Quatre ans après avoir sombré au National, la dépénalisation du cannabis est de nouveau à l’agenda politique.
Source : La Tribune de Genève
Cette fois, elle est entre les mains des citoyens qui trancheront le 30 novembre. Portée par un comité national à large spectre, allant du consweiller national Geri Müller (Verts/AG) au sénateur This Jenny (UDC/GL), l’initiative «pour une politique raisonnable en matière de chanvre» veut légaliser l’acquisition et la culture pour les besoins individuels, tout en interdisant la vente aux mineurs.
Taux de THC à 15%
Mais le texte, soutenu par la gauche et les radicaux, combattu par le Conseil fédéral, l’UDC et le PDC, vise surtout à réglementer le marché. Objectif avoué: contrôler le taux de THC des produits cannabiques. La Société suisse des instituts de médecine légale (SSML) analyse tous les six mois les saisies de la police et des douanes. Ces chiffres ne reflètent qu’imparfaitement le marché. Toutefois, selon la Commission fédérale pour les questions liées à la drogue (CFLD), qui compulse ces données, la tendance est à la hausse. Le taux moyen de THC est aujourd’hui de 15%, avec des valeurs maximales pour la marihuana (herbe de cannabis, feuilles + fleurs) de 32%. En 2004, le taux moyen de THC n’était que de 10,7%. Les études sur les effets à long terme de ces plantes plus «fortes» restent lacunaires. Cependant, la course au THC est déjà ouverte dans nombre de pays producteurs. A l’instar des Pays-Bas qui exportent jusqu’à 80% de leur cannabis. Y compris vers la Suisse.
Or les Néerlandais sont aujourd’hui les rois incontestés de la culture «indoor» (en intérieur), qui permet d’accentuer le taux de THC.
Professeur à l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, Pierre Esseiva détaille le principe. «L’indoor est la culture hors-sol d’une variété dûment sélectionnée, où la terre est remplacée par un substrat synthétique, le tout placé sous une lumière vive. L’objectif est de stresser la plante pour obtenir une teneur en THC plus élevée.» En Suisse, cette technique est aussi utilisée par les particuliers qui peuvent commander sur Internet leurs graines. Le choix est vaste. Il s’effectue en fonction du taux de THC recherché et des conditions de culture.
Hausse des importations
Mais cette production indigène côtoie aujourd’hui de plus en plus souvent du cannabis importé. En matière de haschich (résine de cannabis), le Maroc continue d’alimenter tout le marché européen. En 2007, 35 tonnes de haschich ont été saisies au port de Tanger. En Suisse, cette même année, l’administration fédérale des douanes a intercepté 777 kilos de cannabis. «Le démantèlement par la police des petites exploitations et la fermeture des commerces de chanvre ont favorisé les importations», affirme le spécialiste Pierre Esseiva. Joëlle Vuille, chercheuse à l’Institut de criminologie de l’Unil, participe au monitoring sur le cannabis dans les cantons de Vaud, Zurich, Saint-Gall et Tessin.
Elle précise que ce dernier est passé en quelques années du statut d’exportateur à celui d’importateur. «Auparavant, les frontaliers italiens venaient se fournir au Tessin. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée. Les consommateurs locaux s’approvisionnent à l’extérieur du canton.»
Les experts s’accordent aussi sur un point: la baisse de la production indigène et la fermeture des magasins de chanvre empêchent ce qu’on pourrait appeler «la traçabilité du produit». A Zurich, la police a constaté que le marché était infiltré par des réseaux de type mafieux. Pour accroître leur profit, ces organisations écoulent parfois un cannabis de piètre qualité, qui peut s’avérer des plus nocifs. Du hasch constellé de microbilles de verre, pour augmenter l’éclat et le poids de la marchandise ont été déjà vendus à des consommateurs suisses. Plus fréquent, la contamination par des pesticides. Les amateurs et les défenseurs du chanvre réclament aujourd’hui aussi une légalisation afin de pouvoir contrôler la qualité.