Le cannabis en République tchèque

Le cannabis en République tchèque
Par kyu ,

La République tchèque, ou Tchéquie en forme courte, est une nation enclavée d’Europe centrale qui abrite une population de 10,5 millions d’habitants. La République tchèque a une longue histoire en ce qui concerne l’utilisation du cannabis, et peut s’enorgueillir de nos jours de posséder des lois en matière de cannabis qui figurent parmi les plus progressistes au monde – bien que rudement mises à l’épreuve à plus d’une occasion.

 

Histoire du cannabis en République tchèque

La République tchèque (connue historiquement comme la Bohème) peut se vanter d’abriter de nombreuses preuves « archéobotaniques » d’une utilisation très ancienne du cannabis,

 

principalement sous forme de grains de pollen. Des recherches menées dans les plaines de l’est de la Bohème en 2008 ont permis d’établir que le Cannabis/Humulus figurait déjà dans le registre des pollens il y a 2 250 ans. Selon les données relevées, au cours de la période située entre 2 250 ans et 1 000 ans avant nos jours la présence du pollen de Cannabis/Humulus était relativement faible, et même apparemment inexistante pendant plusieurs périodes, probablement en raison de fluctuations environnementales.

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Dans la ville médiévale de Žatec,

des fouilles archéologiques ont fourni

des preuves d’usage de cannabis.

 

Il y a un peu plus de 1000 ans, les niveaux de pollen ont augmenté de manière significative, ce qui est resté le cas jusqu’à il y a environ 200 ans. À ce stade de l’histoire, on constate un déclin brutal jusqu’à une disparition totale – on considère que ce phénomène marque l’abandon de la culture intensive de chanvre pour se tourner vers le seigle (Secale) dans cette région en particulier.

L’Humulus (houblon) est le parent le plus proche du cannabis, et il est souvent difficile de distinguer leurs grains de pollen. Cependant, divers autres facteurs au-delà du pollen lui-même indiquent que le cannabis était la principale culture du registre, et que sa culture a réellement commencé sur ce site vers le 9e ou 10e siècle de notre ère.

La forteresse datant du Moyen Âge précoce située à Libice nad Cidlinou en Bohème centrale est un site archéologique important, et censée être la plus ancienne zone de peuplement de la République tchèque. Des microrestes de diverses plantes, dont le cannabis, le pavot à opium et le lin, ont été découverts dans les ruines, datant du 9e siècle de notre ère. Un autre site du Moyen Âge précoce à Žatec, au nord-ouest du pays, a fourni d’autres macrorestes de cannabis et de pollen ; dans ce cas, il s’avère que le cannabis était de toute évidence plus abondant aux 9e et 10e siècles et semble avoir commencé à décliner vers les 11e et 12e siècles, alors que la production de céréales commençait à s’intensifier.

 

Utilisation du cannabis en médecine tchèque

À l’origine, il est probable que l’utilisation du cannabis était limitée aux textiles, à l’alimentation et à l’extraction d’huile, car le biotype local est constitué de variétés de chanvre à faible teneur en cannabinoïdes. À la fin de la période médiévale, l’utilisation du cannabis en médecine est devenue plus largement répandue ; des variétés à forte concentration en cannabinoïdes ont été introduites en provenance d’Asie via l’Europe orientale, mais la pharmacopée de l’époque faisait très certainement usage du chanvre local également.

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La déesse slave Mokoš, symbole de la

féminité sacrée et protectrice de la récolte

du chanvre dans le panthéon slave.

 

Vers 1596, un traité de botanique célèbre rédigé par le médecin italien Mattioli fut réimprimé en langue tchèque dans les ateliers d’imprimerie de Prague ; ce traité, célèbre pour la qualité de ses gravures illustrées sur bois, représentait de façon claire le plant de cannabis et décrivait ses diverses utilisations. Le cannabis était largement utilisé en Bohème et dans la région pour traiter la fièvre, les furoncles, la sinusite et l’otite, parmi de nombreuses autres affections courantes.

Dans les années 1950, les résultats de trente années d’observation dans un sanatorium soignant la tuberculose situé à Jince, en Bohème centrale (qui faisait alors partie de la Tchécoslovaquie) furent publiés. Les graines de chanvre étaient abondamment utilisées pour traiter la tuberculose, traitement qui permettait souvent aux personnes souffrantes de guérir complètement lorsqu’on l’administrait comme unique aliment ou médicament ; on pensait à l’époque que cela était imputable au ratio favorable d’acides aminés présents dans la protéine du chanvre. Des recherches complémentaires menées à l’Université d’Olomouc, en Moravie (à l’instar de la Bohème et de la Silésie tchèque, la Moravie est l’un des territoires traditionnels tchèques. Toutefois, on admet généralement que le terme « Bohème » englobe les trois territoires, en particulier dans un contexte historique) a permis de fournir certaines des premières preuves modernes des propriétés bactéricides du chanvre.

 

Folklore tchèque autour du cannabis

Pour l’étude sur la tuberculose, les chercheurs ont utilisé du cannabis cultivé dans ce qui est aujourd’hui la Slovaquie. La Slovaquie est encore aujourd’hui une plaque tournante de la culture du chanvre, et nous a fourni certaines des informations dont nous disposons sur les traditions folkloriques impliquant l’utilisation de chanvre dans la région. La proximité et l’intimité sociopolitique qui perdure entre ces deux nations de nos jours impliquent que les traditions pratiquées en Slovaquie étaient certainement connues, sinon observées, en Bohème également.

Les Slaves qui peuplent la République tchèque et la Slovaquie actuelles (et bon nombre de pays voisins) ont en commun une culture dynamique des traditions folkloriques qui, dans de nombreux cas, perdurent encore de nos jours. Dans le panthéon slave, la déesse Mokoš est considérée comme la « féminité sacrée » et la protectrice des femmes ; elle est associée à l’eau, et aux occupations traditionnellement féminines telles que le filage et le tissage, et au destin (le destin est associé au tissage dans de nombreuses cultures, y compris la culture grecque et la culture scandinave). Comme offrande à Mokoš, la tradition veut que les femmes lancent des graines de chanvre dans l’eau dans l’espoir de s’attirer ses faveurs et sa protection.

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Dans la Slovaquie voisine, des villageois profitent d’une journée de repos et de descentes en toboggan lors de la fête d’Hromnice, pour que la prochaine récolte de chanvre pousse abondamment (© Skitelnice)

 

À Budča, Slovaquie, la célébration du jour de Hromnice (la Chandeleur, célébrée dans l’ensemble du monde slave) le 2 février est marquée par une journée de repos et de descentes en luge en communauté ; cette coutume était censée permettre au chanvre de pousser davantage.

En Bohème, certains travaux comme le tissage, le battage, la couture, le tricot ou le meulage de céréales, étaient censés porter malchance si on les exécutait pendant les jours de fête religieuse importante : Noël, la Sainte-Lucie, le jour des Rois (épiphanie) et la fête des Saints innocents. On pensait que si l’on ne respectait pas ce précepte cela attirerait la colère des esprits des ancêtres morts et qu’une mauvaise récolte de chanvre, de lin ou de maïs s’ensuivrait.

Même les Tchèques du Nebraska, une communauté fondée en 1863 pour représenter les populations tchèques et slovaques qui avaient commencé à immigrer en grand nombre pendant les années 1860, utilisent encore le chanvre et le lin (entre autres textiles) pour fabriquer les kroje (costumes) colorés portés lors de fêtes traditionnelles.

 

Culture de l’utilisation du cannabis en République tchèque

En ancien tchèque, le mot utilisé pour désigner le cannabis était kanopia ; la plupart des pays environnants et ceux situés au sud et à l’est utilisent des mots similaires, tous dérivés du mot racine scythe (censé être kanap ou kanab) qui nous donne les termes plus modernes pour désigner le cannabis, y compris en grec (kannabis) et en anglais moderne « cannabis » qui est tiré directement du latin. Les Tchèques, les Slovaques, les Silésiens et bien d’autres peuples d’Europe centrale et des Balkans ont en commun des caractéristiques culturelles et linguistiques, et sont collectivement reconnus comme des peuples Slaves.

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Costumes traditionnels tchèques aux

ornements complexes, qui sont encore

aujourd’hui confectionnés à partir de

fibres de chanvre.

Historiquement, les populations slaves peuplaient l’Europe centrale, l’Europe de l’Est et l’Europe du Sud-Est depuis au moins le 6e siècle (certains pensent qu’ils descendent de populations néolithiques locales) ; leur territoire ancestral est contesté, mais leur expansion s’est propagée vers le nord jusqu’à la Scandinavie (où leur culture s’est mélangée aux cultures vikings) et au nord de la Russie, vers le sud aussi loin que la péninsule arabique et la Syrie et vers l’orient jusqu’en Mongolie et même certaines régions de la Chine. Leur sphère culturelle est tellement vaste qu’ils ont pu échanger des idées et des pratiques culturelles avec un large éventail de peuples disparates au fil des siècles, y compris de nombreuses cultures possédant des traditions anciennes et vénérables autour de l’utilisation du cannabis, comme celles du Caucase et de l’Asie centrale.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les coutumes slaves ayant trait au chanvre aient tant de ressemblances avec celles que l’on rencontre en Asie centrale ou du nord, allant jusqu’aux motifs géométriques aux couleurs vives tissés sur les vêtements de chanvre traditionnels qui sont encore produits aujourd’hui par certaines communautés. Le chanvre fait partie intégrante de la culture du tissage qui reste l’une des grandes fiertés pour de nombreux Slaves en République tchèque, en Slovaquie et ailleurs. Filer et tisser des vêtements de chanvre et de lin au foyer, ainsi que les durs travaux manuels associés à la production de la fibre, étaient des activités omniprésentes dans l’ensemble du monde slave jusqu’à tout récemment. La transformation manuelle du chanvre a pratiquement disparu, laissant la place aux procédés de fabrication mécaniques, mais a perduré dans certaines régions jusqu’à la moitié du 20e siècle.

Il est fort peu probable que les pratiques liées au cannabis n’aient jamais disparu entièrement – la culture moderne de l’utilisation du cannabis ne vient pas de nulle part, et l’acceptation sociale largement répandue chez les Tchèques ainsi que leur grande familiarité avec le cannabis ont fait que la prévalence de la consommation tchèque excède celle de la plupart des autres pays européens, et c’est le cas depuis des décennies. De toute évidence, la culture d’un plant ou deux sur le balcon est une pratique courante chez les femmes âgées qui utilisent encore le cannabis comme un remède maison, par exemple en onguent ou en infusion.

 

Lois, arrestations et peines pour des faits liés au cannabis en République tchèque

Jusqu’à 1962, la Tchécoslovaquie n’était dotée d’aucune loi officielle en matière de drogue. Le pays était l’un des membres fondateurs de la Société des Nations et signataire de la Convention internationale de 1925 révisée sur l’opium, qui entérinait explicitement l’illégalité du commerce international de cannabis et de haschich, mais les termes du traité ne rendaient pas nécessaire à l’époque d’adopter une législation nationale en Tchécoslovaquie, car le commerce international était alors inexistant, ou tout au moins n’atteignait pas un niveau significatif.

La loi de 1962 a entériné l’illégalité du cannabis, mais ce n’est qu’en 1993 que la nouvelle République tchèque indépendante s’est dotée d’un nouvel arsenal législatif visant à conformer le pays aux termes de la Convention unique des Nations unies de 1961 sur les stupéfiants. La loi de 1993 a également clarifié que l’utilisation de cannabis devait être considérée comme un simple acte délictueux, mais que la vente, le trafic et la culture étaient tous des infractions pénales. Toutefois, le texte ne définit aucune limite permettant de savoir à quoi correspond la « possession personnelle », et une clause ambiguë faisant référence à « des quantités supérieures à de petites quantités » a semé une grande confusion.

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On trouve souvent des boutiques de ce

type à Prague – bien qu’elles ne vendent

pas de cannabis, elles vendent tous les

accessoires nécessaires pour le consommer

(© Silanov)

 

En 2009, la loi a été modifiée à nouveau – désormais, les limites de la possession personnelle sont fixées à 15 g de cannabis ou 5 g de haschich. Il a également été précisé que les personnes cultivant jusqu’à cinq plants contenant 0,3 % de THC ou plus seraient au maximum reconnues coupables d’un acte délictueux ; la culture de plus de cinq plants reste un délit pénal – à moins, bien sûr, que les plants en questions ne contiennent moins de 0,3 % de THC. Cependant, bien qu’aucune autre modification officielle n’ait été apportée à la loi, il a été signalé à plusieurs reprises que les limites fixées par la loi sont systématiquement ignorées, et que des personnes peuvent tout à fait être arrêtées et accusées pour la possession de quantités aussi infimes qu’un simple gramme de cannabis ou de haschich.

En 2013, la modification la plus récente est entrée en vigueur. Cette modification a légalisé le cannabis médicinal, mais a été très largement critiquée, car elle ne propose aucun cadre réglementaire raisonnable pour la culture, susceptible de favoriser l’émergence d’une industrie. Le texte prévoit que, pour la première année, le cannabis médicinal devra être importé (ce qui est illégal en vertu de la Convention unique, et impossible en pratique). Le texte ne met pas non plus en place un système efficace d’attribution de licence pour les aspirants producteurs privés. Dix-huit mois plus tard, les Tchèques sont toujours dans l’impossibilité d’avoir accès à du cannabis médicinal.

 

Culture du cannabis en République tchèque

Comme le montrent les relevés de pollen réalisés, le cannabis a été cultivé sans interruption pendant des siècles en République tchèque, avec des variations d’intensité dues à des périodes de changement socio-économique ou politique. En réaction aux campagnes anticannabis des années 1920 et 1930, la culture de la production de cannabis a marqué un recul notable et, malgré l’adoption d’une loi protégeant les producteurs agricoles de chanvre en 1999, cette industrie n’a pas repris. Immédiatement après la modification de la loi, la Tchéquie a connu une brève période de reprise de l’activité, mais elle est rapidement retombée aux niveaux connus pendant la prohibition dès lors qu’il est apparu de manière incontestable que l’équipement de transformation et de récolte ne pouvait répondre aux exigences de cette production.

La surface de terres actuellement consacrées au chanvre industriel en République tchèque n’est pas connue précisément ; à l’apogée de la période post-prohibition vers 2006 on considérait que la surface cultivée représentait 1 700 hectares au plus, mais ce chiffre était tombé à 200 hectares en 2010, et depuis lors l’industrie n’a manifesté que peu de signes de reprise significative.

D’autre part, la culture de cannabis à des fins narcotiques et récréatives progresse régulièrement. Les boutiques de culture abondent, et il semble que la culture personnelle à petite échelle soit très à la mode. Malgré cela, les lois régissant la culture restent assez restrictives, et les cultivateurs s’exposent à un risque d’arrestation.

 

Trafic de cannabis en République tchèque

Il y a très peu de trafic de cannabis en République tchèque, en raison du niveau significatif de la production locale. Toutefois, les bandes organisées de contrebande internationale ont su tirer parti des politiques relativement indulgentes du pays, et au cours des quinze dernières années environ la République tchèque s’est imposée comme une plaque tournante pour le trafic de cannabis. Pour l’essentiel, ce sont des gangs vietnamiens qui sont impliqués dans la culture à grande échelle et le trafic de cannabis, bien que des bandes russes, tchèques et slovaques prennent également part à ce commerce. La majeure partie du cannabis destiné à l’exportation est vendue en Allemagne, où la demande locale est très importante.

 

En 2012, les autorités tchèques ont recensé 563 kg de cannabis saisi, et un total de 218 sites de cultures ont été identifiés. Le nombre global de plants saisis a également progressé ces dernières années, avec 90 091 plants saisis en 2012, 62 817 en 2011 et 64 904 en 2010. Il semble que le trafic de cannabis à grande échelle ne soit pas seulement en augmentation, mais devienne également plus spécialisé et plus rentable.

 

Achat et consommation de cannabis en République tchèque

Il est facile de trouver une bonne source de cannabis dans la plupart des zones urbaines. À Prague, divers bars et autres clubs sont réputés pour leur discrétion, et pour la vente de cannabis sous le manteau. Généralement, se procurer du cannabis ne présente aucun risque important d’arrestation ou de harcèlement policier, et si la consommation reste discrète (de préférence à l’intérieur du foyer) elle ne pose aucun problème.

 

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En 2009, la possession personnelle était

limitée à 15 g de cannabis et 5 g de

haschisch par personne (© Legalisera Cannabis)

Il est conseillé d’éviter les dealers dans la rue, qui font l’objet d’une surveillance accrue de la part de la police, et qui vendent généralement des produits de qualité inférieure. Dans certains quartiers de Prague, les dealers sont aussi banalisés qu’ils le sont à Amsterdam. Au contraire, il est préférable de trouver sa propre source d’approvisionnement, par exemple en se renseignant dans un bar ou dans un club – certains ont leur dealer « maison » –, ou auprès de résidents locaux sympathiques qui sont généralement enclins à offrir leur aide. Habituellement, les prix varient entre 25 et 55 € pour une dose de 3,5 g (1/8eme once) ; la qualité est habituellement bonne, mais peut s’avérer mauvaise auprès des dealers.

 

Par Seshata

Source: sensiseeds.com


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