Chanvre et révision de la Lstup : la CSSS-N propose un texte stupéfiant

Par Invité ,

 

Le 14 décembre 2006, le Conseil National devra discuter de la proposition de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-N) de révision de la Lstup. En trois ans, cette commission est passée d’une proposition de réforme novatrice à une proposition de révision rétrograde. Contre toute évidence, le chanvre serait classé parmi les stupéfiants problématiques pouvant entraîner une forte dépendance comme les opiacés ou la cocaïne. Sa culture, sa distribution et son usage seraient soumis à autorisations très restrictives y compris pour les variétés à moins de 0,3% de THC (substance active) de l’OFAG ou pour l’utilisation thérapeutique enfin reconnue.

 

Source : Chanvre-Info

Caché derrière trois frêles piliers, le gros pilier de la répression enfle encore avec de nouveaux délits et des peines allant jusqu’à 20 ans de détention et 1 million de CHF d’amende. Pour une réforme light, l’addition est très lourde à digérer pour les chanvriers et les centaines de milliers de consommateurs parfaitement intégrés. La démagogie politicienne est-elle en train de supplanter le raisonnement pragmatique ?

 

Genèse de cette proposition

Après la non-entrée en matière de juin 04, un groupe de parlementaires du PDC, du PRD, du PSS et des Verts a voulu sauver certains éléments de cette proposition. Le conseiller national Félix Gutzwiller (FDP, ZH) déclarait « Après analyse, on s’est mis d’accord pour présenter à nouveau les parties de la loi susceptibles de réunir la majorité au moyen d’une série d’interpellations parlementaires ». Trois initiatives parlementaires et diverses motions ont aussi été déposées.

 

Exclusion du cannabis

En avril 05, la commission de la santé publique du National est entrée en matière sur le projet de révision de la loi sur les stupéfiants. D’après son communiqué de presse, la question « hautement controversée du cannabis » ne devait pas être traitée. Dans sa réponse du 07.06.06 à la motion Wasserfallen, Thérèse Meyer (C, FR) coprésidente de la sous-commission qui traite cette question à la CSSS-N déclarait : « Nous avons présenté un projet cohérent que vous pourrez soutenir très prochainement dans ce Parlement. Nous nous attaquerons aussi au deuxième volet qui concerne la consommation du cannabis très prochainement, en liaison avec l’initiative populaire. ». Elle confirmait ainsi que le cannabis n’était pas inclus au projet de révision light.

 

Une motion rétrograde et inapplicable

Que demandait la motion Wasserfallen ? Une révision de la loi sur les stupéfiants (LStup) qui : interdira expressément les activités telles que la consommation, le commerce et la culture de cannabis ; <...> ; consacrera la politique des quatre piliers tout en veillant à ce que les peines imposées pour les activités telles que le commerce, la culture, l’exportation et l’importation de drogue (cannabis y compris) soient durcies ; la remise d’héroïne soit considérée comme une mesure destinée à réduire les risques et non comme une thérapie ; la priorité soit donnée aux thérapies axées sur l’abstinence ; <...> Pourquoi cette motion a-t-elle été rejetée par 90 voix contre 80 ? Comme l’analysait alors Pascal Couchepin au nom du Conseil Fédéral : « Adopter une motion comme celle-là irait à contre-courant de ce que sont en train d’essayer de bâtir les partenaires qui tentent de sortir du statu quo et de la situation très négative qui était issue de la décision du Parlement. » Même Thérèse Meyer reconnaissait que « la politique des quatre piliers, telle qu’elle est précisée ici, soit difficile à appliquer. »

 

Rejetée mais intégrée en force

A contre-courant mais complètement en phase avec l’idéologie néo-conservatrice américaine, le président de la CSSS-N, Pierre Triponez (PRD/BE), a expliqué que la commission : « a tenu à inscrire l’abstinence comme but de la politique en matière de drogues et à faire figurer le cannabis sur la liste des substances interdites. » En classant le chanvre comme l’héroïne et la cocaïne, en supprimant la liberté de cultiver et d’avoir des utilisations non-psychotropes de chanvre sans limite de THC, en augmentant au-delà du raisonnable les sanctions pour production et distribution de chanvre, la CSSS-N a finalement intégré la motion Wasserfallen. Elle propose au Conseil National d’adopter une Lstup prohibitionniste alors que le projet de base sortait de cette logique en échec depuis plus de trente ans. La CSSS-N n’a pas tenu compte de son mandat, du vote du Conseil National et des recommandations du Conseil Fédéral, pas plus que des rapports de la Commission fédérale sur les questions liées aux drogues. Elle a ignoré ses recommandations pour une politique cohérente sur tous les stupéfiants légaux ou non. Sinon, il faudra informer la population et les producteurs que la Confédération a maintenant pour but l’abstinence en matière d’alcool, de tabac ou de médicaments psychotropes. Voilà pourquoi le Conseil National doit modifier considérablement cette révision ou sinon refuser à nouveau de rentrer en matière.

 

Une politique inefficace et dangereuse

La prohibition n’a jamais permis de protéger efficacement la jeunesse, la santé et la sécurité publique, les intérêts et les finances de la Confédération. Elle engendre des drames humains, de la violence, de la corruption. C’est sur ce constat établi au milieu des années 90 que le Conseil Fédéral et le Parlement, en accord avec les experts et les intervenants de terrain, ont cherché des alternatives plus efficaces. Sur le principe fondamental qu’un monde sans drogue ni dépendance est illusoire, ils ont tenté d’élaborer une politique globale de santé publique sur l’usage, le mésusage et l’abus de tous les produits psychoactifs. Contrairement aux affirmations des médias populaires, les pays voisins regardaient l’expérience suisse avec plus d’intérêt que d’inquiétude. Le rapport Catania sur la politique de l’UE en matière de drogues pour 2005-2012, adopté en décembre 04 par le Parlement Européen, s’inscrit dans la même logique de rupture avec une stratégie inefficace et d’expérimentation de politiques alternatives. Le modèle suisse pouvait faire référence jusqu’en Australie et au Canada.

 

Des lobbies puissants

Profitant de la trop longue absence de règles fédérales claires sur la production, la distribution, la prévention, la réduction des risques et la consommation de chanvre, les adversaires locaux et internationaux de la réforme ont organisé une redoutable campagne de propagande. Des arguments calomnieux et des pseudos études cent fois réfutées depuis les années trente, comme sur la démence, la débauche ou la violence... sont associés à quelques affaires judiciaires instruites et médiatisées à charge. Le premier effet fut la non-entrée en matière de 2004, leur but ultime est l’adoption d’une révision fondamentalement modifiée de la Lstup. Le Conseil National ne doit pas se laisser berner. La France ou les USA n’ont pas fait reculer une offre et une demande exponentielle de drogues malgré un dispositif policier, judiciaire et pénitentiaire liberticide et hors de prix. La Suisse ne doit pas se replier dans cette voie sans issue.

 

En renvoyant pour longtemps les consommateurs de chanvre dans les bras des mafias du marché noir, les Conseillers Nationaux devront assumer des conséquences sanitaires et sociales donc politiques désastreuses. Plus de 105.000 électeurs réclament au travers d’une initiative populaire une réglementation pragmatique de la production, de la distribution et de la consommation de chanvre quel que soit son taux de THC. Il serait illogique et profondément méprisant d’adopter une politique totalement contraire avant que le peuple ne tranche le débat. La Coordination Romande du Chanvre tient à la disposition du Conseil National des propositions transitoires plus consensuelles que celles de la CSSS-N.

 


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