Le projet de loi déposé jeudi à Ottawa vise à légaliser et à réglementer le cannabis. Il vise, autrement dit, à mettre fin à notre hypocrisie collective.
« La marijuana a beau être illégale depuis les années 20, elle est en effet consommée par
plus de 40 % des 18-24 ans », explique François Cardinal.
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On débat depuis tout près de 50 ans de la nécessité de maintenir des politiques sévères pour contrer la circulation de marijuana. Près de 50 ans pendant lesquels on a pourtant constaté l'échec de l'approche prohibitionniste, qui n'a réussi à réduire ni l'emprise du crime organisé ni sa clientèle, au contraire.
La marijuana a beau être illégale depuis les années 20, elle est en effet consommée par plus de 40 % des 18-24 ans. C'est la substance illicite la plus consommée au pays, à laquelle les jeunes sont exposés pour la première fois à 15 ou 16 ans, en moyenne.
La drogue est si populaire au Canada, en fait, que le taux de consommation des mineurs est le plus élevé au monde ! Au grand plaisir des groupes criminalisés...
Il fallait donc une nouvelle approche. Il fallait surtout un gouvernement assez courageux pour faire du cannabis une substance contrôlée et encadrée, au même titre que l'alcool et la cigarette.
Cette approche de santé publique - plutôt que pénale - ne réglera pas tous les problèmes. Elle ne fera pas disparaître le marché clandestin. Elle n'empêchera pas les jeunes de fumer. Mais elle nous permettra de mieux encadrer la vente et l'usage, d'assurer un certain « contrôle de qualité » de ce qui est fumé, de superviser la quantité de THC et de lancer d'imposantes campagnes d'éducation, bien plus que si l'on s'était contenté de décriminaliser.
L'hypocrisie actuelle, elle est là. Dans le fait de poursuivre des politiques d'élimination de l'offre et de la demande... en sachant que cela ne réduit en rien la consommation. Et dans le fait de laisser autant de gens consommer... sans pouvoir créer un environnement sécuritaire.
Le projet de loi est donc historique en ce qu'il normalise enfin la marijuana, sans la banaliser. Il légalise l'usage. Il fixe l'âge minimum à 18 ans (plutôt qu'à 21 ans, ce qui aurait permis de maintenir un marché noir pour les plus jeunes). Et il soumet la vente à des règles provinciales (tout en interdisant la publicité et les paquets attrayants).
Cela dit, il reste encore bien des questions en suspens, sur la conduite avec les facultés affaiblies, la chaîne d'approvisionnement, les seuils de THC, la promotion, etc.
Et il y a un écueil : l'appui du fédéral aux provinces et aux villes, qui semble à peu près inexistant, sinon dans l'élaboration de normes et d'orientations.
Or ce seront les gouvernements inférieurs qui seront pris avec le fardeau de l'implantation (distribution, prix, police, etc.). Un fardeau inévitable, mais un fardeau quand même.
Il existe donc des zones d'ombre à éclaircir au cours des prochains mois, mais pour l'essentiel, le projet de loi permet de contredire ceux qui prétendent que l'on perdra le contrôle de la consommation de cannabis l'an prochain, surtout que les exemples américains ont montré que la légalisation n'augmentait pas l'usage.
Soyons honnêtes, c'est aujourd'hui que la situation est hors de contrôle.
François Cardinal
Source: lapresse.ca
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