A peine a-t-on ouvert la porte du dispensaire de cannabis médical de Brett Vapnik à Los Angeles que l'odeur entêtante de la petite feuille étoilée vous accueille.
Le marché du cannabis en pleine croissance aux Etats-Unis
© AFP / Mark RALSTON AFP
A l'intérieur, on passe devant les plantations maisons de Vapnik, copropriétaire, avant d'entrer dans la boutique à la propreté clinique où sont exposés des jarres de fleurs de cannabis, des pipes et accessoires, du chocolat ou des biscuits au cannabis pour ceux qui ne fument pas, et des cosmétiques.
Pour acheter, il faut montrer une pièce d'identité et un permis délivré par un docteur spécialement habilité à certifier que le "patient" a des raisons médicales (douleurs, anxiété, insomnies, etc) de consommer.
Le cannabis aux Etats-Unis © Laurence CHU AFP
Le va-et-vient n'arrête pas dans le dispensaire, fréquenté chaque jour par près de deux cents personnes de tous âges, et dont le chiffre d'affaires annuel avoisine 4 millions de dollars.
Brett Vapnik compte sur un triplement de ses ventes à partir de l'an prochain grâce à la légalisation de la marijuana à usage récréatif, votée en novembre et qui va encore dynamiser ce marché en pleine expansion.
Seule ombre au tableau: les incertitudes générées par l'élection du président républicain Donald Trump.
Près de 60 % de la population américaine vit à présent dans un Etat où la vente et la consommation de marijuana a été au moins partiellement légalisée: 29 Etats plus la capitale fédérale Washington DC. Le gouvernement fédéral, toutefois, ne considère toujours pas l'herbe euphorisante comme une substance licite.
"Selon eux, je suis un trafiquant de drogue", s'offusque M. Vapnik, interrogé par l'AFP.
Brett Vapnik compte sur un triplement de ses ventes à partir de l'an prochain © Mark RALSTON AFP
Le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer a notamment affirmé ces derniers jours qu'il "y a des lois fédérales qui doivent s'appliquer quand on parle de la marijuana récréative".
A-t-il laissé entendre que le gouvernement fédéral allait lutter contre la légalisation au niveau local ?
"Difficile à dire", répond Brett Vapnik, 44 ans, qui juge toutefois peu probable que l'agence de lutte contre les stupéfiants (DEA) se lance dans des opérations contre les centres de prescription et vente comme le sien car le Congrès a interdit des actions des forces de l'ordre dans les Etats où la marijuana a été légalisée.
Asphyxie
Il craint plutôt que l'administration Trump ne tente de les asphyxier en augmentant encore les impôts sur les bénéfices, qui atteignent déjà jusqu'à 70 % sur les activités liées aux "ventes illégales de drogues". Une contorsion fiscale, et légale, du gouvernement qui fait lever les yeux au ciel les entrepreneurs du secteur.
Plantation de cannabis au dispensaire de Brett Vapnik, à Los Angeles, le 24 mars 2017 © Mark RALSTON AFP
"Ils sont bien contents de nous taxer à un taux plus élevé que toute autre activité, donc techniquement le gouvernement fédéral est notre partenaire dans le commerce de la drogue", argumente M. Vapnik.
M. Trump s'était déclaré pendant sa campagne favorable à la marijuana à usage thérapeutique et respectueux des lois locales mais des membres de son cabinet, dont le très conservateur ministre de la Justice Jeff Sessions, sont en guerre ouverte contre la petite feuille étoilée.
Troy Dayton, cofondateur et directeur du cabinet d'études spécialisé dans le marché du cannabis Arcview, se veut cependant optimiste: il anticipe d'ici 2021 un triplement du marché, qu'il évalue pour l'instant à 6,9 milliards de dollars.
"A court terme, le pronostic est incertain mais, à long terme, ça n'a jamais été meilleur", résume-t-il, ajoutant qu'il est "raisonnable de penser que d'ici 2021 le Congrès aura levé l'interdiction fédérale" au vu des emplois et des impôts qui peuvent être générés.
Il remarque que dans les Etats pionniers de la légalisation comme le Colorado, l'Oregon, et l'Etat de Washington, l'impact a été "très positif".
Produits cosmétiques élaborés avec du cannabis au dispensaire de Brett Vapnik, le 24 mars 2017 © Mark RALSTON AFP
Il insiste que 60 % des Américains soutiennent la légalisation et qu'il "va devenir de plus en plus difficile pour tout politicien, démocrate ou républicain, de soutenir la prohibition d'une substance plus sure que l'alcool", insiste M. Dayton.
Avant l'entrée en vigueur de la légalisation l'an prochain, certains font déjà la fête en Californie, comme dans ce club de consommateurs de cannabis VIP. Ses membres paient jusqu'à 1.000 dollars par mois pour avoir accès à des soirées où fumer des "joints" top-qualité et recevoir des boîtes de produits luxueux à base de cannabis, notamment des boules effervescentes pour le bain ou des lotions.
"Maintenant que nous pouvons sortir du placard vert (...) nous voulons éduquer les gens et leur montrer comment passer du bon temps" avec la petite plante controversée, explique la créatrice du club, "Mama" Sailene Ossman.
Los Angeles (AFP) - © 2017 AFP
Source: lepoint.fr
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