Dans une salle de classe du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, à Moncton, dix étudiants échangent avec leur professeure en horticulture. Jusqu’ici, rien de très original : sauf que le sujet du cours ne porte pas sur la culture des roses ou des tulipes, mais sur celle du cannabis. Ces dix jeunes vont devenir des techniciens spécialisés en culture de cannabis dans le cadre d’un programme que le Collège a lancé à l’automne dernier. Une formation unique en son genre pour l’instant au Canada et qui a été très populaire.
Pénurie de main d'oeuvre
Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick est spécialisé dans la formation de techniciens en tout genre et il travaille en étroite collaboration avec les entreprises de la province pour offrir des programmes d’enseignement là où il y a manque criant de main-d’œuvre. L’industrie du cannabis qui, pour l’instant, est limitée à la culture de la plante à des fins médicinales, mais qui deviendra légale dans tout le Canada au cours de l’été, rentre dans ce cas de figure. Voilà pourquoi l’établissement a décidé de mettre en place cette formation en techniques de culture du cannabis.
Lancé à l’automne, le programme a été très populaire
Plus de 300 demandes d’admission ont été reçues, il a donc fallu faire une sélection des candidatures selon plusieurs critères : écrire une lettre de motivation, avoir terminé avec succès ses études secondaires et surtout, ne pas avoir de casier judiciaire. Le choix s’est finalement porté sur 28 étudiants.
Formation de douze semaines
Les cours ont commencé en décembre 2017 et se terminent le 9 mars prochain, soit un total de 12 semaines. Les étudiants ont appris les caractéristiques du cannabis, quels sont ses besoins en lumière, humidité, engrais, sa fragilité aux maladies, comment cultiver ses fleurs, etc... Cours théoriques et cours pratiques donnés dans les serres d’Organigram, entreprise de Moncton spécialisée en culture de cannabis à des fins médicinales. Ces étudiants devraient d’ailleurs y trouver un emploi une fois leur formation terminée, et si ce n’est chez Organigram, ce pourrait être dans les deux autres entreprises de Moncton qui cultivent du cannabis à des fins médicinales. C’est ce qui a motivé la majorité de ces étudiants.
« C’est une nouvelle industrie au Nouveau-Brunswick, les perspectives d’obtenir de bons emplois dans tout le Canada sont très bonnes » explique l’un d’eux, Shawn Stewart. « Oui il va y avoir beaucoup d'opportunités d'emplois, puis ça grandit ça grandit ! » renchérit Penny Richard, une mère de famille qui a décidé de reprendre ses études après avoir passé plusieurs années avec ses jeunes enfants à la maison. Scott Clark, lui, se dit très satisfait de l’enseignement reçu dans ce programme : « Trois mois, ce n’est pas assez c’est sûr pour tout apprendre sur le cannabis, mais c’est assez pour travailler dans ce domaine » dit-il. Une bonne base, en quelque sorte, que ces étudiants pourront approfondir par la suite avec d’autres études plus spécialisées ou autres enseignements complémentaires. Shawn par exemple envisage, dans un avenir lointain, d’avoir, qui sait, sa propre entreprise de culture de cannabis…
En tous cas, cette première cohorte d’étudiants a été très enthousiaste aux dires de Karen Carrier, l’une des deux enseignantes du programme : « Ils ont été formidables, et voir leur enthousiasme m’a rendue très contente de faire partie de cette aventure, ils ont devant eux un bel avenir rempli de possibilités illimitées ». Cette enseignante en horticulture a dû, elle aussi, se familiariser avec la plante de cannabis afin de donner son cours, même si, comme elle dit, une plante reste une plante et le cannabis en est une comme les autres. Karen Carrier précise que donner des cours dans ce nouveau programme a été un beau défi pour elle, surtout qu’elle ne pouvait pas apporter des plants de cannabis dans sa classe, car c’est encore illégal.
Secteur prioritaire pour le Nouveau-Brunswick
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a défrayé les frais de scolarité de ce programme, le premier du genre au Canada...
« La province a placé l'industrie du cannabis comme un secteur prioritaire de développement socio-économique pour la province » explique Pierre Clavet, Conseiller sectoriel au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick
Cette province maritime de l’est du Canada a donc décidé d’amorcer le virage cannabis, prenant ainsi un peu d’avance sur les autres provinces.
Et l'expérience du Collège est suivie de près par d'autres établissements ailleurs au Canada qui veulent eux aussi mettre en place très prochainement des programmes identiques : « On a eu certaines discussions avec d’autres collèges oui et c’est toujours en cours, c'est vraiment une industrie émergente et il y a beaucoup d’actions dans ce domaine, notamment dans l’aspect formation du secteur, ça bouge beaucoup » souligne Pierre Clavet.
Les responsables du Collège poursuivent aussi leurs discussions avec les entreprises de la région qui cultivent du cannabis à des fins médicinales afin de vérifier leur besoin en main-d’œuvre et lancer un nouveau programme au cours des prochains mois au besoin. Ils envisagent également d’offrir la formation en français – cette première session ne s’est donnée qu’en anglais.
Des milliers d'emplois
La légalisation du cannabis au Canada va ouvrir la porte au développement d’un nouveau secteur économique qui va créer des milliers d’emplois d’un bout à l’autre du pays et déjà les acteurs de ce nouveau secteur sont en train de se positionner en fonction des législations que les provinces canadiennes sont en train d’adopter pour s’arrimer à cette légalisation. Et la formation de spécialistes en culture de cannabis ou futurs chimistes spécialistes en transformation du cannabis fait partie intégrante de cette démarche.
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