Le Tribunal fédéral veut forcer les médecins à alimenter le chanvrier contre sa volonté. Pas question, réplique Pierre Dayer, directeur médical des hôpitaux genevois.
Le bras de fer entre la justice et les médecins se poursuit dans l’affaire Rappaz. Le Tribunal fédéral (TF) réaffirmait hier la possibilité de contraindre les médecins à procéder à une alimentation forcée et cela en dépit des directives de l’Académie suisse des sciences médicales. «L’autorité d’exécution des peines doit ordonner une alimentation forcée, ni dispenser les médecins requis d’y procéder, si les conditions juridiques d’une telle mesure sont remplies», précisait le TF.
Droit contre éthique
En clair, en cas de divergence entre le droit et l’éthique, c’est le droit qui l’emporte. Mais aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG), où est actuellement détenu le chanvrier condamné à 5 ans et 8 mois de réclusion, la décision du TF ne fait pas peur. «En l’état actuel des choses, il n’y a aucune raison de changer de position», affirmait en fin d’après-midi Pierre Dayer, directeur médical des HUG.
Vu des hôpitaux genevois, l’accord concordataire intercantonal qui lie l’établissement aux administrations pénitentiaires ne concerne que les conditions de sécurité du quartier cellulaire de l’hôpital. Par contre, il n’est pas question d’inclure les médecins dans une quelconque décision judiciaire. «Il n’y a pas de catégories de patients, ceux qui sont incarcérés et les autres», souligne Pierre Dayer qui s’aligne sur la position de la Fédération suisse de médecins suisses (FMH): «Il n’y a aucune raison de contredire un principe-clé de l’éthique médicale, à savoir le respect de la volonté d’un patient capable de discernement.»
Une position partagée par Jacques de Haller, président de la Fédération des médecins suisses (FMH), qui critique la décision des juges de Lausanne. «L’alimentation forcée est de la torture», a-t-il déclaré. Il n’est pas possible que la Suisse viole les droits de l’homme.
Les médecins vont essayer de combattre la décision du TF. La voie à emprunter reste ouverte. Ils peuvent entreprendre des démarches juridiques contre un ordre d’alimentation forcée. Selon Brigitte Tag, professeure de droit à l’Université de Zurich, si l’autorité ordonne une alimentation forcée, les médecins pourront refuser. Ils peuvent s’appuyer sur des droits fondamentaux comme la liberté de conscience, estime l’experte.
Et le détenu dispose aussi de moyens de droit pour s’opposer à une alimentation forcée et aller jusqu’à porter le cas devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
Victor Fingal - le 25 octobre 2010, 21h46
Source : lematin.ch
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