Aux Pays-Bas, Doede, un cultivateur "hippie" de cannabis, gracié par la justice

Aux Pays-Bas, Doede, un cultivateur "hippie" de cannabis, gracié par la justice
Par Invité ,

Appelscha (Pays-Bas) - Là où trônait jadis une plantation de cannabis bio, il ne reste que les cinq plants tolérés par la loi... et des centaines de tomates! Les serres du Néerlandais Doede de Jong ont été vidées de leur précieux contenu par la police il y a cinq ans.

 

 

Le Néerlandais Doede de Jong dans sa ferme à Appelscha, un village du nord-est des Pays-Bas, le 19 novembre 2015 afp.com/NICOLAS DELAUNAY

 

 

Mais ce fier militant, défenseur d'une légalisation du cannabis, qu'il cultive depuis plus de 40 ans, garde le sourire. Il vient de remporter une bataille juridique qui, si elle fait des émules, pourrait bouleverser la culture de cette plante aux Pays-Bas.

 

Malgré un verdict de culpabilité, une Cour d'appel a refusé le 29 octobre de lui imposer une peine, arguant que le but de ce hippie autoproclamé était distinct de celui des criminels.

"Je fais cela par principe car je crois fermement aux vertus récréatives et médicinales du cannabis", affirme ce grand gaillard de 66 ans aux yeux bleu pétillants, un brin d'herbe coincé dans sa chevelure blanche ébouriffée.

 

"C'est la première fois qu'un juge montre du respect pour ma démarche, c'est une grande victoire", remarque-t-il.

 

Cet homme au foyer d'Appelscha, un village du nord des Pays-Bas, habite une ancienne ferme isolée au milieu des champs, "pour se rapprocher de la nature". L'eau courante n'y a été installée que récemment et il y produit aussi de l'huile de cannabis.

 

 

- Coffee shops -

 

 

La vente dans les coffee shops de moins de 5 grammes de cannabis et la culture de moins de 5 plants ont été décriminalisées aux Pays-Bas en 1976. Pourtant, la culture et la vente en gros restent interdites et sont donc aux mains du crime organisé.

 

Mais disposition fait l'objet d'un vaste débat aux Pays-Bas car elle oblige les coffee shops à se fournir auprès de criminels. Les appels à réguler la culture sont légion.

 

L'Association néerlandaise pour la légalisation du cannabis (VOC), elle, s'est dite très satisfaite du jugement et espère voir un changement à plus long terme. "Nous sommes très heureux de cette évolution car il y a une véritable question sur la table : +la culture rentre-t-elle dans le cadre de la loi sur le cannabis '+", dit Derrick Bergman, porte-parole de la VOC. "Nous pensons que oui".

 

Mais pour Deborah Bruin, spécialiste de la législation sur les drogues douces à l'université d'Amsterdam, si "la décision des juges d'appel de Leeuwarden est très intéressante", il est toutefois "trop tôt pour savoir si une tendance est en train de se dessiner". "Il faut attendre de voir ce que d'autres juges décideront", dit-elle.

 

Les partisans d'une régulation assurent que celle-ci permettrait de mieux contrôler la qualité du cannabis vendu, de réduire les risques d'incendie liés aux plantations illégales et de rapporter de l'argent à l'Etat via des taxes.

 

 

De nombreuses municipalités, dont Amsterdam, Rotterdam, Utrecht ou Eindhoven, ont signé un manifeste en vue d'une régulation au niveau local et se préparent à un possible changement futur.

 

Le parlement, invité à se prononcer sur une motion à ce sujet, a pour l'instant refusé de modifier la pratique actuelle, mais seulement une très courte majorité de voix (75 députés contre 70).

Ces municipalités ont répété leur appel lundi, estimant les lois actuelles "intenables" et réclamant des licences pour les producteurs, afin de casser "l'emprise" des groupes criminels.

 

Le gouvernement actuel n'a pourtant pas l'intention de légiférer. Il estime qu'une régulation ne permettra pas d'endiguer la criminalité, car, dit-il, "une majorité" de la production est destinée à l'exportation.

 

 

 

- Cannabis bio -

 

 

La politique de tolérance envers les drogues douces, adoptée aux Pays-Bas dans la foulée du mouvement hippie, envisageait une vente limitée, destinée à des consommateurs locaux.

"Ce n'est que plus tard que c'est devenu un business gigantesque pour les coffee shops, avec le besoin de production que cela entraîne", assure à l'AFP Deborah Bruin.

 

Les Pays-Bas comptent près de 600 coffee shops, qui génèrent chaque année des centaines de millions d'euros de revenus, grâce aux touristes notamment.

 

Les arguments de M. De Jong, qui dit avoir produit à petite échelle (quelques centaines de plants), ont fait mouche auprès des juges. La Cour d'appel de Leeuwarden (nord) a noté que le sexagénaire ne vendait qu'à un coffee shop de sa région et n'avait utilisé que des "produits biologiques". Et les juges ont eu "l'impression que le suspect n'a pas agi dans le but de s'enrichir".

 

"Au vu de la manière dont je cultive et les raisons pour lesquelles je le fais, je suis le cultivateur idéal", soutient M. De Jong.

 

A Groningen (nord), un tribunal avait déjà rendu en 2014 un jugement comparable à celui de Leeuwarden : les juges avaient émis un verdict de culpabilité tout en critiquant la loi et en refusant de sanctionner les coupables, qui ne se cachaient pas et déclaraient leurs revenus au gouvernement. La décision avait toutefois été inversée en appel, et les cultivateurs condamnés à des peines de trois mois de prison avec sursis.

 

A Appelscha, les serres de Doede de Jong, trouées à certains endroits, portent les stigmates du temps passé. Il les arpente en se remémorant les décennies consacrées à prendre soin de plus de 20 espèces de cannabis. "J'étais un hippie, et dans un certain sens je le suis encore", sourit-il.

 

 

Source: https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/aux-pays-bas-doede-un-cultivateur-hippie-de-cannabis-gracie-par-la-justice_1741709.html


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