En Espagne, grâce au succès des "clubs" qui essaiment depuis 2011, le cannabis est devenu un nouvel or vert. Produits dérivés, cliniques spécialisées, tourisme associé… Toute une économie a fleuri autour de cette plante, dont la production reste pourtant illégale en Espagne. Nos reporters ont exploré les diverses facettes – publiques et cachées – de cette activité en plein boom.
Tout a commencé en 2011, lorsque des amateurs de cannabis ont réussi à exploiter une faille dans la loi antitabac espagnole, leur permettant de consommer du cannabis dans des lieux fermés et privés. L’État a fermé les yeux sur ces associations sans but lucratif, où seuls les membres inscrits ont le droit de consommer en toute liberté. Depuis, les "cannabis clubs" ont fleuri dans toute l’Espagne. On en compterait aujourd’hui plus de 700 à travers le pays.
Au total, ils réunissent des centaines de milliers d'"associés" et brassent des millions d’euros chaque année.
Vente de graines de cannabis, matériel et engrais pour en faciliter la pousse, laboratoires pour en contrôler la qualité, sucettes et boissons à base de THC (le principe actif du cannabis), extrait liquide pour voyager, applications pour téléphone, chaîne de télévision sur le web, en passant par son utilisation thérapeutique dans des cliniques proposant des soins à base de "cannabinoïdes"… L'"or vert" a engendré toute une économie. En témoigne le succès des salons spécialisés de Barcelone ou encore d'Irun, au pays basque. Des concours y sont organisés pour élire les meilleurs clubs et les meilleures variétés.
La production reste illégale
Quant au "tourisme cannabique", c’est un domaine en pleine expansion. En effet, de plus en plus de "cannabis clubs" un peu trop gourmands laissent les étrangers accéder à leurs établissements. À Barcelone notamment, leur développement est devenu un problème pour la ville.
Car le paradoxe, c’est que la production de cette plante reste illégale sur le territoire espagnol. Il faut donc ruser pour fournir tous les consommateurs des clubs. Et c’est là où nous nous sommes frottés à la face cachée de cette industrie. Il nous a fallu montrer patte blanche pour que les portes des clubs nous soient ouvertes et que des acteurs majeurs acceptent d’être suivis en toute confiance par nos caméras.
La plupart des personnes que nous avons rencontrées sont des trentenaires qui maîtrisent déjà tous les codes de la communication et du marketing, parfaitement au fait de ce qui peut être montré et dit – ou pas – à la caméra. Il faut dire qu’ils sont tous conseillés par des juristes spécialistes de la question, et ont une excellente connaissance des outils juridiques à leur disposition pour faire face à d’éventuels problèmes avec la Guardia civil ou la justice.
Conscients de leur poids dans l’économie espagnole, ils sont aujourd’hui bien décidés à peser de tout leur poids pour que le cannabis finisse par devenir légal dans le pays, à l’image de ce qui s’est passé dans certains États aux États-Unis, comme celui du Colorado. Et ils ont bon espoir qu’en la matière, l’Espagne devienne un modèle pour l’Europe.
C’est donc à la découverte d’un monde méconnu et réservé aux initiés que nous vous proposons de partir dans ce Reporters.
Par Valérie LABONNE
Source: france24.com