Loi Egalité et Citoyenneté ? Une loi à deux vitesses
La loi égalité et citoyenneté était discutée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 24 novembre dernier après son passage au Sénat. Si l’on peut se féliciter d’un certain nombre d’avancées sur des questions cruciales, l’article 33bis AA nous inquiète particulièrement et questionne l’intitulé même de ce projet de loi.
L’amendement 666-2 à l’origine de cet article prévoit qu’un contrat de location immobilière puisse être « résilié de plein droit à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un des occupants du logement a fait l’objet d’une condamnation passée en force de chose jugée » pour trafic, vente, achat ou usage de drogue, en vertu des articles 222-34 à 222-39 du code pénal.
C’est pourquoi les associations d’usagers de drogues, de défense du droit au logement, des droits humains et d’accès à la santé s’inquiètent vivement de la nature discriminante de cet amendement.
Rien qu’avec le cannabis, ce sont des centaines de milliers de personnes[1] potentiellement concernées. Dans un tel contexte, les peines prévues par la loi (1 an de prison pour usage simple) ne sont largement pas appliquées sauf pour les minorités visibles et les quartiers populaires. La politique répressive s’applique de façon inégalitaire selon les publics et favorise une justice à deux vitesses. Il en sera de même dans l’application de cet article, qui ne fera pas que perpétuer cette inégalité, mais l’accentuera en ne concernant que les locataires.
Les associations d’usagers que nous sommes dénoncent depuis des décennies les effets délétères de la prohibition dont le renforcement des réseaux criminels. Les nuisances liées aux trafics pour les habitants de certains quartiers sont indiscutables, mais ils subissent aussi les conséquences de l’arsenal répressif censé les endiguer. Si l’objet de cet article est de lutter contre les trafics, il aurait pour conséquence de transformer une condamnation individuelle, souvent pour un délit mineur et non-violent, en condamnation collective. Comment peut-on juridiquement et socialement pénaliser des personnes (familles, colocataires, etc.) pour un acte qu’ils n’ont pas commis dans un projet de loi dit d’égalité ? Au passage, la prohibition engendrant une surpopulation carcérale record, comment mettre en place les alternatives à l’incarcération et aménagements de peines sans domicile ?
D’un point de vue médico-social, comment feront les personnes en parcours de soin d’addictologie pour accéder à un logement ? Quid des personnes cultivant du cannabis pour des raisons thérapeutiques alors que l’état ne fournit toujours pas de Sativex, médicament à base de THC pourtant autorisé ? On laisse des malades se chroniciser en situation de précarité ?
Au-delà de tous ces aspects, c’est la contradiction entre des sanctions judiciaires et le droit constitutionnel au logement que cela interroge. L’extrait de casier judiciaire ne faisant pas partie des documents exigibles par un bailleur, cela présuppose-t-il une possible ingérence des bailleurs privés et publics dans la vie privée ? Dans un contexte d’accès au logement déjà tendu, cela porterait gravement préjudice au droit au logement et au respect de la vie privée pour l’ensemble de la population.
Nous dénonçons la mise en place d’une nouvelle loi d’exception stigmatisant encore un peu plus un pan entier de la population, citoyens et contribuables à part entière. Ce traitement aurait des répercussions inacceptables sur l’ensemble de la population dans une époque où la France compte déjà 3,8 millions de personnes mal-logées ou sans domicile et dont 12 millions sont touchés à des degrés divers par la crise du logement[2].
Nous souhaitons le retrait de cet amendement contraire à l’essence même de ce projet de loi.
ASUD, CIRC et Principes Actifs
Avec le soutien de Médecins Du Monde et du D.A.L.
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Source: principesactifs.org