Cent ans après la signature de la Convention Internationale de l’Opium de La Haie, le cadre international de la politique des drogues fonctionne comme le cerveau primitif d’un reptile.
Du Mexique au Pakistan en passant par les territoires de "paco" en Amérique Latine, "Krokodil" en Russie et"Yaaba" dans le Sud-Est asiatique, les prisons des Etats-Unis et les camps de travaux forcés de Chine, tout ce qui est lié à ce que l’on a appelé "politique pour un monde sans drogues" a été un désastre pour la santé publique et la répression policière. La guerre aux drogues est un crime contre l’humanité et la bio-diversité. Y aurait-il un remède en cours de fabrication ? Est-il possible d’élaborer une drogue contre la guerre ?
En théorie, la politique des drogues est une affaire qui dépend de la souveraineté nationale de chaque état, mais la Convention Unique de l’ONU de 1961 établit les principes de chaque état membre de l’ONU qui l’a adoptée. Cela veut dire que si un pays décide de développer une nouvelle politique basée sur d’autres stratégies que la prohibition, il doit tout d’abord demander l’autorisation à l’ONU, tout au moins pour une période probatoire.
Par ailleurs, à l’intérieur des frontières de l’UE, chaque état membre peut faire sa propre politique, mais on suppose que la Commission de l’UE proposera une stratégie commune, au travers de l’Unité du Groupe Horizontal des Drogues et d’une consultation superficielle, à la fois du Parlement Européen (dont les recommandations ne sont jamais prises en compte), et du Forum de la Société Civile ( qui n’a toujours pas réussi à donner une opinion cohérente).
Il faut dire aussi qu’il existe des autorités locales et régionales qui doivent affronter la réalité quotidienne de la rue. Quelques fois des politiques alternatives très spécifiques sont mises en place et sont reconnues après de nombreuses années d’effort, et soudainement elles sont largement diffusées. C’est par exemple le cas de plusieurs mesures très connues de réduction des risques.Paradoxalement, le Gouvernement Fédéral des Etats-Unis (promoteur et sponsor de la guerre aux drogues de l’ONU depuis le premier jour) se confronte actuellement à un dilemme interne car une grande partie de son territoire a adopté des lois permettant la production et la distribution de la marijuana médicinale, contredisant sa classification comme "substance morbide sans intérêt médicinal".
Cependant, quand il s’agit de législation, on ne peut que progresser à l’intérieur du cadre de l’ONU. En fait chaque état membre a remis sa souveraineté à l’ Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS), l’agence qui possède le pouvoir de décision, se basant sur les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, sur l’acceptation ou le rejet des listes mondiales des drogues contrôlées.
C’est l’Office de l’ONU contre les Drogues et le Crime (UNODC) qui gouverne et qui organise les rencontres annuelles de la Commission des Stupéfiants dont elle gère le secrétariat permanent . Le lien entre l’OICS et le pouvoir supérieur de l’ONU c’est l’UNOCD. Vue de près l’OICS est une commission de treize membres "indépendants", alors que la Commission des Stupéfiants de l’ONU est constituée de délégations d’au moins 53 pays.
Cela veut dire que 350 millions de personnes dans le monde qui consomment des drogues illicites sont prises en otage par des décisions émanant de moins de 1000 "délégués" dirigés par 13 "experts", qui," en étroite collaboration avec les organisations régionales compétentes, et avec le soutien total des institutions financières internationales ainsi que d’autres agences compétentes, prennent les décisions finales et astreignantes" pour la mal nommée consultation de la "société civile".
Selon ses propres mots, la 55ème session enregistrera les réussites attendues et identifiées du projet stratégique pour la période 2012/2015, adoptera un budget de programme bisannuel pour 2012/2013 et préparera le cadre stratégique de la période 2014/2015. Peut-être qu’une nouvelle Session Spéciale de l’Assemblée Générale de lONU sera planifiée pour 2014. En d’autres termes, on ne peut rien attendre de nouveau.
Cependant, à cause de la crise économique, l’attention particulière portée à "la régulation des drogues" prend de plus en plus d’importance. Depuis que la Commission Globale sur la Politique des Drogues a recommandé au secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon, dans un rapport, de changer la politique des drogues, plusieurs pays comme la Colombie, le Mexique et le Guatemala demande "la légalisation".
Durant ces derniers mois, même à l’intérieur de l’UE, la Grèce et la Pologne ont décriminaliser l’usage des drogues, et le gouvernement du Pays Basque en Espagne planifie pour un futur proche, la régulation des Clubs Sociaux du Cannabis.
D’un point de vue polémique cette crise économique n’est qu’une nouvelle opportunité pour le crime international organisé de blanchir leurs fortunes, agissant comme des sauveteurs du système économique (comme l’avait reconnu l’ancien directeur de l’UNODC, Antonio Maria Costa), par exemple par leurs investissements dans les paradis fiscaux qui rendent plus sûr leur commerce.Alors, quel intérêt pour la population si le crime organisé domine l’économie mondiale et s’occupe de la politique ?
La situation au Mexique est le destin fatal de l’actuelle "guerre aux drogues" alors que la politique du Portugal a démontré en une dizaine d’années que des alternatives à cette politique peuvent donner des résultats concrets.
C’est pour cela qu’ENCOD, sans moyens mais avec beaucoup de bonne volonté, invite au premier "Sommet pour la Paix des Drogues" du 9 au 16 mars à Vienne.
Le samedi 10 mars, une marche partira pour Vienne afin d’exiger la fin de la guerre aux drogues et changer le système de contrôle des drogues imposé par l’ONU.
Une délégation d’ENCOD assistera en même temps à la réunion de l’ONU et fera part de nos propositions pour des politiques des drogues alternatives telles que les "Cannabis Social Clubs" ou "Les Amis de la Feuille de Coca", ou en soutenir d’autres comme la proposition "le pavot comme médicament".
Par Farid Ghehioueche
Source : ENCOD