Imaginez que Michèle Alliot-Marie, Christine Lagarde, Dominique Bussereau, Hervé Novelli et Eric Woerth annoncent tous le même jour avoir déjà fumé un pétard. C'est exactement ce qui s'est passé jeudi à Londres, où, au lendemain d'un discours du nouveau Premier ministre, Gordon Brown, annonçant le lancement d'une étude sur le renforcement des sanctions contre les fumeurs de cannabis, ses ministres des Finances, de l'Intérieur, des Transports, des Entreprises et du Budget ont admis y avoir eux-mêmes déjà goûté. Même si tous disent avoir arrêté ou même l'avoir regretté...
Source : Rue89.com
C'est Jacqui Smith, la nouvelle ministre de l'Intérieur, qui a ouvert le bal des aveux jeudi matin: "J'ai fumé à quelques reprises du cannabis, je pense que c'était une erreur de faire cela", a-t-elle déclaré sur GMTV (voir la vidéo de la BBC). Ironie de l'histoire, elle était justement interviewée à propos de l'étude que venait de lui confier Gordon Brown, qui envisage de mettre un terme à la dépénalisation de la consommation en vigueur depuis trois ans. Un retour en arrière officiellement justifié par la consommation croissante de skunk, herbe plus concentrée en THC (le principe actif), et alors que les jeunes Britanniques sont (avec les Français) les plus gros fumeurs d'Europe.
Interrogée pour avoir si cet écart de jeunesse la disqualifiait pour sa tâche actuelle, la ministre a répondu par la négative: "D’une certaine façon, je pense avoir retenu la leçon et j’ai la responsabilité, en tant que ministre de l’Intérieur, de m’assurer que nous mettions en place le cadre législatif, le soutien et les informations nécessaires pour faire encore baisser l’usage de cannabis."
Un aveu contagieux puisqu'il en a entraîné de nombreux autres, à commencer par celui du très respecté Alistair Darling, chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances), numéro 2 du gouvernement et qui avait pourtant le triste privilège d'avoir été élu l'homme politique le plus ennuyeux du royaume. Vinrent ensuite Ruth Kelly (Transports), John Hutton (Entreprises) et Andy Burnham (Budget). Quelques années auparavant, Yvette Cooper (Logement) et Hazel Blears (Collectivités locales) avaient précédé leurs collègues.
Sur le site de la BBC, l'analyste politique Nick Assinder rappelle qu'en 2000, huit membres conservateurs du shadow cabinet avaient eux aussi admis avoir goûté au cannabis, tandis que David Cameron, outré, n'a jamais démenti. "Indubitablement, l'une des raisons de ces aveux est que le risque est grand que leur passé soit de toutes façons un jour révélé, il est donc préférable de l'avouer soi-même et de gagner au passage quelques points de sincérité. D'autant que ce type d'aveux ne semble plus problématique de nos jours", conclut le journaliste de la BBC. Un sondage réalisé en février pour le Times montrait que 80% des Britanniques n'étaient pas choqués par de tels aveux.
Un message qui aurait été entendu par Gordon Brown. A en croire le Daily Mail, Tony Blair avait fortement déconseillé à ses ministres de s'étendre sur le sujet. Or, selon le Evening Standard d'hier, Jacqui Smith avait prévenu Brown avant ses aveux et ce dernier l'aurait laissée libre de le faire. Des porte-parole de David Millband (ministre des Affaires étrangères) et Gordon Brown ont toutefois pris soin de préciser que ces derniers, eux, n'avaient jamais cédé à la tentation.
Que les fumeurs comptant se rendre en Grande-Bretagne se rassurent: saisi d'une même demande de reclassification du cannabis, le conseil consultatif sur les drogues avait jugé il y a un an et demi que sa dangerosité, si elle était réelle, ne justifiait pas de menacer à nouveau les usagers d'emprisonnement.