Avant même que le projet de légalisation du cannabis soit discuté au Parlement, l'Association des propriétaires d'appartements du Grand Montréal (APAGM) recommande à ses membres de prendre les devants en profitant de la période d'avis d'augmentation de loyer pour faire une «modification majeure au bail» : interdire la consommation de marijuana dans leurs logements.
La Régie du logement dit ne pas être en mesure de se prononcer sur la légalité d'une telle modification contractuelle.
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L'organisme vient d'envoyer à ses 400 membres propriétaires un formulaire-type de reconduction de bail qu'il suggère de faire parvenir par courrier recommandé à tous leurs locataires. «Dans l'éventualité où la consommation de cannabis est décriminalisée, le locataire [...] devra s'abstenir de consommer tout produit assimilé au cannabis et ce, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des lieux loués, notamment sur le balcon», indique le contrat.
La Régie du logement dit ne pas être en mesure de se prononcer sur la légalité d'une telle modification contractuelle puisque la loi légalisant la consommation de marijuana n'a pas encore été déposée par le gouvernement Trudeau. «Elle n'est pas en vigueur, et on ne sait pas ce qu'elle contiendra, donc on ne peut pas se prononcer», indique le porte-parole Denis Miron.
Mais chose certaine, en vertu de l'article 1854 du Code civil du Québec, les propriétaires ont l'obligation d'assurer en tout temps la «jouissance paisible de lieux» à leurs locataires. La Régie a déjà reconnu dans de récentes décisions que l'odeur de la fumée de cannabis peut être la source d'une perte de jouissance. «Oui, il y a eu des décisions qui ont été rendues en ce sens. La fumée, peu importe sa source, c'est comme le bruit. Si elle trouble la jouissance paisible des lieux, on peut demander une diminution de loyer», précise M. Miron.
Alain Renaud, directeur général de l'APAGM, croit qu'il y a urgence d'agir pour les propriétaires. «Le fait que le cannabis soit illégal pour le moment rend la problématique plus facile à gérer puisqu'il suffit habituellement d'appeler la police pour régler le problème. Mais ce ne sera plus le cas avec la légalisation.»
Son organisme a écrit une lettre en mai dernier à la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, pour lui faire part de ses préoccupations. Joint par La Presse, son attaché de presse, Andrew McKendrick, a cependant affirmé que les questions de logement relèvent des provinces et des municipalités.
«Le droit des locataires de faire pousser du cannabis dans leur logement est aussi une source d'inquiétude pour les propriétaires», a pour sa part affirmé Hans Brouillette, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).
Inquiétude chez les locataires
Du côté des groupes de défense des locataires, l'ajout de clauses interdisant la consommation de cannabis dans les logements est perçu comme «un peu inquiétant».
«Il existe déjà des recours pour régler les problématiques de mauvais voisinage, souligne Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. C'est comme les clauses interdisant les animaux de compagnie.
Beaucoup de propriétaires précisent dans le bail qu'ils sont interdits, mais dans les faits, ils tolèrent leur présence. Mais dès qu'il y a un imbroglio avec le locataire, ils utilisent la clause pour justifier une résiliation de bail. Notre crainte, c'est qu'ils instrumentalisent le cannabis de la même façon», ajoute M. Roy-Allard.
Par Tristan Péloquin
La Presse
Source: lapresse.ca