Dans ce bulletin je parlerai de deux sujets d’actualité.
Tout d’abord, autant l’audience au Parlement Européen (du 23 février), que la réunion de la Commission des stupéfiants (CND) à Vienne ( du 8 au 12 mars ), ont montré la situation inextricable dans laquelle se trouve le processus de décision sur les politiques des drogues tant au niveau de l’Union Européenne qu’au niveau de l’ONU.
Source : Encod
Donc, la question est de savoir quelle devrait être la position d’ENCOD durant la prochaine période dans les capitales nationales, devant l’Union Européenne à Bruxelles et aux Nations-Unies à Vienne.
Les 25 et 26 février j’ai représenté ENCOD dans une réunion à Budapest organisée par HCLU, l’Union Des Libertés Civiques de Hongrie, pour planifier et discuter de la coopération des groupes qui veulent en terminer avec la prohibition des drogues. Etaient présents le Réseau de Réduction des Risques d’Eurasie (EHRN), le Réseau International des Consommateurs de Drogues (INPUD), Realease, les Street Lawiers du Danemark et Transform. L’idée d’organiser une grande conférence européenne, comme la Conférence de l’Association Internationale pour la Réduction des Risques a été écartée, car elle aurait probablement consisté en un effort pour convaincre des convaincus. Prochainement nous voulons mettre l’accent sur des campagnes coordonnées, la contre-propagande, l’aspect juridique, dégager des thèmes. L’un des objectifs de ce groupe sera de créer un sujet de campagne à caractère général qui pourrait être employé dans tous les pays, mais qui doit être adaptable à des publics et à des réalités politiques différents, qui soit compatible avec des situations spécifiques locales et régionales.
Beaucoup d’informations ont déjà été diffusées sur la Commission des Stupéfiants ( CND ) de l’O.N.U. en mars. Ça n’a pas été facile de suivre ce qui s’y passait, mais rapidement il a été clair que rien de très important allait se jouer. Le plus important de la CND de 2009 aura été une explosion inattendue de désaccords. Ce fut l’origine de l’historique lettre d’interprétation ( sur la réduction des risques ) présentée par l’Allemagne au nom de la majorité des états membres de l’UE. Le supposé "consensus global" sur la prohibition des drogues volait en éclats pour la première fois en public.
La bonne nouvelle de la CND de cette année est que cette situation s’est institutionnalisée. Les désaccords se sont approfondis et endurcis. Les Etats-Unis ont assoupli quelque peu leur position, dans les mots plus que dans les actes, mais la position prohibitionniste pure et dure a déjà été récupérée par une coalition informelle de la Russie, du Japon, de la Chine, du Pakistan, de la Malaisie, du Nigeria et de la Colombie. Ces pays veulent augmenter encore plus la répression, tandis que la majorité des pays européens et quelques pays d’Amérique Latine expriment ouvertement leurs critiques et leur souhait de promouvoir des politiques plus libérales à l’ OICS ( Organe International de Contrôle des Stupéfiants ).
Dans ce nouveau rituel de la CND, apparaissent de plus en plus de propositions contradictoires et des objections standardisées. Cela se termine souvent par un compromis qui ne change rien ou peu de chose à la situation actuelle, ou par une décision de faire plus de recherches.
Cette dernière option vient de la proposition du Japon d’inclure les graines de cannabis dans la liste des substances prohibées. L’Allemagne et quelques autres s’y sont opposés car ils considéraient que ce n’était pas un vrai problème et qu’il ne voulaient pas limiter le commerce du chanvre industriel. La décision finale a été d’approfondir le sujet, afin d’analyser le problème et d’évaluer les risques en relation avec ces graines. L’impression générale, d’après ce que je sais, est que cela ne provoquera pas d’interdiction des graines de cannabis au niveau mondial. De nombreux pays sont conscients qu’une interdiction causerait plus de problèmes qu’elle ne pourrait en résoudre.
Ma conclusion est que nous sommes dans une situation inextricable. Dans les débats sur la réforme des politiques des drogues aux sièges des gouvernements nationaux nous sommes mentionnés comme organisation supranationale. Le leitmotiv est que rien ne pourra être modifié sans le consensus de Bruxelles et de Vienne. Cependant, quelque soit la proposition que nous puissions faire à l’UE ( Commission, Parlement) ou à l’O.N.U., ils nous répondent qu’ils ne peuvent agir que dans le cadre de leur mandat, et comme aucun pays n’a demandé de modification des Conventions sur les drogues ( la Bolivie étant la seule exception car elle a proposé la suppression de l’obligation d’interdire la mastication de la feuille de coca ), ils ne peuvent prendre en compte une telle proposition.
Quelques organisations bien intentionnées fondent leur espoir et leurs attentes dans l’amélioration d’un nouveau consensus dans lequel s’appliquerait un respect des droits humains et de la réduction des risques de manière ferme et complète. Dans la situation actuelle, je crois qu’il serait plus facile et plus productif de travailler dans le sens de la disparition définitive du consensus.
Ce qui suit a été pensé comme une proposition pour un débat interne à ENCOD, et surtout à l’attention du groupe de travail de lobby. Vous pouvez exprimer vos idées à [mail]lobby@encod.org[/mail] (si vous n’êtes toujours pas membre de ce groupe de travail, voir ici comment vous pouvez l’être).
Essayant d’améliorer notre message, et en accord avec les "conclusions de Budapest", j’ai rédigé un plan de réflexion général, compatible avec les arguments spécifiques de situations et de problèmes locaux et régionaux.
1- La prohibition devrait être considérée comme une violation des droits humains. La consommation de drogues implique un risque pour la santé, mais ces risques sont de nature à nécessiter une approche légale régulatrice "douce et paternaliste". La prohibition est une approche injuste et inutilement dure, qui laisse la régulation du marché des drogues aux mains des mafias.
2- Les conventions internationales des stupéfiants n’ont jamais eu de bases scientifiques. La principale hypothèse est que la prohibition diminuera significativement la consommation et le commerce de ces substances.
3- Cette hypothèse est fausse, c’est très clair. La relation entre les niveaux de consommation de drogues et les addictions d’une part et, l’intensité de la répression et les politiques gouvernementales en général d’autre part est inexistante ou quasi inexistante. Le " Rapport sur les Marchés Mondiaux des Drogues Illicites 1998-2007" (version courte), éditée par Peter Reuter et Franz Trautmann et publié par la Commission Européenne en mars 2009 l’a de nouveau démontré.
4- On peut tirer une conclusion précise de tout ceci. Il n’y a pas a avoir peur d’une explosion de la consommation de drogues après que les marchés aient été régulés. L’expérience des Pays-Bas ( avec l’accès légalisé au cannabis) et au Portugal ( avec la décriminalisation générale de la consommation et de la possession pour usage personnel) le confirme.
5- Par ailleurs, la prohibition des drogues a causé et continue de causer d’énormes dégâts à l’échelle mondiale, et n’a pas obtenu de résultats probants.
6- Les efforts pour libéraliser les législations nationales sur les drogues sont systématiquement bloqués par les références aux conventions internationales des stupéfiants. Mais l’application de la prohibition internationale des drogues est légitimée par un supposé consensus mondial. Cependant, durant ces dernières décennies,dans les réunions de la CND ont émergé des désaccords fondamentaux sur le caractère et la direction prise par les politiques des drogues qui sont apparemment impossibles à résoudre.
7- Cette situation rend impossible, pour des pays ou des groupes, le développement de politiques basées sur une large et saine expérience.
8- En conclusion on peut dire que les Conventions Internationales des drogues ne sont pas pertinentes, et pire encore, elles sont un obstacle à tout progrès.
9- Les conventions internationales des drogues ne peuvent servir de base à des politiques nationales et internationales. Le "système de contrôle des drogues" au niveau mondial doit être remplacé par des politiques nationales. On peut penser que ces politiques seront développées dans une coopération et une large consultation entre pays voisins.
10- La RÉGULATION doit être inscrite à l’ordre du jour politique.
Par Fredrick Polak