Cette année plus que jamais nous avons vu un soutien croissant pour la légalisation des drogues. D’importantes figures politiques, d’anciens présidents et la revue The Economist ont rejoint le mouvement international par la réforme de la politique de drogues qui a appelé à une fin de la guerre contre les drogues qui a échouée pendant des décennies. Certains parmi eux vont jusqu’à oser dire que la légalisation des drogues profiterait à la société au lieu de l’endommager.
Source: Encod
Beaucoup d’arguments ont été utilisés par ces importants personnages afin de convaincre des gouvernements, les organismes de l’ONU et la population en général pour lesquels l’analyse des politiques de drogues devrait passer de la justice criminelle à la santé publique.
Ces arguments qui pourraient être appelés « utilitaires » expriment de nombreuses raisons pour lesquelles les drogues doivent être légales. Même les politiciens les plus conservateurs doivent finalement accepter les données qui démontrent que l’actuel système ne fonctionne pas. Très peu de choses peuvent être dites contre l’argument qu’ont été dépensés de milliers de millions pour la prohibition tandis que les drogues restent largement disponibles ; qu’on pourrait générer des millions par la simple légalisation de la marijuana ; qu’on pourrait réorienter ces fonds publics vers le financement du traitement de milliers de toxicomanes ; que la décriminalisation des consommateurs de drogues les pousserait vers la santé publique, améliorerait la sécurité publique et préviendrait des maladies contagieuses ; que la prohibition des drogues refuse l’accès des personnes malades à des substances qui ont d’importantes propriétés médicales.
Il ne peut y avoir que peu de désaccords envers ces arguments économiques et sanitaires. Et c’est probablement grâce à ces arguments que le débat sur la légalisation des drogues a joué un rôle principal dans le débat public que nous pouvons voir de nos jours. Ce n’est pas non plus par hasard que les défenseurs les plus conservateurs choisissent ces arguments pour légitimer leur position. Celui qui emploie des arguments « utilitaires » foule les chemins sûrs de la rationalité et des évidences et qu’en même temps il évite la confrontation avec les valeurs morales et les concepts comme la liberté, l’autonomie et le droit de choisir.
La consommation de drogues est incompréhensible pour la majorité des gens, beaucoup la considère comme insupportable. Il est impossible de maintenir de façon catégorique que les drogues sont bonnes ou mauvaises. Tout dépendra de comment et pourquoi elles sont consommées. Une chose, cependant, est certaine : les gens consomment des drogues pour des raisons spécifiques . Certains consomment des drogues par curiosité ou pour des fins religieuses, d’autres le font pour alléger des douleurs physiques ou émotionnelles et d’autres consomment des drogues simplement « pour se sentir bien, se sentir meilleur et faire mieux ».
Aucun usage de drogues n’est aussi mal compris et aussi mal accepter que ce dernier : « l’utilisation récréative ». Cette forme de consommation de drogues, destinée à promouvoir le plaisir, le bonheur et l’euphorie, est de loin la plus largement pratiquée, et bien acceptée quand il s’agit de drogues légales. Mais dès que l’on parle d’usage récréatif de drogues dites illégales, le ton de la conversation change.
Il est facile de prouver que nous les êtres humains, avons consommé des drogues dans le seul objectif de se distraire pendant des siècles, et qu’en le faisant, nous n’avons pas mis en danger l’avenir de l’espèce ni la société. C’est pour cela qu’il ne devrait pas être tellement difficile de reconnaître que les personnes adultes ont le droit de continuer à consommer leur drogue préférée dans l’espace privé de leurs maisons, pourvu qu’ils ne gênent personne. Alors pourquoi cette forme de consommation de drogues est considérée généralement illégitime et pour cela ignorée en tant qu’argument de valeur ?
Est-ce parce que la recherche du plaisir est comprise comme quelque chose tellement superficiel et trivial que beaucoup de gens se sentent obligés de trouver une autre argumentation pour défendre leurs décisions ? Est-ce parce que beaucoup de consommateurs de drogues expriment une culpabilité pour leur indulgence, et qu’ensuite ils ont besoin d’insister sur le fait que les drogues servent seulement à des « fins sérieuses » ? Ou est-ce parce que le fait de consommer des drogues est considéré dans notre société comme un péché et quelque chose de « moralement incorrect » et la consommation de drogues contredit l’« idéal d’excellence humaine » ?
Toutes ces objections populaires, normalement exprimées dans des termes plus forts, ont soumis la consommation de drogues à la critique morale durant des décennies. Pour cela l’argument de l’utilisation récréative de drogues comme un droit moral s’est transformé en tabou pour la majorité des défenseurs de la réforme de la politique de drogues.
S’il est tellement difficile de convaincre que les drogues devraient être légales parce que les adultes ont le droit légalement d’obtenir des drogues pour l’utilisation récréative, pourquoi ceux qui défendent la légalisation des drogues devraient utiliser cet argument ? On peux trouver au moins trois bonnes raisons. D’abord, ceux qui utilisent des drogues de manière récréative ne se sentiront pas attirés par une argumentation défensive qui dépeint son comportement comme une réponse à une maladie ou un symptôme. Deuxièmement, aucun essai scientifique ne peut contredire le fait que les consommateurs croient sincèrement que les drogues sont plaisantes. Et en troisième lieu évidemment, c’est une affaire de principes et de respect pour les décisions de chacun, les états ne devraient pas intervenir dans les décisions que les gens prennent sur leurs propres corps.
En 2009 on a vu trop d’arguments « utilitaires » dans ce débat, mais on a vu aussi beaucoup de gens interroger avec colère des gouvernements et des autorités, simplement parce qu’ils croient au droit moral de consommer des drogues. Pour l’année à venir on aimerait en voir plus ! Voir plus de Polak défiant Costa, davantage de Marches pour la Marijuana et de protestations face au bâtiment de l’ONU, davantage de campagnes comme celle de Nice People Take Drugs , davantage de discours comme ceux de Marcus Day dans la CND, Craig McClure dans l’IHRA et Ethan Nadelmann et Liese Recke de Reform, davantage de rapports et d’idées créatives pour réguler les marchés comme ceux de Transform et FAC , davantage d’initiatives audacieuses des pays en voie de développement et des personnes qui consomment des drogues.
C’est grâce à leurs efforts et à ceux de milliers d’activistes anonymes autour du monde, que le débat pour la légalisation des drogues gagne chaque jour davantage d’espace et d’alliances importantes , convertissant la fin de la prohibition des drogues en objectif possible plutôt qu’en rêve utopique.
Par Marisa Felicissimo