Mauvaise journée pour Bernard Rappaz. Hier, coup sur coup, le chanvrier valaisan apprenait qu’il perdait sa maison et que le Tribunal cantonal valaisan rejetait son recours contre la décision de la conseillère d’Etat Esther Waeber-Kalbermatten de lui refuser une nouvelle interruption de peine.
© Keystone | la maison de B. Rappaz a été achetée par un Valaisan 350 000 francs.
Fabian Muhieddine | 12.11.2010 | 11:10
Mais c’est la première mauvaise nouvelle qui l’a le plus secoué. «Quand je suis arrivé dans sa chambre d’hôpital, c’est la première chose dont il m’a parlé, raconte le conseiller national Jean-Charles Rielle (PS/GE) qui rencontrait pour la troisième fois le chanvrier. Il était effondré d’avoir perdu ce lieu de vie, l’environnement où il a mené son combat. Il parlait d’injustice. Il se sentait doublement puni puisque, selon lui, c’est à cause des frais de justice qui n’auraient pas dû être à sa charge qu’il n’a plus réussi à payer sa ferme.»
Vendue aux enchères
Plus tôt dans la journée, c’est Boris Ryser, celui qui s’occupe de la ferme pendant l’absence du chanvrier, qui a dû annoncer la mauvaise nouvelle à Bernard Rappaz. «C’est lui qui m’a appelé pour savoir ce que la vente aux enchères avait donné, explique l’ami inconditionnel. Il en avait gros sur la patate. Maintenant, il se retrouve SDF… Mais il ne s’est même pas énervé. Il m’a juste dit: «Ça va être dur à avaler.» Boris Ryser fait une pause et éclate de rire: «C’est quand même fort de la part de quelqu’un qui fait une grève de la faim.»
Comment le chanvrier en est-il arrivé à perdre sa ferme? Mis aux poursuites pour des frais de justice de plus de 180 000 fr. qu’il n’a jamais réussi à payer, Bernard Rappaz, selon son ami, n’a plus eu les moyens de payer son hypothèque. Pourtant, les amis du Valaisan s’étaient organisés pour racheter la maison. En mars dernier, ils ont remporté la première vente aux enchères pour 306 000 francs. Mais le groupe n’a jamais réussi à réunir le montant. Une deuxième vente a donc été organisée hier. «Cette fois, nous étions prêts à payer plus, mais ça n’a pas suffi», se désole Boris Ryser.
Un autre acheteur, un Valaisan, a effectivement acheté la ferme pour 350 000 francs. «S’il a les moyens de rénover le bâtiment, il peut le rendre rentable, commente Boris Ryser. Je compte quitter rapidement les lieux. De toute manière, l’affaire Rappaz ne va plus durer longtemps. Soit il obtient une interruption de peine, soit il ira jusqu’au bout.»
Soutien de personnalités
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Source : Tribune de Genève
Une solution humanitaire pour sauver Rappaz?
Grève de la faim | Bernard Rappaz est dans un état «alarmant». Face aux blocages, des voix réclament un sursaut de conscience
© ISABELLE FAVRE | Bernard Rappaz, en 2002, dans ses cultures en Valais. Son état de santé est jugé «alarmant», au 76e jour de sa grève de la faim.
Patrick Chuard | 09.11.2010 | 00:00
La mort de Bernard Rappaz paraît programmée, face aux refus de toutes parts de débloquer la situation. A commencer par le refus des autorités valaisannes d’accorder une remise de peine au chanvrier. Le refus, ensuite, des médecins des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) de nourrir le détenu de force – et ce malgré l’injonction envoyée vendredi par le juge cantonal valaisan Jean-Bernard Fournier. Le refus, enfin, de Bernard Rappaz d’interrompre sa grève de la faim de «prisonnier politique», s’estimant injustement condamné à plus de six ans de réclusion, principalement pour trafic de chanvre. Son état de santé est jugé «alarmant», au 76e jour de sa grève de la faim.
«Dépasser l’irritation»
Faut-il laisser mourir Rappaz? «C’est impensable! lance le médecin genevois et conseiller national Jean-Charles Rielle. Nous devons dépasser l’irritation et la pensée basique. En 2010, notre société ne devrait pas laisser quelqu’un crever en prison!» Le socialiste jure qu’il n’en fait ni un combat politique ni un appel pour la dépénalisation des drogues: son souci est humanitaire. «Un homme est en train de mourir parce qu’il est désespéré. Il a une petite fille de 12 ans. Or, des gens qui ont commis des crimes graves écopent de peines de prison bien moins lourdes que Bernard Rappaz. On pourrait par exemple imaginer qu’il purge sa peine avec un bracelet.» Laisser mourir le chanvrier serait «une catastrophe pour tout le monde», plaide de son côté Anne-Catherine Menétrey (Verts/VD).
Dimanche à la RSR, le sociologue Bernard Crettaz y est aussi allé de son appel: «Il faut lancer un cri à tout le monde pour sauver Rappaz, il faut éviter une sorte de Ponce-Pilatisme généralisé. On serait dans un cas terrible d’hypocrisie sociale.»
Mais comment ébranler des murs de détermination? La conseillère d’Etat valaisanne Esther Waeber-Kalbermatten n’entend pas céder, pas plus que la justice et le corps médical (relativement unanime à refuser l’alimentation forcée). «Une solution existe pourtant», affirme Jean-Charles Rielle. Et de citer le cas de Manuella Crettaz, détenue vaudoise dont la peine a été interrompue pour six mois en mai dernier, suite à une longue grève de la faim. Cette décision a été prise par le juge d’application des peines sur conseil médical, pour cause de «motif grave» (art. 92 du Code pénal), confirme le Service pénitentiaire vaudois.
Philippe Roch s’engage
Le Genevois Philippe Roch, ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, joint sa voix au concert des indignés. «J’ai écrit un mail aux députés valaisans qui statueront dans dix jours sur la demande de grâce de Rappaz, dit-il. Je leur ai demandé un acte de pardon, au nom de l’humanité. Parce que
Rappaz n’est pas capable de changer d’avis en ce moment. Il est dans la détresse et il a un profond sentiment d’indignation.» Vendredi, la Ligue suisse des droits de l’homme (LSDH) demandait elle aussi aux autorités valaisannes de cesser de «s’acharner» sur le chanvrier et d’accéder à sa requête «légitime» d’interruption de peine. Ces appels humanitaires seront-ils entendus?
Source : Tribune de Genève