Un tribunal invalide l'interdiction de la culture du cannabis
Par
drdooom,
Un tribunal invalide l'interdiction de la culture du cannabis à domicile au Québec
Des plants de cannabis pourront être cultivés à la maison au Québec, après un jugement de la Cour supérieure.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Radio-Canada 2019-09-03 | Mis à jour le 4 septembre 2019
La Cour supérieure du Québec invalide les deux articles de la loi provinciale qui interdisaient la culture de cannabis à domicile à des fins personnelles.
La juge Manon Lavoie donne raison à Janick Murray Hall, qui contestait devant les tribunaux la loi québécoise plus restrictive que la réglementation fédérale.
Le résident de Québec faisait valoir que la province ne pouvait pas interdire la culture à domicile, puisque la loi fédérale permet de faire pousser jusqu'à quatre plants à la maison. Au Québec, la possession d’une plante et sa culture était plutôt proscrite par la loi.
Selon la juge Manon Lavoie, les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis au Québec, adoptée avant sa légalisation en octobre 2018, contreviennent au champ de compétence fédérale en matière criminelle.
Les articles contestés ne viennent pas restreindre [...], mais posent une interdiction totale, écrit Manon Lavoie, ce qui laisse entendre, selon elle, que la province cherche en réalité à pallier l’abrogation des anciennes dispositions rendant la culture personnelle et la possession de plante de cannabis criminelles.
En d'autres mots, le Québec ne vient pas compléter la loi fédérale, mais empiète de façon importante sur les articles 8 et 10 de la réglementation adoptée par Ottawa.
Le Tribunal est donc d'avis que les dispositions en cause ont été adoptées afin de réprimer la production personnelle de cannabis, et ce, afin de restreindre l'accessibilité à ce produit et de renforcer son contrôle, poursuit la juge Lavoie.
Or, les provinces ne peuvent pas réécrire à leur guise les lois adoptées au niveau fédéral, explique Line Beauchesne, professeure de criminologie à l'Université d'Ottawa.
Quand il y a une loi criminelle qui est écrite, tu ne peux pas dire : "Je prends seulement les articles 1, 7, 9, 12, mais pas les autres", a-t-elle illustré mardi au micro de l'émission Le 15-18.
Une application immédiate
L'invalidation des deux articles de la loi québécoise permet donc à partir de maintenant, et jusqu'à nouvel ordre, la culture de cannabis à domicile à des fins personnelles, selon la professeure Beauchesne.
L'avocat qui a mené le dossier, Julien Fortier, souligne toutefois qu'il ne faut pas s'emballer trop vite, puisque les avocats du gouvernement du Québec peuvent en appeler et demander que la loi demeure valide pendant l'appel.
Mais le gouvernement Legault n'a pas encore montré son jeu. Nous prenons acte du jugement rendu ce matin concernant la culture du cannabis à domicile, a fait savoir le cabinet de la ministre de la Justice, Sonia LeBel, dans une déclaration transmise à Radio-Canada. Nous prendrons le temps de l’analyser avant de commenter davantage le dossier.
Pascal Bérubé, chef intérimaire du Parti québécois, estime pour sa part que la décision de la Cour supérieure démontre encore une fois que le Québec ne peut pas décider seul. Il y voit un test pour le gouvernement Legault.
Que prévoit la loi?
Canada
Il est interdit à tout individu d’avoir en sa possession plus de quatre plants de cannabis qui ne sont pas en train de bourgeonner ou de fleurir.
Québec
Il était interdit, jusqu'au jugement de mardi, de posséder un plant de cannabis et de cultiver du cannabis à des fins personnelles.
Le Manitoba est la seule autre province canadienne à interdire la culture du cannabis à domicile.
La loi québécoise sur le cannabis a été pilotée par le gouvernement libéral, avant l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec.
Tout en maintenant le cap de l'interdiction, l'ancienne ministre responsable du dossier à l'époque, Lucie Charlebois, n'avait pas écarté la possibilité de modifier la loi « à moyen terme » pour permettre la culture à domicile.
Pour sa part, le gouvernement caquiste souhaite plutôt renforcer la loi en rehaussant de 18 à 21 ans l'âge légal pour consommer la substance.
Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a toutefois renoncé, dans son projet de loi, à interdire la consommation dans des lieux publics.
Une fois adopté, le projet de loi ferait du Québec la province avec les règles sur la vente du cannabis les plus strictes du pays.