Dix ans après que le Canada ait réglementé l'accès médical à la marijuana, « il est toujours plus facile d'obtenir un permis de port d'arme qu'un permis pour l'utilisation de cannabis à des fins thérapeutiques ».
Adam Greenblatt est producteur de cannabis désigné pour deux patients, dont son père, qui souffre de sclérose en plaques depuis 26 ans. Il affirme avoir été témoin des « incroyables applications thérapeutiques » de la marijuana, mais aussi des « horribles conséquences » liées à sa prohibition.
Lundi, le jeune Montréalais a pris la parole sur la colline parlementaire, à Ottawa, afin de dénoncer le programme fédéral qui encadre l'accès à la marijuana à des fins médicales, depuis 2001. « Dix ans plus tard, la majorité des Canadiens qui utilisent le cannabis pour alléger leurs souffrances sont sans droit légal et doivent enfreindre la loi pour s'approvisionner », dit-il.
À ses yeux, « il ne peut y avoir un accès sécuritaire à ce médicament, tant que le cannabis n'est pas rayé de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ».
Russell Barth parle lui aussi d'un système « dysfonctionnel et onéreux ». Atteint de fibromyalgie, il a passé plus de cinq ans dans une chaise roulante. Détenteur d'une autorisation de possession, il a présidé une conférence de presse au parlement, hier, bien solide sur ses pieds. « C'est un vrai fiasco », dit-il, dénonçant les dédales bureaucratiques qui forcent les patients à prendre leur mal en patience.
« Je me suis promené sans permis pendant sept semaines, le printemps dernier, raconte-t-il. Je risquais d'être arrêté. Et puisque je prends soin de mon épouse qui souffre d'épilepsie, ce sont nos deux vies qui ont été mises en danger par ce délai. »
Selon Santé Canada, les patients consomment en moyenne d'un à trois grammes de marijuana séchée à des fins médicales, sur une base quotidienne. Souffrant de sclérose en plaques, Alyson Myrden consomme quotidiennement 50 grammes, « soit l'équivalent de deux sacs à lunch ».
Désespoir
« Notre frustration et notre santé ont atteint un niveau désespérant, dit-elle, la main tremblante. Tout ça parce qu'aucun gouvernement n'a le courage politique de nous aider à naviguer à travers les dédales complexes de cette question », affirme la résidente de Burlington, en Ontario.
Elle-même médecin, la députée libérale Carolyn Bennett a dit craindre l'impact du projet de loi S-10, qui impose des peines minimales pour la production de plus de cinq plants de cannabis, si l'infraction est commise à des fins de trafic.
« Nous implorons ce gouvernement à régler les délais administratifs et à donner des licences à ces patients, afin qu'ils ne courent pas le risque d'être criminalisés », dit-elle.
Santé Canada autorise l'accès la marijuana à des fins médicale aux patients souffrant de maladies graves ou débilitantes. En date du 8 janvier 2010, près de 4900 personnes détenaient une autorisation de possession de marijuana, tandis que 3600 autres étaient autorisés à en cultiver.
Sur son site Web, le ministère fédéral affirme avoir apporté des changements afin d'améliorer l'efficacité des processus d'examens et d'autorisation - « et de les accélérer ».
Santé Canada assure avoir rétabli à une période de 8 à 10 semaines le délai de traitement habituel des demandes d'autorisation de posséder ou de produire de la marijuana à des fins médicales. « Les demandes ayant trait à des symptômes dans un contexte de soins palliatifs sont traitées dès leur réception », précise le site.
Patrice Gaudreault
Source : Le Droit