Du 22 au 24 juin 35 membres d’ENCOD de 11 pays ont assisté à l’Assemblée Générale 2012 à T Klooster, Anvers.
Pendant trois jours, l’Assemblée a discuté de ses forces et faiblesses, des opportunités à saisir et des menaces pesant sur ENCOD après 20 ans d’une coalition de citoyens pour des politiques en matière de drogues justes et efficaces, sans oublier de prendre des décisions concernant les défis que nous devrons affronter lors des 12 prochains mois.
Comme d’habitude, la réunion a commencé par un tour de table sur la situation actuelle de la politique des drogues dans les différents pays représentés : Norvège, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Espagne, France, Italie, Slovénie, Israël. De nombreux points noirs ont été soulignés et quelques améliorations sont constatées dans ces pays. La Belgique et l’Espagne présentent des points positifs mais uniquement en ce qui concerne la politique du cannabis, et l’usage médicinal bénéficie d’une acceptation de plus en plus importante dans toute l’Europe. Cependant les politiques d’austérité menace les programmes de réduction des risques qui continuent d’exister dans des conditions très précaires, l’ère de la tolérance zéro n’est pas terminée comme le montre, par exemple, le « weedpass » (carte cannabis) au Pays-Bas.
Danny Freeman, Belgique
L’évènement le plus remarqué du premier jour a été la présence de Chakib el Khayari, président de l’association des Droits Humains du Rif, emprisonné entre 2009 et 2011 après avoir dénoncé les alliances entre des fonctionnaires de l’État et des narcotraficants du Maroc. En 2008, Chakib a été à l’origine du débat sur la légalisation du chanvre/cannabis à des fins industrielles et médicinales et malgré la violence de la répression à son encontre, l’impact et la force du débat n’ont fait que croître.
Aujourd’hui 3 partis politiques parmi les plus grands soutiennent ouvertement cette proposition, ainsi que le conseiller à la sécurité du roi du Maroc. Chakib a proposé a Encod d’accompagner l’introduction d’apports techniques et commerciaux à la culture du chanvre au Maroc. La part la plus importante des bénéfices de cette coopération devra rester entre les mains des producteurs marocains, cela peut permettre une avancée très importante et pas seulement au niveau du Maroc mais aussi au niveau international.
Cuisine populaire, vendredi soir, en T Klooster
Les activités fondamentales d’Encod ont été discutées le samedi : les actions de lobby pour les différentes rencontres, aussi bien pour la Commission des Stupéfiants des Nations Unies à Vienne que pour le Forum de la Société Civile sur la Politique des Drogues dans l’Union Européenne à Bruxelles, ainsi que pour la promotion des Clubs Sociaux du Cannabis comme modèle de régulation du marché du cannabis en Europe (en dehors des Pays-Bas).
Fredrick Polak (Pays Bas) et Max Plenert (Allemagne)
Ça n’a pas été très compliqué pour conclure. Lors des sommets internationaux et européens sur la politique des drogues, les marges dans lesquelles nous pourrons agir seront très étroites. Les représentants de gouvernements et ceux de nombreuses ONG n’arrivent pas à penser en dehors du concept de prohibition. Tout ce que nous pouvons faire c’est rester de côté et observer les mouvements de la tortue géante. On a très vite été d’accord sur le fait que nous ne pouvons ignorer de telles rencontres mais nous avons décidé de limiter notre présence à ce qui est pratiquement réalisable et stratégiquement nécessaire. On formulera les conditions concrètes à respecter concernant notre participation. Nous espérons que cela facilitera aux membres, le suivi et le partage des expériences des délégués d’Encod à ces réunions.
Ingrid Wunn, Allemagne
Des bonnes vibrations ont animé le débat sur la progression des Clubs Sociaux du Cannabis. Autant en Espagne qu’en Belgique, ce modèle semble avoir été reconnu comme une alternative légitime au marché noir, favorisant la protection de la santé et de la sécurité publiques. En Espagne, les clubs se sont rapidement professionnalisés et ils sont en train d’organiser le premier Forun Social International de Cannabis lors de la foire Expo Grow à Irun, au Pays Basque du 14 au 16 septembre 2012. En Belgique, Trekt Uw Plant a multiplié par deux le nombre de ces adhérents, depuis la fermeture, aux Pays-Bas, des coffeeshops frontaliers, aux résidents belges.Le 18 juin, le premier Club Social de Cannabis français a vu le jour à Tours et une initiative semblable se prépare en Slovénie.
Jaka Bitenc et Janko Belin, Slovenie
Dans le courant de cette année Encod réalisera un inventaire des données disponibles et nécessaires sur le fonctionnement des clubs du cannabis en Espagne et en Belgique, en mettant en évidence les preuves que ce système peut contribuer à la réduction du marché illégal. Nous construirons aussi une stratégie commune pour la défense légale de cette initiative qui pourra être utilisée par les avocats dans les pays d’Europe quels qu’ils soient. Nous ferons aussi la promotion active du modèle dans les pays où les activistes nous sollicitent et nous produirons du matériel d’information. Enfin nous défendrons la coopération technique transnational entre les clubs sur des thèmes comme l’organisation ou l’échange de matériel génétique.
Jan Bojer (Norvège)
Le dimanche, l’assemblée a pris des décisions sur une série de propositions d’actions qui ont été présentées par des membres. Suivant l’ordre chronologique :
Le site web d’Encod sera reconstruit en octobre par le webmaster.
Lors des prochains mois on diffusera des pétitions aux membres d’Encod traitant les thèmes urgents comme la réduction des risques (particulièrement en milieu carcéral).
Nous ferons un récapitulatif des membres d’Encod, de leurs compétences et de leurs capacités, pour que cette information puisse être partagée par d’autres membres et par le grand public, optimisant ainsi le réseau.
Nous commencerons à préparer une campagne pour les élections européennes de 2014. Nous voulons donner des informations sur le comportement des partis dans le débat sur la politiques des drogues et lancer une discussion publique sur ce thème. En France et au Royaume-Uni des membres pensent présenter leur propre liste.
Dans les 6 prochains mois Encod soutiendra les manifestations organisées par l’Association des Amis de la Feuille de Coca pour informer sur les vertus médicinales, culturelles et alimentaires de cette feuille et promouvoir son modèle de commerce équitable qui est la base du circuit fermé entre des consommateurs européens de la feuille de coca et des producteurs andins. Dans cette campagne nous espérons collaborer avec des membres d’Encod de plusieurs pays, ainsi qu’avec des populations et des ambassades péruviennes et boliviennes.
Pause dans le jardín du T Klooster
Enfin, nous avons décidé de créer un fond d’Encod. Grâce aux différents projets d’Encod (comme Trekt Uw Plant en Belgique ou VOC en Hollande) le poids administratif sur le budget d’Encod a été réduit. Cela veut dire que chaque année on peut mettre de côté une somme d’argent, une fois que tous les besoins d’Encod ont été satisfaits.
On a décidé que cet argent pouvait servir à soutenir des actions locales des membres d’Encod. Dans cet objectif, on élaborera une procédure pour l’application et la sélection.
La force d’Encod tient dans sa diversité et son indépendance. Nous sommes une authentique coalition de citoyens qui ne se laissent pas avoir par des intérêts à court terme. Toutefois notre point faible réside dans la fragilité de l’appareil qui impose trop de tâches à trop peu de gens qui ont tendance à surestimer leurs capacités propres et à sous-estimer les exigences pour réussir.
’Rien n’est vraiment certain, même pas cette phrase. » (mots de l’écrivain Frederik van Eeden, dans les rues d’Anvers) )
Nous avons des opportunités à saisir dans la cohérence entre travail de lobby concentré sur des actions concrètes qui démontrent qu’une alternative à la prohibition est possible ; et l’activisme de base dans l’aide aux personnes pour faire face aux nécessités du quotidien (CSC et Amis de la Feuille de Coca).
Nous ne sommes pas menacés. La prohibition des drogues est prête à être abolie comme un des programmes sociaux les plus absurdes de l’histoire humaine. L’appel à la population pour que soient envisagées des politiques alternatives plus justes et plus efficaces ne se renforcera que dans les années à venir. Avec d’autres, nous devrions faire en sorte que ces alternatives soient les plus convaincantes possibles. Si nous échouons, nous ne pourrions nous en prendre qu’à nous-mêmes.
Par Joep Oomen
Photos par Maja Kohek, Slovenie
Source: ENCOD