L'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) accueille « avec préoccupation » le projet de légalisation du cannabis au Canada. Il prévient qu'une fois la marijuana légalisée, le gouvernement fédéral sera en violation des conventions internationales sur les drogues.
Malgré de nombreux avertissements, Ottawa n'a toujours pas confirmé comment il se conformerait aux traités qu'il a signés.
« L'OICS l'a déjà dit à plusieurs reprises, les dispositions du projet de loi C-45, en autorisant l'usage du cannabis à des fins non médicales, seraient incompatibles avec les obligations auxquelles le Canada est tenu », peut-on lire dans le dernier rapport annuel de cet organe des Nations unies, publié le 1er mars.
Le Canada est signataire de trois conventions de l'ONU qui interdisent la production, la possession et la consommation de stupéfiants sur leur territoire (y compris le cannabis), sauf pour des raisons médicales ou scientifiques.
« En ce moment, on a une absence totale de stratégie », s'inquiète Bruno Gélinas-Faucher, doctorant en droit international à l'Université de Cambrige et chargé de cours à l'Université de Montréal. Alors que le Canada tente d'effectuer un retour sur la scène internationale, cela risque de nuire à son image et à sa crédibilité, selon M. Gélinas-Faucher.
Si le Canada se met en violation de ses obligations internationales, ça pourrait compromettre ses chances d'obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.
Pour le député néo-démocrate Matthew Dubé, le gouvernement Trudeau fait preuve d'improvisation. « On aurait dû faire nos devoirs à l'avance. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est un engagement que M. Trudeau a pris avant même la campagne de 2015. »
Quelles sont les options?
Plusieurs scénarios s'offrent au Canada. Il pourrait se retirer de ces conventions et revenir plus tard avec des restrictions. Cependant, il est déjà trop tard pour se retirer des traités avant la légalisation, puisqu'ils nécessitent des préavis de retrait de 6 à 12 mois.
Ottawa aurait aussi le choix d'interpeller l'Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d'obtenir une reclassification du cannabis dans les traités internationaux. Une autre option serait de continuer d'adhérer aux conventions tout en choisissant de les enfreindre.
Matthew Dubé pense que le Canada pourrait justement « jouer un rôle de leadership » pour moderniser les accords.
Le gouvernement Trudeau tarde toujours à clarifier son approche. Un porte-parole de la ministre des Affaires étrangères, Adam Austen, affirme que des experts ont été consultés pour « déterminer la meilleure voie à suivre pour respecter nos engagements internationaux ».
Cependant, il reste muet sur les actions que le Canada prendra pour respecter ses obligations.
« Nous nous engageons à travailler avec nos partenaires mondiaux pour mieux promouvoir la santé publique et lutter contre le trafic des drogues illicites », a-t-il ajouté.
Le Canada s'expose-t-il à des conséquences?
L'OICS a le pouvoir d'entamer un dialogue avec le Canada pour l'encourager à se conformer aux règles internationales.
L'organisme pourrait aussi demander aux pays signataires d'interrompre leurs échanges de médicaments avec le Canada, puisque ces conventions encadrent le commerce de drogues licites, explique Bruno Gélinas-Faucher. Un autre pays pourrait aussi poursuivre le Canada devant la Cour internationale de Justice.
Cependant, ces deux derniers scénarios seraient extrêmes et peu probables. L'Uruguay, qui a aussi légalisé le cannabis, n'a pas fait l'objet de représailles semblables.
Les conséquences pourraient surtout être politiques.
Le Canada s'apprête à contrevenir à trois conventions internationales de l'ONU :
- Convention unique sur les stupéfiants (1961)
- Convention sur les substances psychotropes (1971)
- Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988)
Source: ici.radio-canada.ca
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