Malgré une année marquée par les pénuries de marijuana et les débuts de la crise de la COVID-19, la Société québécoise du cannabis (SQDC) a réalisé un bénéfice de 26,3 millions pour sa première année complète d’exploitation. La société d’État s’attend à atteindre le demi-milliard de ventes l’année prochaine.
TRISTAN PÉLOQUIN
LA PRESSE
Premier profit
Lancée avec la légalisation en octobre 2018 avec seulement 12 succursales, la nouvelle société d’État avait conclu ses six premiers mois d’existence avec un déficit de 4,9 millions l’année dernière. Son nouveau bilan annuel, déposé mardi au ministre des Finances, rapporte des ventes de 311,6 millions pour l’exercice qui s’est terminé le 28 mars 2020. Redistribué en partie pour la prévention et la recherche sur le cannabis, le profit de 26,3 millions est 30 % supérieur aux prévisions annoncées l’année dernière par son PDG, Jean-François Bergeron.
Michael Armstrong, professeur de gestion à l’Université Brock de St. Catharines, qui suit de près l’évolution du marché pancanadien depuis la légalisation, se dit « impressionné » que la société d’État québécois réussisse à dégager un tel profit, alors que son prix moyen de 7,64 $ le gramme « est le plus bas au Canada ». « C’est en partie dû à l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement, mais aussi dû au fait qu’elle n’a pas beaucoup de magasins par habitant, ce qui limite l’accès aux consommateurs », dit-il.
Baisses de prix
Le rapport annuel montre que la SQDC vend ses produits 29 % plus cher que ce qu’elle les paie. « C’est plus bas que les autres agences provinciales [de vente de cannabis] du pays, mais encore bien plus bas que la marge de profit de 102 % que se prend la Société des alcools du Québec (SAQ) », dit M. Armstrong. À titre de comparaison, la SAQ a vendu pour environ 3,3 milliards de produits alcoolisés en 2019, avec un bénéfice net de 1,1 milliard.
Contrairement à la SAQ, la filiale vouée à la vente de cannabis s’est donné pour mission de réduire ses prix afin d’étouffer le marché noir. Elle vend depuis un an des produits en format de 28 grammes, qui reviennent à 4,50 $ le gramme, et qui représentent 15 % des ventes totales. Par comparaison, le prix moyen des magasins privés de cannabis en Ontario est de 10,64 $ le gramme. « Il y a une pression à la baisse sur les prix, atteignant entre 15 % et 20 % pour l’ensemble des produits cette année, explique en entrevue le PDG de la SQDC, Jean-François Bergeron. Les producteurs n’ont pas beaucoup de leviers pour se différencier sur les tablettes. Ils n’ont pas le droit de faire de promotion ou de publicité de quelque façon que ce soit. Alors c’est vraiment le prix et la qualité de leurs produits qui leur permettent de se différencier. »
Impact de la COVID-19
Restées ouvertes tout au long de la crise du coronavirus, les succursales de la SQDC ont constaté une hausse d’environ 10 % de leurs ventes en mars et en avril par rapport à l’année précédente, mais cette hausse n’apparaît que partiellement dans le bilan annuel, qui a pris fin le 28 mars. Jean-François Bergeron estime que la moitié de la hausse est liée à la COVID-19, le reste étant surtout attribuable à la croissance normale des ventes à mesure que le réseau se déploie, et à la fin de la pénurie de matière première qui a marqué les premiers mois du marché légal.
« On ne croit pas qu’il y a eu une consommation tellement plus importante avec le confinement, soutient M. Bergeron. Ce qu’on voit, ce sont de nouveaux visages. Les conseillers ont de la rétroaction des clients et on sait que ce sont beaucoup des gens qui s’approvisionnaient au marché noir et qui, pour toutes sortes de raisons, ont décidé d’essayer la SQDC plutôt que d’acheter à leurs revendeurs habituels pendant la crise. » La SQDC estime qu’elle a réussi à accaparer 30 % des ventes du marché noir, et dépasse présentement 40 %.
Déploiement ralenti
Avec 41 succursales ouvertes, la SQDC espère avoir un total de 70 points de vente en cours d’année. Jean-François Bergeron croit toutefois que le plan de déploiement, inévitablement, sera ralenti par les circonstances. « On repart les chantiers, mais il y a des villes où, même si on a signé des baux, le zonage n’est pas adapté. La machine administrative n’a pas nécessairement repris son erre d’aller », dit-il. Le PDG souligne que les nouveaux magasins sont parfois lents à démarrer, puisqu’aucune campagne de promotion n’est permise. « C’est seulement le bouche-à-oreille qui nous fait connaître, mais une fois que les gens viennent à la SQDC, ils voient les produits, et nous pensons qu’ils ne retournent pas sur le marché noir », affirme M. Bergeron.
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