Quand les médias et ceux qui prennent les décisions politiques se rendront compte de l’impact réel de l’interdiction sur les problèmes en rapport avec les drogues, la supposée légitimité du régime prohibitionniste se désagrégera complètement. C’est la raison pour laquelle Encod et d’autres groupes qui travaillent pour la réforme de la politique de drogues continuent leurs efforts pour défier le status quo, en organisant des conférences et des marches, en produisant des publications et des sites web, en assistant à des rencontres internationales où l’on pose des questions critiques à ceux qui sont responsables du maintien de l’interdiction des drogues. Apparemment sans succès remarquable, parce que autant les autorités que les médias continuent en mettant l’accent sur les drogues sans même s’interroger sur le fait qu’elles soient interdites.
Source: Encod
https://www.encod.org/info/local/cache-vignettes/L200xH200/arton1994-04b88.jpg[/img]Mais l’époque est en notre faveur. Dans ces pays où on a installé une politique de drogues qui n’est pas basée l’interdiction totale, la réalité elle-même démontre que la seule manière d’avancer c’est à travers un démantèlement continu de ce régime. Tel est le cas des Pays-Bas, où la vente de petites quantités de cannabis pour l’utilisation personnelle dans les coffeeshops a été tolérée depuis 1976. Cela signifie qu’une génération complète a grandi dans un climat où l’accès au cannabis pour les adultes a été relativement régularisé. Pratiquement tous les problèmes lié au cannabis (en ce qui concerne la santé ou la sécurité publique) peuvent être réduits au fait que le cannabis est encore un produit illégal. Pour cela la culture à une grande échelle et la distribution commerciale hors des coffeeshops est toujours entre les mains d’organisations criminelles. Cette vérité est une évidence pour tous les travailleurs sociaux, les autorités locales, les politiques et même une partie importante des forces de police. On peut donc espérer que le pays est prêt pour le prochain pas, qui serait la légalisation totale.
L’actuel gouvernement néerlandais, dominé par des partis conservateurs chrétiens, en accord avec des personnes de pouvoir du système judiciaire, font tout pour éviter cela. En utilisant toutes les manipulations de la caisse à outils prohibitionniste, ils ont obligé la police à augmenter la lutte contre les petits cultivateurs, ce qui a seulement augmenté l’insertion de groupes criminels dans la culture de cannabis. Ils accusent les coffeeshops des villes proches des frontières avec la Belgique et l’Allemagne de causer des troubles de l’ordre public dus à l’arrivée de touristes étrangers qui préfèrent acheter du cannabis dans une atmosphère sûre plutôt que sur le marché noir dans leurs pays d’origine. Là où on a réduit ces troubles grâce à un accord entre les autorités locales et les coffeeshops (comme c’est le cas de Checkpoint en Terneuzen), les autorités légales nationales décident de fermer le growshop à cause d’un stock qui dépasse la quantité tolérée de 500 grammes, une chose inévitable quand un growshop reçoit des milliers de clients par jour. Dans plusieurs communes les autorités ont fermé les coffeeshops situés à moins de 250 mètres d’une école, argumentant que c’est une façon de prévenir la consommation de cannabis chez les mineurs. De cette façon ils ignorent complètement le fait que la consommation de cannabis par des mineurs en Hollande est plus faible que dans plusieurs autres pays où ils n’existent pas de coffeeshops.
Dans les médias néerlandais on a créé d’une certaine manière l’illusion que les politiques tolérantes causent des problèmes qui en réalité sont créés parce que ces politiques ne sont encore pas suffisamment tolérantes. Toutefois, il est difficile de prédire comment cette situation sera finalement résolue. Pour tout le monde, que l’on soit en faveur ou contre le cannabis, il est maintenant clair que quelque chose devrait se passer : après 33 années de politiques tolérantes, les néerlandais devront opter soit pour une légalisation soit pour une interdiction complète.
Ce vote arrive lentement. Dans les prochains mois, le Parlement néerlandais devra examiner une nouvelle proposition du gouvernement, qui se base sur plusieurs rapports dont celui du comité de consultation dirigée par Wim vont de Donk, Président le Conseil Scientifique pour la Politique Gouvernementale (WRR), le plus haut corps de conseillers aux Pays-Bas. Le rapport, qui a été présenté le premier juillet, envoie beaucoup de signaux positifs sur les phénomènes du cannabis et les coffeeshops. En accord avec le comité, la tolérance en ce qui concerne le cannabis n’a pas manqué, au contraire : grâce à cette politique la consommation de cette substance par des adultes a obtenu un espace légitime dans la société néerlandaise.
« Cette consommation, et les éventuelles conséquences négatives pour la santé publique, sont relativement en baisse en Hollande en comparaison avec d’autres États Membres de l’UE, où l’interdiction est appliquée beaucoup plus strictement », écrit le comité. « Grâce aux coffeeshops il est possible de contacter et d’informer les consommateurs de cannabis, et d’appliquer une politique pour éviter les troubles de l’ordre public. Pour cette raison, une interdiction totale du cannabis est indésirable, et la validité de l’argument avec lequel quelques communes actuellement ferment les coffeeshops (la distance de 250 mètres d’une école) est douteuse ».
Le comité présente trois options différentes pour continuer à développer le modèle du coffeeshop avec une solution pour l’actuel dilemme de la « porte de derrière », dans lequel la culture du cannabis est encore interdite et le propriétaire du coffeeshop est obligé de maintenir une position schizophrène avec une jambe dans l’économie légale et une autre dans l’illégale.
La première option est la légalisation totale : les coffeeshops se convertiraient en boutiques normales, et le cannabis en produit normal qui pourrait être simplement soumis à des règles spécifiques telles que les limites d’âge. En accord avec le comité cette option n’est pas désirable encore parce que « elle ne résoudrait pas tous les problèmes en rapport à la consommation du cannabis, elle attirera des touristes étrangers et signifiera que les Pays-Bas devront condamner les traités concernant les drogues de l’ONU ».
Ces arguments peuvent être neutralisés de manière relativement facile. Évidemment personne ne croit que la légalisation va résoudre tous les problèmes, mais c’est précisément l’expérience de la Hollande qui a montré que l’accès sûr au cannabis pour adultes ne provoque pas un accroissement des problèmes de santé. Il ne provoquerait pas non plus un accroissement dans le flux de touristes, parce que la situation à la porte d’entrée ne changerait pas. Toutefois, si l’offre des coffeeshops était légalisée il serait plus facile de réduire les troubles publics du tourisme cannabique et de décourager ceux qui cultivent uniquement pour l’exportation ou la vente hors des coffeeshops. Finalement, plusieurs experts du Droit ont montré que la Convention Unique de l’ONU laisse un espace suffisant pour que les autorités nationales élaborent leur propre politique en matière de consommation de drogues. La Hollande a utilisé cette marge pour introduire une politique tolérante en ce qui concerne la vente de quantités pour la consommation personnelle depuis les années 1970. Ce serait un pas logique s’il étendait cette politique à une légalisation complète 35 années plus tard.
Toutefois, dans l’actuel climat politique des Pays-Bas, la légalisation du marché de cannabis est encore une réalité éloignée. Comme dans les autres pays, cette proposition provoque des réactions viscérales, ce qui rend impossible un examen rationnel.
La seconde option est d’étendre la tolérance envers la vente dans les coffeeshops de la culture pour ces magasins. La substance elle-même serait encore illégale. Le comité rejette aussi cette option, puisqu’il ne mettrait pas fin à l’insertion de groupes criminels dans cette culture. Evidemment cette observation est raisonnable, mais la seule réponse logique à ce problème est qu’il peut être résolu exclusivement en appliquant la première option.
La troisième option, conseillée par le comité, est de transformer le coffeeshop en « un club » fermé du cannabis, avec un approvisionnement réglementé. Les clients devraient adhérer au club, qui organiserait la culture des plantes et offrirait la récolte dans le growshop qui serait seulement accessible aux membres. Tandis que nous souhaiterions la bienvenue à ce système dans tout autre pays, il est clair qu’en Hollande il signifierait un recul. L’enregistrement de consommateurs de cannabis est une mesure discriminatoire qui provoquerait beaucoup de résistance dans un pays où le cannabis est arrivé à faire partie de la vie courante. En outre, il existe un risque sérieux que la situation ténébreuse de "la porte de derrière" apparaisse aussi à "la porte d’entrée". On pourrait s’attendre à ce qu’apparaisse un commerce prospère avec les cartes d’adhésion du club.
Avant tout, le débat sur le cannabis en Hollande cet automne prochain promet de se transformer en une expérience intéressante. Après le rapport du comité de consultation il sera très difficile pour les conservateurs les plus durs d’obtenir la fin de la politique tolérante. Le gouvernement néerlandais devra mobiliser tous ses conseillers de communication pour éviter la conclusion que la légalisation est la seule option s’il s’agit d’avancer. On ne prendra probablement aucune décision claire et l’affaire sera reportée après les prochaines élections, qui auront lieu en 2011.
Par Joep Oomen, avec l’aide de Peter Webster