Steve DeAngelo, activiste de la première heure et à la tête d’un dispensaire de marijuana médicale en Californie, s’inquiète, non pas de l’arrêt des réformes, mais de leur ralentissement.
Steve DeAngelo, Harborside Health Center- photo ericwolfe/flickr
Steve DeAngelo, 58 ans, est le propriétaire du plus grand dispensaire de marijuana médicale des Etats-Unis, le Harborside à Oakland, en Californie. Cet activiste est désigné comme «le père fondateur du marché légal de la marijuana».
Interview: En tant que businessman, la légalisation est-elle une bonne nouvelle ?
J’ai travaillé pendant des décennies pour que cela se passe en Californie. Le jour où j’obtiendrai la permission de vendre du cannabis à tout adulte qui en voudra [le cannabis est toujours interdit au niveau fédéral] sera un des plus beaux jours de ma vie.
Comment vont évoluer vos activités ?
Nos revenus vont énormément augmenter, en même temps que le marché en Californie. Nous avons prévu d’agrandir nos infrastructures, de recruter du personnel. Nous commençons à penser au tourisme car n’importe qui dans le monde pourra venir en Californie pour acheter de la marijuana et la consommer dans un environnement légal et sécurisé. Nous sommes en train de traduire nos supports marketing. Nous allons aussi mettre en place des navettes qui relieront l’aéroport d’Oakland à notre centre Harbourside.
Ne craignez-vous pas que des multinationales s’emparent du marché ?
En Californie, on voit déjà certaines figures du secteur des boissons alcoolisées utiliser leur influence politique pour créer un système de licence et de distribution du cannabis à leur avantage. Au moment où nous essayons de faire en sorte que la population qui souhaite consommer du cannabis puisse le faire de manière responsable et que nous éduquons nos enfants sur ces questions, les dernières entreprises au monde qui devraient être impliquées sont justement celles du secteur de l’alcool.
A quelle échéance le gouvernement fédéral va-t-il légaliser le cannabis ?
L’élection de Donald Trump a remis en question les progrès réalisés au niveau fédéral. Nous ne savons pas quelle va être sa position vis-à-vis du cannabis, ni quelle va être sa politique. Une grande partie de la filière du cannabis s’attend à un ralentissement des progrès, jusqu’à la fin du mandat de Trump. Cela ne signifie pas un arrêt des réformes, car la grande majorité de celles-ci ont eu lieu au niveau des Etats. Nous allons voir d’autres Etats suivre le mouvement.
Ne pensez-vous pas que Jeff Sessions, futur ministre de la Justice, pourrait outrepasser les législations des Etats ?
Bien sûr, je suis inquiet de ce qu’il pourrait faire. Ce qui me rassure, c’est qu’une bonne part des électeurs qui ont voté pour Trump ont aussi voté pour la légalisation de la marijuana. Stratégiquement, l’équipe de Trump devrait donc comprendre qu’elle a plus à perdre en réprimant les consommateurs et les producteurs de cannabis, qu’à y gagner. Nous espérons donc que le Président va contrôler son ministre de la Justice. Et non l’inverse.
Aujourd’hui, avez-vous toujours besoin d’être un activiste pour travailler dans l’industrie du cannabis ?
Oui, je me considère comme un activiste. J’ai essayé de faire voir la vérité à propos de cette plante bien avant d’avoir une licence pour la vendre. Tant que le cannabis sera illégal au niveau fédéral, toute personne travaillant dans cette industrie devrait être un activiste et essayer de changer la loi. Sinon c’est accepter de passer sa vie à risquer d’être arrêté et de finir en prison. Personne ne veut vivre dans ces conditions. Je resterai un activiste jusqu’à ce que le dernier prisonnier enfermé à cause du cannabis soit libéré, peu importe où il vit sur cette planète.
Par Aude Massiot
Source: liberation.fr
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