Le 14 décembre 06, le National devra voter sur la proposition de sa commission santé une révision soit-disant partielle de la loi sur les stupéfiants. Ce texte devait reprendre les aspects non contestés de la proposition de révision avortée de 2004, il devait aussi laisser le statut du cannabis en suspend jusqu’à l’éventuel avis d’une sous-commission peu active majoritairement hostile à notre cause et la votation encore lointaine sur notre initiative populaire. Le Conseil Fédéral conseille de ne pas adopter notre texte alors qu’il reprend une réforme approuvée par tous les experts fédéraux, les commissions du parlement et le Conseil Fédéral précédent, étrange conception de la continuité dans l’action de l’Etat et du respect des engagements du gouvernement. Bien plus grave, le nouveau texte de la Lstup est totalement rétrograde et anti-chanvre. Il ne doit pas passer en l’état.
Source : Chanvre-Info
Abstinence et Haschich = Héroïne = Cocaïne
L’article 1 replace l’abstinence comme but principal de la loi alors que cette philosophie est un échec total depuis quarante ans. Contre toute logique botanique et économique, la plante de chanvre sera interdite sauf catalogue OFAG, la Suisse n’a pas les surfaces nécessaires et les coûts de production pour être compétitive sur le marché du chanvre industriel. Contre toute logique scientifique, les préparations cannabiques seront classées parmi les stupéfiants engendrant une forte dépendance comme les opiacés ou la cocaïne. Alors que la dépendance et les risques sont bien plus forts, l’amphétamine et la méthamphétamine ne seront pas dans ce groupe. L’héroïne ne sera pas classée comme produit thérapeutique même si sa distribution contrôlée restera autorisée, mais pour combien de temps ? Nous ne devons pas laisser passer ce retour à l’age de pierre de la politique des drogues.
La nouvelle Lstup présente-t-elle des aspects positifs ?
Elle ancre légalement la politique des 4 piliers mais avec un déséquilibre flagrant en faveur de la répression, dont le champ d’application s’élargi accompagné de peines violemment augmentées (de nombreux cas passent de 3 ans maximum à 20 ans) et qui dispose d’un budget pharaonique, comparée aux parents pauvres de la réduction des risques (RDR) et de la prévention, le secteur du soin n’étant pas le pilier le plus mal loti. Elles offrent des possibilités très restrictives de prescription et d’usage thérapeutique de préparations cannabiques et de recherche sur les stupéfiants. Il est possible de fonder un institut de recherche sur le cannabis. Cette loi renforce les sanctions pour la vente d’alcool aux mineurs, c’est un début de cohérence dans la prévention des stupéfiants légaux ou illicites. Le testing des drogues sur la scène festive sera réglementé plus sévèrement mais reste autorisé. Enfin, elle entrouvre une porte sur la dépénalisation de stupéfiant, la possession d’une dose minime et l’offre gratuite pour les majeurs. C’est peut-être une infime possibilité pour former des Cannabis Social Clubs.
Comment réagir ?
En trois ans, les chanvriers sont passés du statut d’acteur économique et préventif majeur à celui de grand criminel. Les usagers de cannabis, presque devenus des citoyens et des consommateurs ordinaires, sont à nouveau considérés comme des malades ou des délinquants marginaux et livrés aux mafias, à la répression et la médecine. Des activités parfaitement licites et rentables comme la production d’huile essentielle de haute qualité, de graines très recherchés ou de plantes ornementales sont menacées. Sans parler du chanvre thérapeutique offert en pâture à l’industrie pharmaceutique alors que les malades peuvent le cultiver dans leur jardin ou des 600 millions de francs annuels du chanvre récréatif. Le gouvernement nous avait promis la lune et le parlement veut maintenant nous plonger en enfer. Avec en prime deux jolis susucres pour nous priver d’une part importante de nos soutiens, l’ouverture restreinte d’une utilisation thérapeutique et la possible dépénalisation de la possession. Nous devons démonter les dangers et les méfaits de cette loi, d’abord auprès des Conseillers Nationaux et des Etats officiellement favorables à nos thèses comme les Verts et les socialistes puis dans les media et vers le grand public en vue de la votation de l’initiative ou pour préparer un référendum.
Dénoncer les failles même dans les avantages
D’une part l’option pharmaceutique va ruiner les malades ou les caisses maladie car le THC de synthèse est très cher, jusqu’à 1500 CHF le gramme. D’autre part, les produits consommés ne tombent pas du ciel, A défaut d’autoproduction ou de production réglementée, la qualité va baisser, le choix diminuer, le prix augmenter, le coupage se généraliser, la violence du marché s’accentuer... La dépénalisation de la consommation et de la possession minime pour les majeurs (un joint, une ligne, un pils, un shoot ou plus ?) n’est qu’une mesure de transition, utile pour le dialogue avec les usagers mais insuffisant pour réguler le phénomène. Dans un système illégal, la frontière est très perméable entre consommateur, usager-partageur et dealer surtout quand le produit se raréfie et le prix explose. Nombreux sont ceux qui dépannent les copains dans la dèche, qui financent leur consommation, arrondissent leur fin de mois et parfois dérape un peu dans le business avant de se calmer. Malheur au malchanceux ! Pour quelques rares criminels par métier et d’encore plus rares gros caïds, combien d’occasionnels vont se faire briser ? Comment va-ton soigner les abuseurs d’une substance devenue officiellement aussi toxique et accrocheuse que la coke ou l’héro ? Comment va-t-on gérer le conflit générationnel et familial que va engendrer cette approche irrationnelle ?
Soyons réaliste, exigeons la non-entrée en matière
Non, cette révision de la Lstup n’est pas consensuelle. Le GREAT, association nationale des intervenants en toxicomanie, l’accepte pour sauver la substitution et le testing et négocier l’augmentation des budgets pour la RDR et la prévention. Ce sont des raisons très valables mais qui ne correspondent pas à la réalité de l’immense majorité des consommateurs de cannabis, première drogue illicite consommée en Suisse et à présent assimilée à l’héroïne ou au crack. Certes, cette approche va leur fournir des clients pour leurs files actives mais que vont-ils prescrire à ceux qui veulent réduire les risques et les dommages et réguler leur usage sans l’arrêter ? Vont-ils exiger des cannabinophiles l’abstinence qu’on ne demande plus aux opiomanes ? Va-t-on prescrire de la méthadone ou des benzodiazépines ? Des sevrages forcés ? Les experts suisses et internationaux les plus crédibles plaident pour une politique générale de santé publique sur la dépendance et le bon usage des psychotropes et des psychostimulants. Avant les travaux de cette commission, de nombreux parlementaires avaient déposé une motion soutenant cette approche. Le résultat n’est pas du tout satisfaisant, nous devons les pousser à voter pour une non-entrée en matière sur ce texte et nous préparer à de rudes combats futurs au milieu de la tempête. La vie des cannabinophiles est vraiment trop injuste. C’est une motivation supplémentaire pour ne pas abandonner la lutte.
Laurent Appel
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