Avec tous ces signes qui nous entourent, nous finissons par zapper: panneaux de la circulation, affiches, bus-sandwiches, notices sur l'emploi de l'automate à billets, de la photocopieuse, de la machine à café, du rail à caddies... Jusqu'au jour où un signe particulier, allez savoir pourquoi, nous saute à la figure et nous plonge dans un abîme métaphysique.
Source : Le Temps
Cela m'est arrivé l'autre jour avec un avertissement placé sous le signal d'alarme d'un train dans lequel j'entrais en gare de Genève. Il m'intimait en quatre langues de ne pas actionner la manette rouge en cas d'incendie dans un tunnel. Ça m'a paru fort bien inspiré: la dernière chose que je désirerais faire, au milieu d'un tunnel en feu, est de cesser de foncer vers la sortie. Logique, non?
Alors pourquoi dépenser de l'argent pour faire passer le message?
La réponse était, ai-je décidé, dans le mot «alarme». Réflexe conditionné ou désir désespéré de communiquer, en cas d'alarme maximale on tend à tirer sur l'objet, accélérateur ou frein, désigné par ce mot. Logique, non?
C'est là que, allez savoir pourquoi, une autre question de logique(s) m'est venue à l'esprit. Vous avez dû l'entendre, elle court beaucoup ces jours. Pourquoi un nombre non négligeable de partisans de l'interdiction de fumer dans les lieux publics sont-ils également favorables à une dépénalisation du cannabis? Qui est pour limiter les nuisances du tabac devrait avoir à cœur de maintenir aussi haut que possible la barrière légale entourant le cannabis. Logique, non?
Vous avez peut-être aussi entendu cette question-ci: pourquoi les gens qui sont contre la dépénalisation du cannabis s'opposent-ils souvent à l'interdiction de fumer dans les lieux publics? Qui est prêt à mettre à un adulte à l'amende parce qu'il a fumé un joint dans sa cuisine ne devrait pas reculer devant la mesure moins radicale consistant à interdire la fumée dans des locaux fermés partagés par plusieurs individus dont certains - les serveurs - ne sont peut être pas entièrement libres de déguerpir dès que quelqu'un s'en allume une. Logique, non?
Quel rapport avec le signal d'alarme, me demanderez-vous? Figurez-vous que je me suis aussi posé la question. Et puis j'ai osé une comparaison.
Les partisans de la dépénalisation du cannabis - qui sont souvent favorables à l'interdiction de fumer dans les établissements publics - voient les choses de manière fonctionnelle: la manette est un frein, le tabac et le cannabis des drogues à réglementer. Ils veulent interdire d'en vendre aux mineurs et d'en imposer les nuisances à des tiers. Et pour le reste, laisser chacun devant ses responsabilités. C'est une logique.
Les adversaires de la dépénalisation du cannabis - qui sont souvent aussi contraires à l'interdiction de fumer dans les établissements publics - ont une lecture plus symbolique: la manette est rouge et le tabac légal. Quant au cannabis, il s'agit d'une drogue au sujet de laquelle il importe de lancer un signal - d'alarme - clair à la société. C'est une autre logique.
Quant à la question de savoir qui risque de se retrouver bloqué dans le tunnel lorsque l'incendie éclatera, je vous laisse tirer vos propres conclusions.
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