bien réels pour la santé. Enfin, il y a tellement de variétés et de formes au cannabis aujourd’hui que parler « du » cannabis est difficile.
Quels sont les risques pour la santé de fumer du cannabis, par exemple sous forme d’herbe ou de haschich ?
Il y a une évidence scientifique suffisante, mais qui reste à approfondir, sur les effets négatifs liés à l’usage de cannabis avec une forte dose de THC, sur le développement cognitif. Surtout si l’usage a commencé tôt, chez de jeunes adolescents. Un usage prolongé, lourd, a donc un effet sur les attitudes cognitives. On sait aussi que le cannabis, dans certains cas, a un effet négatif pour les personnes qui ont des prédispositions à des problèmes de santé mentale. Le problème, c’est que ces prédispositions ne sont pas toujours visibles à l’œil nu. Cela peut révéler une maladie ou jouer le rôle de déclencheur. Par ailleurs, fumer le cannabis a aussi un impact négatif sur les poumons. Donc, oui, on ne parle pas d’un produit anodin. Surtout quand on considère que la substance vendue illicitement en Europe a fortement augmenté les concentrations de THC ces dernières années. En particulier si on prend comme produits de référence ceux qui étaient consommés en mai 1968 ou au début des années 1980. Cette concentration accrue est valable aussi bien pour la résine de cannabis que pour la plante.
Quelles sont les tendances des consommateurs en Europe ?
La recherche de produits forts en concentration. Cette tendance n’est pas limitée au cannabis, mais à l’ecstasy aussi. Des gens cherchent des sensations fortes.
Quels sont les effets bénéfiques du modèle législatif à la belge (prohibition mais relative tolérance pour les simples consommateurs) ?
Des modèles d’analyse pour les politiques nationales, il en existe très peu ! A ma connaissance, il n’y a pas d’étude d’impact de la politique en Belgique. Même dans les Etats américains qui ont récemment décidé de légaliser, la question de l’évaluation est une question qui reste difficile. J’étais à la dernière conférence nord-américaine sur le cannabis, seule conférence qui n’est pas financièrement contrôlée par l’industrie du cannabis : les différents intervenants, des différentes institutions, ont exprimé une souffrance due au manque de données. Ce qui est dommage, car une des annonces faites dans la plupart des Etats qui avaient décidé de légaliser l’usage récréatif consistait en un suivi statistique, un investissement dans la prévention… Il y a un certain suivi (au Colorado par exemple), mais qui reste largement insuffisant. Dans certains cas, des mesures correctives ont toutefois été prises après le changement de législation.
Six questions pour tout savoir sur le cannabis
Mis en ligne le 29/04/2019 à 06:00
Par Amandine Cloot , Louis Colart et Xavier Counasse
Peut-on fumer un pétard en toute légalité ? En cultiver dans sa chambre ? Dans une serre ? Tour d’horizon.
En Belgique, au-delà de 0,2% de THC, fumer du cannabis est donc strictement interdit, que ce soit à usage médical ou récréatif - Sylvain Piraux
Le point sur la situation, en Belgique et ailleurs.
1
De quoi parle-t-on ?
Shit, beuh, chichon, marijuana… Les mots pour en parler sont sans limite, mais au fond, qu’est-ce que le cannabis ? Avant tout, une plante. Ses feuilles pointues sont entrées depuis longtemps dans l’imaginaire collectif. Le cannabis est consommé depuis plusieurs millénaires pour ses effets psychotropes. Sous forme de chanvre, il est aussi utilisé comme matériel textile, de construction, cosmétique... En tant que stupéfiant, ce sont principalement les fleurs séchées qui se fument (sous forme d’herbe), ou la résine de la plante qui, extraite et séchée, fait du haschich (sous forme de barrette de couleur brune). Ces produits peuvent être intégrés dans une multitude de dérivés (biscuits, gâteaux – les fameux « space cakes » - huile à vapoter, bonbons). Plus rare (donc plus chère), l’huile est la troisième forme que peut prendre cette drogue.
2
Ça fait quoi, le cannabis ?
Il existe une centaine de molécules dans la plante de cannabis. Mais le principe actif aux effets psychotropes du cannabis est le tétrahydrocannabinol, ou THC. Le taux en THC varie fortement d’une plante à l’autre. Selon Infor-Drogues, la teneur moyenne est de 2 à 10% pour l’herbe, mais cela peut monter jusqu’à 30%. Outre les dégâts causés par la fumée du tabac, qui accompagne le plus souvent l’herbe ou la résine, les effets du THC sont nombreux : euphorie et impression de planer (les effets recherchés par les consommateurs), baisse de la concentration, ralentissement des réflexes, vertiges et anxiété chez certaines personnes… En cas de prise brutale, des hallucinations sont possibles. Une accoutumance se crée en cas de consommation régulière.
3
Peut-on le consommer en Belgique ?
La loi « cannabis » n’interdit pas le produit à proprement parler, mais l’une de ses molécules : le fameux THC. Au-delà de 0,2% de THC, fumer du cannabis est donc strictement interdit, que ce soit à usage médical ou récréatif. Pourtant, selon le Rapport européen sur les drogues 2018, un jeune sur dix (15-34 ans) a consommé du cannabis au moins une fois, sur les douze derniers mois.
Car il existe une forme de tolérance, en cas d’usage personnel. « La politique pénale ne se focalise pas sur la simple consommation personnelle », explique le cabinet du ministre de la Justice, Koen Geens. « L’accent est mis sur les infractions plus graves (vente, crime organisé, contrebande). »
Lire aussi «Il faut légaliser l’usage du cannabis»
Autrement dit, même si consommer est illégal, on ne risque pas grand-chose à le faire, pour usage personnel. « Cette tolérance n'a pas force de loi, la justice peut donc toujours s'en écarter. Et le caractère personnel de cette consommation est assez vaguement défini », déplore Sébastien Alexandre, directeur de Fedito BXL, la Fédération bruxelloise des Institutions pour Toxicomanes.
Aujourd’hui, il existe des cannabis dont le taux de THC est inférieur au plafond légal de 0,2%. Ceux-ci contiennent une autre molécule (le cannabidiol, ou CBD). Or « le CBD n'est pas légalement considéré comme un stupéfiant ou un agent psychotrope et n'est donc pas interdit », cadre le cabinet Geens. Ce cannabis-là peut dès lors être consommé sans restriction légale.
4
Peut-on vendre du cannabis en Belgique ?
La logique est la même. Il est strictement interdit de vendre du cannabis avec un taux de THC supérieur à 0,2%. En revanche, si le cannabis est débarrassé de THC mais dopé au CBD, il n’est pas considéré comme stupéfiant. Et peut être vendu. Les « CBD shops » sont d’ailleurs en train d’essaimer en Belgique.
« Il faut encore que le cannabis vendu le soit pour des motifs autorisés », explique Sébastien Alexandre. « En l'occurrence, le CBD ne peut pas être vendu pour des raisons de santé puisqu'il n'est pas reconnu comme un médicament par l'Agence fédérale du médicament et des produits de santé. Il ne peut pas non plus être vendu comme comestible (biscuit, thé, etc) puisqu'il n’est pas autorisé par l’AFSCA. Dès lors, les CBD shops disent qu'ils vendent du « pot-pourri », ou des « objets de collection », alors que tout le monde sait quel usage il en est fait. »
Autre exception, médicale cette fois. En 2015, la ministre de la Santé Maggie De Block a autorisé la commercialisation de médicaments contenant des principes actifs du cannabis. On parle ici de médicaments reconnus par les autorités de santé. Le premier du genre accepté en Belgique est le Sativex, utilisé pour le traitement de la sclérose en plaques.
Lire aussi Sativex, le médicament au cannabis, arrivera en mars
5
Peut-on produire du cannabis en Belgique ?
C’est encore la même rengaine. La production et l’importation de cannabis sont strictement interdites par la loi, si le taux de THC est supérieur à 0,2%. Pour la molécule CBD, cette interdiction disparaît.
Et, comme pour la consommation, il existe une forme de tolérance pour les auto-producteurs, qui ne cultivent qu’un plant pour leur bien-être perso. Bien qu’illégale, cette production à domicile n’est pas poursuivie dans les faits… même si rien n’empêche un juge de le faire.
Sachant cela, certains ont développé des cannabis social clubs. « Ce sont des coopératives de producteurs, qui mettent ensemble leurs plants. Le premier cannabis social club historique s’appelle Trekt Uw Plant à Anvers. Il a déjà connu deux procès, sans condamnation. En 2018, de nouvelles perquisitions ont eu lieu, et un nouveau procès est en cours. Cela permettra de clarifier la situation », commente Sébastien Alexandre.
6
Certains pays ont-ils déjà légalisé le cannabis ?
Vingt-six pays dans le monde autorisent la commercialisation et la consommation de cannabis à usage médical (une prescription est nécessaire). Trente-trois États américains – la Californie était la première à passer le cap en 1996 – acceptent également la marijuana thérapeutique. Jusqu’en 2012, il n’était nulle part permis sur le globe de consommer le stupéfiant pour un propos récréatif : un référendum au Colorado ouvre le bal (mais l’entrée en vigueur de la législation aura lieu deux ans plus tard). L’Uruguay suit en légalisant l’usage et la production privée début 2013. A l’heure actuelle, dix états américains organisent la consommation et la production de la drogue douce. Deux autres travaillent à intégrer le cannabis dans un texte de loi. En octobre dernier, le Canada est le premier pays du G20 à passer le cap. Le Luxembourg s’y prépare actuellement. Aujourd’hui, près de 110 millions de personnes ont accès à la consommation de cannabis en toute légalité
Selon un document du SPF Finances, le cannabis "léger", proposé sous forme d'herbe et consommé pour son cannabidiol (l'autre substance du cannabis, non psychotrope), doit être rangé dans la catégorie des tabacs à fumer. Dès lors, il sera soumis à la législation et aux accises propres à ce produit. La conséquence est qu'il pourra aussi être distribué partout où du tabac est vendu.
photo AFP
RTL info s’est procuré un document du SPF (Service Public Fédéral) Finances datant du 11 avril dernier. Celui-ci informe que le cannabis "léger" proposé sous forme d'"herbe" séchée dans de nombreux magasins spécialisés apparus ces dernières années sera désormais à considérer comme un tabac à fumer. Le changement n'est pas anodin. Ce cannabis pauvre en THC (la substance psychotrope qui fait du cannabis un stupéfiant toujours illicite en Belgique) et consommé pour le cannabidiol qu'il renferme (CBD, l'autre substance active du cannabis, qui décontracte mais ne fait pas "planer") sera à présent soumis aux lois et aux accises propres au tabac.
"Ces produits destinés à être fumés et dont la teneur en THC est inférieure à 0,2 % sont considérés comme -autres tabacs à fumer- et sont, dès lors, taxés comme tels. Par conséquent, les emballages de ces produits ne doivent pas seulement être munis d'un signe fiscal mais doivent également satisfaire à toutes les prescriptions de la législation en matière d'accise relatives aux autres tabacs à fumer", peut-on lire dans le document. Précisons que le cannabidiol vendu sous forme d'huiles ou entrant dans la composition de compléments alimentaires n'est pas concerné par la mesure.
Cette modification a une conséquence concrète importante: désormais, ce cannabis CBD peut quitter les magasins spécialisés et être vendus dans n'importe quel commerce vendant du tabac.
Depuis l’apparition des points de vente de cannabis légal, un flou juridique flottait autour de cette herbe qui ressemble et qui sent comme le cannabis classique mais qui n'est pas du cannabis. Pouvait-on la fumer ? Pour éviter les ennuis, les commerçants recommandaient de ne pas le faire et de l’utiliser par exemple comme un "pot-pourri".
Estimant probablement qu'un grand nombre de clients fumaient ce cannabis "light", les autorités publiques ont mis un terme à cette situation ambiguë.
La décision ne plaira sans doute guère aux gérants des boutiques de cannabidiol. Leur représentant y voit aussi un danger pour les jeunes. "La FECAB (Fédération du Cannabis de Belgique) pense que la nouvelle mesure du SPF Finances aura des effets pervers dans le sens où l'on pourra trouver cette herbe de cannabis light dans n'importe quel commerce, pompe à essence et night-shop... Cela risque d'envoyer un message contradictoire aux jeunes et de brouiller la prévention faite par rapport à la consommation de cannabis. De plus, une centaine de commerces spécialisés risquent de mettre la clé sous la porte", déclare Maxence Hanus, porte-parole de la FECAB.
Quid de la lutte anti-stupéfiant ? Un policier des stups que nous avons contacté réagit anonymement à cette adaptation: "Effectivement, si cela est taxé comme produit à fumer alors oui, on pourra le vendre partout et même fumer cette herbe tranquillement en terrasse! Nous ne pourrons plus rien contrôler. L'odeur étant la même on ne va pas saisir un joint pour analyse... cela serait une perte de temps et d'argent. Cette décision n'est pas à prendre à la légère c'est le début d'une réflexion plus large sur la prohibition du cannabis."
Source: rtl.be
On en parle sur le forum
Le Canada a légalisé la consommation de cannabis il y a 6 mois. Depuis, les policiers du pays n’ont pas enregistré plus d’interpellations de conducteurs sous l’emprise de stupéfiants.
Six mois après la légalisation du cannabis au Canada, les forces de l’ordre tirent un premier bilan, notamment sur la route. Depuis le changement de réglementation, les policiers n’ont pas interpellé plus de conducteurs roulant sous l’emprise de stupéfiants. Lors de la légalisation le 17 octobre, les forces de l’ordre avaient mis en garde contre le danger de conduire sous l’emprise de la drogue.
"Ce que nous voyons de plus en plus, c'est que le grand public n'essaie plus de cacher ses produits à base de cannabis. Nous rappelons qu'il faut les traiter comme de l'alcool et les ranger dans le coffre plutôt que sur le siège avant", a expliqué le sergent Paul Manaigre, au quotidien canadien La Presse, qui a compilé ces chiffres. Les policiers se concentrent aussi dans les contrôles routiers sur la traque des dealers. Le marché noir n'a en effet pas disparu avec la légalisation.
Seul le Manitoba, une province de l'ouest du Canada, a enregistré un peu plus d’arrestations, avec 58 arrestations pour conduite avec des facultés affaiblies, contre 32 sur la même période l’année précédente. Au Canada, conduire sous l’emprise de drogue peut entraîner 1000 dollars canadien d’amende minimum (environ 665 euros), et un an d’interdiction de conduite en cas de condamnation.
"Soyons conséquents, créons un système qui contrôle, qui réglemente, qui protège mieux nos jeunes"
Le Canada devait légaliser le cannabis – et non pas seulement le décriminaliser – afin de remplacer le marché noir et d’assurer la qualité de la drogue que les citoyens consomment, a déclaré le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en entrevue à Tout le monde en parle.
M. Trudeau était de passage à l’émission hebdomadaire animée par Guy A. Lepage la semaine où le pays a légalisé le cannabis afin d’expliquer sa décision. Il s’agit de la première fois qu’un premier ministre canadien en fonction accepte de participer à TLMEP - qui fêtait sa 350e émission ce soir-là.
Maintenant que le «pot» est légal, le premier ministre ira-t-il en acheter dans les succursales de la Société québécoise du cannabis?
«Ça n’a jamais été quelque chose qui m’intéressait énormément, mais on a fait le constat que le système de prohibition qu’on a eu pendant 90 ans ne fonctionnait pas pour protéger nos jeunes et ça donnait trop d’argent au crime organisé», a-t-il répondu.
M. Trudeau a fait valoir que pas moins de cinq millions de Canadiens avaient consommé du cannabis en 2017, et que ces revenus avaient directement profité au crime organisé.
Plus dangereux pour les jeunes
Malgré tout, il se dit «tout à fait d’accord» que le cannabis est «plus dangereux» pour les jeunes adultes, en raison du développement de leur cerveau.
«C’est dommageable à 50 ans, c’est dommageable à 90 ans. C’est une drogue. Ce n’est pas recommandé. C’est pire quand les ados sont plus jeunes et le défi qu’on a, c’est de remplacer le marché noir.»
Les provinces canadiennes ont arrimé l’âge légal pour l’achat et la consommation du cannabis avec celui pour l’alcool.
Or, le nouveau gouvernement de François Legault a annoncé que le Québec compte augmenter l’âge à 21 ans – ce qui en ferait la province la plus restrictive en cette matière.
M. Trudeau dit avoir déjà eu une conversation au sujet de cette drogue avec son fils, Xavier, qui vient de fêter ses 11 ans et qui entrera bientôt à l’école secondaire.
«En même temps, c’est dur d’expliquer à un jeune que c’est nocif quand c’est légal», a commenté l’animateur Guy A. Lepage.
«Je dis ça pour l’alcool, ça ne me tente pas qu’il boive non plus, ça ne me tente pas qu’il fume la cigarette», a répondu M. Trudeau.
Ne pas faire le travail à moitié
Le premier ministre canadien affirme qu’il n’a pas voulu seulement décriminaliser la marijuana.
«C’est comme dire : “OK, c’est illégal d’en vendre, d’en produire, d’en acheter, mais si tu en as, on ne va pas te pénaliser.” Ce serait de faire les choses à moitié», dit-il.
«Soyons conséquents, créons un système qui contrôle, qui réglemente, qui protège mieux nos jeunes. Au moins de traiter le cannabis comme l’alcool, ça va nous permettre de mieux contrôler ça.»
Il se dit bien conscient que c’est un «gros changement» au Canada et qu’il y aura une «période d’ajustements».
«Tout ne sera pas réglé dans la première semaine, mais je pense qu’on s’en va dans la bonne direction», conclut-il.
Par Catherine Lévesque
Source: huffpostmaghreb.com
Le Canada est devenu cette semaine le deuxième pays au monde après l'Uruguay, et le premier pays du G20, à légaliser la possession et la consommation de cannabis récréatif.
En Ontario, la province la plus peuplée du Canada, environ 38 000 commandes en ligne de cannabis avaient été passées en quelques heures mercredi. AFP/Alice Chiche
L’engouement était attendu. De longues files d’attente se sont de nouveau formées jeudi devant les boutiques de cannabis au Canada, déjà prises d’assaut mercredi au premier jour de la légalisation historique de cette drogue douce, alors qu’un début de pénurie pointe dans plusieurs provinces.
Comme René Sylvain, 63 ans, plusieurs consommateurs avaient déjà tenté leur chance mercredi mais n’avaient finalement pas pu accéder aux magasins de la Société québécoise du cannabis (SQDC), malgré plusieurs heures d’attente.
« Je suis arrivé à 15 heures mercredi, j’ai attendu cinq heures, et, à 21 heures ils ont fermé les portes, et le monde était en beau maudit (en colère, NDLR) », témoigne ce retraité interrogé devant la boutique de la rue Ste-Catherine, balayée par un vent glacial.
«Ça fumait des joints dans la foule et c’était le fun»
Mercredi soir, la police est intervenue pour disperser sans heurts les derniers clients n’ayant pu accéder à la succursale. « On est repartis, il y avait trop d’autos de police. Et ce matin je suis ici depuis une heure à peu près. Chacun son tour ! », raconte ce consommateur.
Alexandre, 30 ans, a attendu pendant sept heures mercredi, mais les portes de la boutique se sont fermées alors qu’il restait une poignée de clients devant lui. « Ça a été l’enfer, il faisait froid mais on s’est amusé quand même, ça fumait des joints dans la foule et c’était le fun. »
Geneviève Després, 41 ans, est revenue pour la deuxième journée consécutive, après avoir acheté ses premiers grammes de cannabis mercredi. « J’ai pris le plus léger et je l’ai testé hier soir et my god c’est de la bombe. C’était le plus léger et je me suis endormie à 2 heures du matin. J’avais déjà fumé dans ma jeunesse, mais là c’est légal ! », raconte-t-elle.
Le Canada est devenu le deuxième pays au monde après l’Uruguay, et le premier pays du G20, à légaliser la possession et la consommation de cannabis récréatif.
Des pénuries attendues
La première journée de légalisation du cannabis, mercredi, a été saluée par des milliers d’amateurs qui ont patienté pendant des heures, de l’Atlantique au Pacifique, pour pouvoir acheter leur premier paquet de marijuana « légale ».
En Ontario, province la plus peuplée du Canada, environ 38 000 commandes en ligne de cannabis avaient été passées en quelques heures mercredi, tandis qu’au Québec la SQDC a enregistré plus de 42 000 commandes en magasin et en ligne.
« Ce volume de commandes dépasse largement les prévisions de la SQDC », a indiqué le monopole public dans un communiqué en soulignant « qu’il était difficile d’anticiper le volume de ventes de façon précise, compte tenu de l’inexistence de données de marché d’un secteur qui, il y a 48 heures, était encore illégal ».
La Nouvelle-Ecosse et l’Ile-du-Prince-Edouard, deux petites provinces de l’est du Canada, ont enregistré des ventes mercredi totalisant respectivement 660 000 dollars canadiens (441 000 euros) et 152 000 dollars, selon des chiffres cités par la chaîne publique Radio Canada.
Conduire en fumant du cannabis reste illégal
Cet engouement a provoqué de premières ruptures de stocks dans certains magasins, et plusieurs produits n’étaient plus disponibles sur les sites Internet de plusieurs provinces.
« Compte tenu de l’engouement créé par la légalisation du cannabis et la rareté des produits à l’échelle canadienne, la SQDC s’attend à d’importants défis d’approvisionnement à court terme pour les succursales », a aussi noté le monopole gouvernemental québécois.
« Nous nous attendions à ce que certains produits s’écoulent rapidement », a reconnu Bill Blair, ancien chef de la police de Toronto et aujourd’hui « M. Légalisation » du gouvernement, sur la chaîne publique CBC.
Pour l’heure, les quelque 120 producteurs autorisés par le gouvernement canadien à produire du cannabis ne pourront combler que 30 % à 60 % de la demande, estimait la semaine dernière l’institut indépendant d’analyse économique C. D. Howe.
Légalisation ou pas, les autorités canadiennes ont tenu à rappeler que conduire en fumant du cannabis restait illégal : la police de Winnipeg (centre) a posté sur Twitter une amende de 672 dollars (448 euros) pour consommation de marijuana au volant d’une voiture. Elle a été infligée à un automobiliste qui fumait un joint en conduisant sur une autoroute du Manitoba quelques heures après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation.
Pionnier dans la légalisation de la consommation du cannabis, l'Uruguay a autorisé il y a un an sa vente en pharmacie. D'abord réfractaire, la population y est désormais favorable, et des experts soulignent son impact potentiel sur le commerce illicite.
Un homme montre du cannabis qu'il vient d'acheter légalement dans une pharmacie de Montevideo, en Uruguay, le 19 juillet 2017 AFP/Archives - MIGUEL ROJO
En décembre 2013, le petit pays d'Amérique latine (3,5 millions d'habitants) attirait les regards du monde entier en devenant le premier de la planète à légaliser la production, la distribution et la consommation du cannabis à des fins récréatives. Le Canada sera le deuxième à partir de mercredi.
Trois modes d'accès sont prévus par la loi uruguayenne : la culture à domicile pour consommation personnelle, l'appartenance à un club cannabique ou, depuis le 19 juillet 2017, l'achat en pharmacie d'une production fournie par des entreprises privées, ce dernier volet ayant été le plus difficile et long à mettre en oeuvre.
Selon Monitor Cannabis, une équipe d'universitaires qui étudient la mise en pratique de la loi, "trois années après la mise en place de la réglementation, l'évolution de la consommation de cannabis montre une augmentation qui n'est pas spectaculaire par rapport à la tendance" générale, à la hausse depuis le début des années 2000.
Autrement dit, la consommation augmente en Uruguay et a continué de progresser après la mise en place de la loi, mais sans connaître d'accélération. L'évolution principale vient du fait que depuis l'entrée en vigueur de la législation, il est possible d'avoir des statistiques provenant du marché officiel.
Les quatre variétés disponibles sont en vente dans des petits sachets fermés de cinq grammes, à 1,40 dollar le gramme. Chaque consommateur, dûment enregistré, peut acheter 40 grammes par mois. Seuls les citoyens uruguayens ou ceux qui possèdent un permis de résidence peuvent s'inscrire.
Les dernières données fournies par l'Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA) montrent que les consommateurs de marijuana sont déjà 54% à avoir régulièrement recours à une des alternatives proposées dans le cadre légal, alors qu'ils ne pouvaient se fournir jusque-là que sur le marché illicite.
- Files d'attente -
La mise en place de cette réglementation pionnière a toutefois connu quelques soubresauts : problèmes à la récolte, limitations imposées par les banques, obligées de se conformer à la législation américaine sur les stupéfiants, pour les entreprises travaillant dans ce secteur et souhaitant ouvrir un compte.
A ce jour, l'Uruguay compte près de 7.000 cultivateurs à domicile, 107 clubs cannabiques et 28.500 consommateurs légaux, soit six fois plus que le nombre enregistré pour le premier jour de vente, selon des chiffres officiels.
En raison des tracasseries bancaires, de la crainte que les magasins vendant du cannabis soient la cible de criminels, ainsi que du rejet de certains pharmaciens, seules 17 officines proposent actuellement la substance.
Entre juillet 2017 et juillet 2018, 1.200 kg de marijuana ont été vendus, ce qui signifie que 100% de ce qui a été produit est arrivé jusqu'au consommateur, averti par les pharmaciens d'une nouvelle livraison. Mais le volume de production ne satisfait pas la demande et des files d'attente sont souvent visibles devant les magasins concernés.
"La priorité est d'élargir la couverture du système. Si les personnes enregistrées pour une des trois formes d'accès pouvaient recevoir aujourd'hui leurs 40 grammes mensuels, selon les données de Monitor Cannabis, elles enlèveraient au marché illégal 50% de la demande totale de cannabis, soit 22,5 millions de dollars", souligne le sociologue Sebastian Aguiar dans un ouvrage sur le sujet intitulé "Un an de progrès et de possibilités".
D'autant que lorsque le projet de loi fut présenté par l'ancien président de gauche José Mujica (2010-2015), l'argument était de combattre le trafic de drogue.
Le gouvernement actuel de Tabaré Vazquez, du même parti que José Mujica, aborde une nouvelle étape sur la prévention : le lancement le 1er octobre d'une campagne nationale intitulée "Règlementer, c'est être responsable" qui vise, dans le cadre de la loi, à informer le public sur "les risques, les effets et les potentiels dommages (pour la santé) de la consommation de cannabis".
La FeCaB vise à encadrer les CDB Shops, rassembler les acteurs et leur offrir un cadre légal.
Une annexe au Moniteur belge, publiée le 8 octobre dernier, révèle la création d’une fédération particulière, à Liège. "L’association a pour objet de susciter et de promouvoir des liens entre les membres de l’association et les autorités belges tant au niveau politique, juridique, institutionnel et judiciaire afin de promouvoir la vente de produits légaux issus de la production du cannabis satia II selon l’arrêté européen à condition que leur teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas 0,2 %. La fédération a pour but de rassembler les acteurs du marché afin de favoriser le développement de produits légaux issus de la production du cannabis rentrant dans les conditions légales en Belgique", lit-on.
La Fédération du cannabis de Belgique (FeCaB) a pris ses quartiers à Liège, rue Vaudrée. Alors qu’aucun des cinq membres fondateurs n’y habite… "C’est le début, détaille Anthony Triest, 33 ans, le président. On a pu obtenir un local à Liège. C’était une facilité pour nous tous. On bougera certainement au cours des prochaines années, on verra."
Le trentenaire est, en parallèle, en train de monter un magasin de vente libre de cannabis à Rixensart : un CDB shop plus exactement.
Mais pourquoi avoir créé une Fédération du cannabis ? "On est partis du constat que tous les CBD shops n’étaient pas encadrés. Personne ne se réunit vraiment. On a pensé que ce serait pas mal de se réunir et de mettre un cadre à l’activité, explique Anthony Triest. Ensemble, on a un poids plus important vis-à-vis des politiques et des médias. On veut professionnaliser le domaine, donner de bons conseils à ceux qui le souhaitent, informer sur le secteur… On fait appel à des avocats, il y a une consultance juridique importante."
Ils planchent actuellement sur les fondations de leur fédération. "On réfléchit à fixer le montant des cotisations annuelles. Le site web sera bientôt publié. On est déjà actifs en donnant des conseils de professionnels aux personnes intéressées et en organisant des rencontres."
Des Cannabis Social Clubs fleurissent çà et là, qu’est-ce qui différencie cette ASBL de ces "clubs" ? "Dans les Cannabis Social Clubs, on produit du cannabis récréatif pour les membres, pour leur consommation personnelle, détaille-t-il. Dans les CBD Shops, les produits à base de cannabidiol ne contiennent que 0,2 % de THC. On ne produit rien nous-mêmes. Nos produits proviennent de Suisse."
Par Laura Cerrada-Crespo
Source: dhnet.be
On en parle sur le forum
MARIJUANA
- Alors que le sujet fait toujours débat en France, le Royaume-Uni légalise l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques…
Le cannabis thérapeutique va être autorisé au Royaume-Uni sur ordonnance à partir du 1er novembre, a annoncé jeudi le ministre de l’Intérieur Sajid Javid. Il a toutefois souligné qu’elle n’ouvrait pas la voie à une légalisation du cannabis à usage récréatif.
« Mon intention a toujours été d’assurer que les patients puissent accéder au traitement médical le plus approprié », a-t-il expliqué. Mais « j’ai toujours clairement indiqué n’avoir aucunement l’intention de légaliser l’usage récréatif du cannabis ».
Le cannabis médical aurait des intérêts thérapeutiques
Plusieurs cas de personnes malades se soignant illégalement à l’aide de produits dérivés du cannabis, dont deux enfants souffrant d’épilepsie et prenant de l’huile de cannabis, Alfie Dingley et Billy Caldwell, ont été médiatisés au Royaume-Uni, alimentant le débat sur l’autorisation du cannabis thérapeutique.
Sajid Javid avait demandé le 19 juin à deux groupes d’experts indépendants de se pencher sur la question. Une première analyse, menée par Sally Davies, la conseillère médicale en chef du gouvernement, a conclu qu’il était prouvé que le cannabis médical avait des intérêts thérapeutiques.
Le cannabis thérapeutique légal dans plusieurs pays européens
Le Conseil consultatif sur l’abus de drogue a estimé de son côté que les médecins devaient être en mesure de prescrire du cannabis thérapeutique à condition que les produits répondent aux normes de sécurité. L’intérêt pour le cannabis, ou chanvre indien, utilisé comme plante médicinale, a été relancé dans les années 1990 par la découverte d’un analogue du cannabis fabriqué par l’organisme, le cannabinoïde endogène, présent dans le cerveau des hommes comme des animaux.
Depuis cette date, des dizaines d’études ont confirmé l’intérêt du cannabis thérapeutique, pour soigner par exemple des spasmes musculaires dans la sclérose en plaques et dans l’épilepsie, des douleurs chroniques dans certaines pathologies neurologiques, ou encore prévenir des nausées et vomissements chez les personnes atteintes d’un cancer. Plusieurs autres pays européens ont déjà légalisé le cannabis thérapeutique, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande ou l’Italie.
Jeudi, le Parlement lituanien a adopté une loi légalisant la prescription de médicaments à base de cannabis.
Le Parlement lituanien a adopté jeudi une loi permettant aux médecins de prescrire des médicaments à base de marijuana.
Quatre-vingt-dix députés, sur un total de 141 que compte le Parlement, ont voté pour l'adoption de la loi qui, pour entrer en vigueur, doit être encore promulguée par la présidente Dalia Grybauskaite.
"Bien sûr, cela ne veut pas dire que le cannabis sera disponible dans les pharmacies pour le fumer avant d'aller dans une boîte de nuit", a-t-il ajouté.
Contrôle strict
La loi entrera en vigueur en mai prochain. Tous les médicaments nécessiteront une licence de l'Agence nationale de contrôle des médicaments.
La consommation de marijuana à des fins récréatives reste illégale en Lituanie, un pays balte de 2,8 millions d'habitants, membre de la zone euro.
Tous les partis politiques représentés à la Chambre ont compris qu’il fallait prendre position sur la légalisation du cannabis. La société civile avait mis la pression en présentant une pétition à succès.
D'après un sondage, 9,8% des jeunes entre 15 et 34 ans ont reconnu en avoir consommé plus ou moins régulièrement les douze derniers mois. (illustration Editpress)
Le débat sur la légalisation du cannabis fait régulièrement surface, mais depuis ces dix dernières années, il devient de plus en plus présent. Cette année, les citoyens ont décidé de mettre la pression sur les partis politiques par le biais de la pétition déposée à la fin du mois de mai et qui avait raflé les 4 500 signatures nécessaires en quelques heures seulement pour en totaliser près de 7 500 au final.
Les pétitionnaires ont eu droit au débat public à la Chambre des députés et ont pu savoir ce que les partis envisageaient de faire ou de ne pas faire pour légaliser le cannabis, c’est-à-dire rendre la substance légale comme peut l’être l’alcool. À l’occasion de ce débat, la ministre de la Santé avait livré les chiffres d’une étude statistique indiquant que 9,8% des jeunes entre 15 et 34 ans ont reconnu en avoir consommé plus ou moins régulièrement les douze derniers mois.
Les partis politiques avaient eu l’occasion de préciser leur position et la majorité d’entre eux s’étaient prononcés pour une légalisation sous certaines conditions, à commencer par un contrôle strict de l’État sur la production et la vente. Le DP, qui ne voulait pas entendre parler de légalisation dans son programme en 2013, n’a pas su résister à la pression de sa section des jeunes. En effet, le président Claude Schommer avait déclaré au printemps dernier que les jeunes démocrates «ne lâcheraient rien» en ce qui concerne la légalisation du cannabis.
La chose est devenue si sérieuse et pressante aux yeux des députés que le président de la commission des Pétitions, Marco Schank (CSV), avait annoncé la création «au mois de septembre» d’une commission jointe pour débattre de façon élargie des problématiques liées aux drogues, dont le cannabis, mais aussi à l’alcool, aux jeux ou encore aux médicaments.
Étudier les modèles existants
Il s’agira pour les députés d’examiner de plus près les modèles existant dans d’autres pays en matière de politique des drogues, alors que les pétitionnaires, eux, évoquaient une légalisation du cannabis récréatif et sa vente dans des coffee shops au Luxembourg. Une perspective effrayante pour certains politiques qui y voient déjà les portes ouvertes au tourisme de la fumette.
Les pétitionnaires avaient avancé le modèle canadien comme exemple à suivre. En juin dernier, Justin Trudeau a annoncé que la légalisation du cannabis serait fixée au 17 octobre prochain. La loi autorise la culture personnelle de quatre plants par ménage. «Notre objectif est un objectif de sécurité et de santé publiques», avait rappelé Justin Trudeau, convaincu que la vente légale fera du mal au crime organisé.
L’exemple canadien sera observé de très près, mais il faut d’abord attendre les premiers effets de cette nouvelle légalisation. Pas sûr que la police et la justice se retrouvent avec moins d’affaires à traiter. La situation au Luxembourg est claire pour le moment : «Tout est interdit : l’achat, la consommation, la vente», avait rappelé Félix Braz.
Il n’en demeure pas moins que se procurer du cannabis dans le pays est assez accessible. Le ministre de la Justice avait balayé l’argument selon lequel une légalisation du cannabis allègerait le travail des autorités policières et judiciaires : «Il restera toujours du travail pour la police et la justice. Car il faudra contrôler s’il n’y a pas de marchés parallèles», avait-il conclu à la Chambre des députés devant les pétitionnaires.
Le tribunal estime que le règlement envahit les pouvoirs de l'Etat et peut protéger les activités illégales
La séance plénière de la Cour constitutionnelle a décidé d’annuler à l’unanimité la loi catalane régissant les associations de consommateurs de cannabis , selon un jugement daté du 19 septembre. Les magistrats ont estimé que cette réglementation envahissait les compétences de l’Etat, après que le gouvernement de Mariano Rajoy l’ait interjeté en appel en octobre dernier, alléguant également qu’elle conférait une protection juridique à des activités qualifiées d’infraction dans le Code pénal.
Le tribunal souligne que, bien que le cannabis contienne des éléments ou des ingrédients actifs susceptibles d’être utilisés à des fins thérapeutiques, il ne peut être considéré comme un médicament ou un médicament au «sens strict». "Mais une substance classée comme stupéfiant, ce qui signifie que c'est une compétence en matière pénale réservée à l'Etat, conformément à l'article 149.1.6 de la Constitution", souligne la résolution.
En ce sens, la Commission constitutionnelle souligne que la loi catalane "reconnaît les fonctions de collecte ou d'acquisition et de distribution ultérieures" du cannabis aux clubs, en plus de les définir comme "un espace privé répondant aux conditions idéales de consommation". Par conséquent, lorsque l'on considère cette substance comme un médicament, les autonomies ne peuvent pas légiférer sur ce type de centres. Une idée que les magistrats ont déjà souligné lorsqu'ils ont déclaré inconstitutionnelle une loi similaire approuvée en Navarre. La "discipline normative réserve à l'Etat" la législation sur "la consommation, l'approvisionnement et la dispense" de cette substance, souligne le tribunal.
En juin 2017, le Parlement catalan a donné son feu vert à la loi régissant les associations de consommateurs de cannabis, qui visait à créer un régime juridique pour ces organisations et à fournir un cadre juridique à leurs activités associés. La loi, issue d'une initiative législative populaire (ILP), n'a été en vigueur que pendant quelques semaines, son application ayant été suspendue après l'appel du gouvernement Rajoy.
La décision constitutionnelle renvoie les clubs de cannabis à une sorte de flou juridique . La volonté de mettre un terme à cette situation et de mieux contrôler la consommation de cette substance était précisément l'un des principaux arguments avancés par la Generalitat pour approuver le règlement. Au moment de son approbation, en Catalogne, il y avait plus de 400 associations. Même avec la loi en vigueur, les méandres légaux qui entourent le cannabis n’auraient pas pris fin, puisque les responsables des clubs pourraient en consommer et en distribuer parmi ses membres, mais ils pourraient être arrêtés s’ils étaient surpris en train de cultiver ou de transporter de la marijuana.
Les frontières floues entourant la marijuana et l'application du code pénal en ce qui concerne les droits constitutionnels tels que le droit à la vie privée et le droit d'association sont au cœur du débat. Le premier d'entre eux protège quiconque de faire ce qu'il veut s'il le fait dans un espace privé. La seconde, associer pour prendre toute activité si elle ne viole pas la loi.
L'histoire de l'Association de l'autoconsommation de cannabis de Barcelone , la première à s'inscrire en Catalogne, illustre bien la controverse. En février 2010, l'entité a présenté sa demande au registre des associations du département de la justice de la Generalitat. Compte tenu des doutes suscités par la demande, ce ministère a demandé un rapport de l’intérieur, responsable des Mossos d’Esquadra. L'intérieur a répondu que l'association ne pouvait pas s'inscrire parce que la fin de la culture et de la distribution de la marijuana est punissable par le code pénal.
Des mois plus tard, cependant, un autre rapport du Bureau du Procureur a renversé le ministère de l'Intérieur. Le parquet a maintenu que le droit d'association prévaut et qu'une association ne peut s'empêcher d'être empêchée si son activité (l'autoconsommation ...) n'est pas punissable. En tout état de cause, le bureau du procureur a exhorté les Mossos à intervenir s'ils considéraient que la manière de cultiver, de distribuer ou de consommer la drogue était entrée dans la sphère pénale.
L'association a finalement été acceptée par le registre des associations en novembre 2010. Trois mois plus tard seulement, les Mossos sont entrés au siège de l'entité et ont arrêté quatre personnes pour trafic de drogue. Les coups de police contre ces autres clubs de cannabis ont eu lieu en Catalogne ces dernières années .
Avec ce précédent, les limbes juridiques dans lesquels vivent les clubs de cannabis - qui paient d’autre part leurs impôts au Trésor comme toute autre activité économique, ce qui leur a permis de gagner devant les tribunaux une affaire contre eux - ne prendront fin Le gouvernement central doit légiférer en la matière, selon toutes les sources consultées. Les tribunaux de Valence - avec le soutien du PSOE, Ciudadanos, Podemos et Compromís - ont approuvé en juin dernier une proposition non juridique en ce sens.
La Generalitat de Catalogne n'a pas rendu public sa position avant la décision de la Cour constitutionnelle.
Invoquant un ordre divin, les habitants de ce village du nord-ouest de l’Inde ont décidé de ne plus accueillir de touristes. Ces derniers menaceraient les coutumes locales en véhiculant une culture étrangère, rapporte le Hindustan Times.
À Malana, les touristes se bousculent pour apprécier l’un des meilleurs hashish du monde. Dans ce village isolé du nord-ouest de l’Inde, dans l’état d’Himachal Pradesh, des artisans confectionnent le Malana Cream, une variété de cannabis frottée à la main qui fait le bonheur des amateurs de drogues aux quatres coins du monde. Mais ce juteux business – la substance se vend 250 dollars pour 11 grammes – devrait considérablement ralentir : les touristes ne sont plus les bienvenus à Malana.
Des villageois réunis en un parlement bicaméral ont en effet décidé de fermer l’accès du village aux étrangers, sur ordre divin, raconte le Hindustan Times, mardi 11 juillet. Les touristes sont accusés de menacer la culture et les traditions de Malana.
Pour en arriver à cette décision, le parlement a invoqué le dieu Jamlu, par l’intermédiaire d’un oracle. Et d’après ce dernier, Jamlu ne porte pas vraiment les pratiques des touristes dans son cœur. "La divinité ne veut qu’aucun villageois ne loue sa propriété comme une maison d’hôte et un restaurant", rapporte Bhagi Ram, gouverneur de Malana au Hindustan Times.
"Il a interdit à chacun de faire cela et ceux qui violeront ses ordres verront s’abattre sur eux sa malédiction."
Protéger sa culture face au tourisme de la drogue
Selon le récit local, le peuple malanais, qui parle son propre dialecte et ne reconnaît pas l’autorité du gouvernement indien, descend de l’empereur Alexandre Le Grand. Appartenant à la caste des kshatryas – celle des guerriers, la plus noble après celle des brahmanes–, ils se perçoivent comme un peuple sacré et refusent tout contact avec un étranger ou membre d’une caste inférieure. L’endogamie y est donc généralisée et a contribué à l’isolement des Malanais qui ont longtemps vécu de la fabrication artisanale de produits en chanvre. Avant que la culture et le commerce de cannabis y soient importés par des étrangers dans les années 1970. Depuis, l’ouverture au monde et aux nouvelles technologies n’a cessé de se développer pour faire planer dans les esprits la menace d’une dilution des traditions locales.
Mais les habitants reprochent aussi aux étrangers d’avoir contribué à bâtir une image tronquée de Malana en l’associant exclusivement au cannabis. En février dernier, le village avait ainsi interdit les photos : les clichés pris par les visiteurs étaient perçus par les locaux comme caricaturaux, réduisant trop souvent Malana à un hub du trafic de drogues.
Selon une étude du gouvernement, la consommation de cannabis a explosé ces dix dernières années chez les quinquagénaires et les sexagénaires américains.
PHOTO MARY TURNER/REUTERS
“Vous devriez parler de cannabis avec vos grands-parents”, conseille le Washington Post à ses lecteurs.
Et pour cause, selon une nouvelle étude sur la consommation de drogue publiée en septembre par l’Agence des services en toxicomanie et en santé mentale, la consommation de cannabis a explosé ces dix dernières années chez les Américains âgés de plus de cinquante ans.
“Jusqu’en 2000, rappelle le journal, les adolescents étaient quatre fois plus susceptibles d’avoir consommé de la marijuana que les quinquagénaires et les sexagénaires.”
L’âge d’or des seniors
Aujourd’hui, dans la catégorie des personnes qui fument de la marijuana chaque mois, “on retrouve davantage de baby-boomers âgés de 55 à 64 ans que d’adolescents âgés de 12 à 17 ans”.
Les seniors américains de plus de 65 ans ont également vu leur consommation augmenter, note le quotidien, qui y voit un effet peu connu de la légalisation du cannabis.
“En général, on a tendance à se focaliser sur les effets de la légalisation sur la consommation des plus jeunes”, pourtant l’usage de la marijuana “se concentre aujourd’hui chez les personnes plus âgées”.
Depuis 2012, neuf États américains et la région de la capitale fédérale ont légalisé la consommation de cannabis à des fins récréatives pour les adultes, rappelle le journal.
“Cette vague de légalisation déferle alors que les baby-boomers entrent dans leur âge d’or. Ceux-ci étaient déjà des consommateurs de cannabis dans les années 1960 et 1970, et il semble qu’ils utilisent aujourd’hui leurs années de retraite pour réitérer les expérimentations de leur jeunesse.”
Enfin, l’usage médical de la marijuana entre également en ligne de compte. Selon une autre étude citée par le journal, plus de 20 % des seniors expliquent que c’est leur praticien qui leur a recommandé d’essayer le cannabis.