AUTOPRODUCTION ET CANNABISTROT
Document édité par la Fédération des CIRCs disponible auprès de l'association dont les coordonnées figurent plus bas
Le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique, CIRC est une association Loi de 1901, fondée le 21 octobre 1991 par l’écrivain Jean Pierre Galland, et qui a pour objet « la collecte et la diffusion à but préventif de toute information relative au cannabis »
Le Circ ne fait ni propagande, ni prosélytisme, ni publicité pour le cannabis (c’est parfaitement inutile).
DROGUES / DÉCRIMINALISER L'USAGE ET RÉGULER LA DISTRIBUTION
Pour en finir avec la prohibition…
Les termes les plus divers sont utilisés pour marquer une rupture avec la logique de la prohibition : libéralisation, dépénalisation, légalisation, réglementation, régulation, décriminalisation. Bien qu’employés indistinctement, ils recouvrent cependant des philosophies et des projets différents. Nous préférons quant à nous parler de décriminalisation et de régulation, en effet, la « libéralisation » et la « dépénalisation » se contentent seulement d’aménager la prohibition. Quant à la légalisation, elle a ceci de commun avec la prohibition de continuer à porter un jugement moral sur les drogues qui dit « les drogues sont mauvaises » et prétend, comme la prohibition, protéger l’individu de lui-même par la Loi.
Décriminalisons l’usage…
La décriminalisation, elle, ne cherche pas à faire tenir à la Loi un discours particulier sur les drogues. Elle se limite à supprimer ce qui permet dans la Loi de traiter en ennemi un individu ayant fait un choix différent de celui que la morale du moment ou une conception mal fondée de la Santé Publique veut promouvoir. Elle vise à rétablir la neutralité idéologique de l’État sur la question des drogues en accord avec la Déclaration des Droits de l’Homme, dont l’article 4 stipule : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
La décriminalisation supprime les mécanismes qui enferment le consommateur de drogues illicites dans la clandestinité et la criminalité, elle le rétablit dans ses Droits et dans sa dignité parce qu’elle fait plus confiance à l’individu pour déterminer ce qui est bon pour lui, qu’à l’État.
Par ce travail négatif, la décriminalisation restaure la liberté et la responsabilité de l’individu et permet à la société d’aborder de façon dépassionnée la question du contrôle sociétal des drogues. Elle s’accompagne d’un contrôle de la qualité des produits et d’une réglementation de la distribution des drogues afin de protéger le consommateur ; elle ne s’étend pas aux torts causés à autrui (accident commis en état d’ivresse, par exemple). La décriminalisation des drogues ne prétend pas, contrairement à la prohibition, les éradiquer. Elle dit seulement ceci : la guerre est finie.
… et régulons la distribution
La régulation est subordonnée à la décriminalisation. Elle s’intéresse plus aux choses qu’aux personnes. Elle vise à bâtir par des modalités souples et révisables un cadre évolutif favorisant la liberté et la responsabilité des individus et permettant d’apporter à ceux qui le souhaitent l’aide médicale ou psychologique nécessaire.
Ce qui fait la force de ce schéma, c’est qu’il considère la question des drogues comme une question ordinaire et la traite avec les moyens ordinaires de l’hygiène sociale, de la médecine et du Droit, contrairement à la prohibition qui traite les consommateurs de certaines drogues en hérétiques et mène contre eux une implacable et coûteuse croisade. La décriminalisation de l’usage supprime, par définition, les délits sans victime que sont la consommation et les délits connexes (production, achat, transport, détention) tandis que la régulation et la réglementation de la distribution supprime, de fait, les délits de trafic, la criminalité liée à la cherté et à la clandestinité des produits interdits et les accidents dus aux produits trafiqués.
Dans l’immédiat, la façon la plus simple de décriminaliser le cannabis serait de le retirer du tableau des stupéfiants, ce qui permettrait de poser d’une façon pragmatique la question de son statut et de sa distribution. Nous proposons un modèle qui combine l’autoproduction (pour la production destinée à l’usage privé) et un système de distribution dont le pivot est ce que nous appelons le « cannabistrot » pour la production destinée au commerce. Le concept de Cannabis Social Club peut être ajouté à cela.
DE L'AUTO-PRODUCTION AU CANNABISTROT
L’autoproduction
L’autoproduction est certainement l’un des chapitres qui tient le plus au cœur des cannabinophiles parce qu’elle permet un approvisionnement non marchand, des cadeaux et des échanges particulièrement bien adaptés à la convivialité du cannabis. Elle impose au marché des prix bas et une bonne qualité.
L’autoproduction est limitée aux quantités nécessaires à un usage privé. Il comprend les quantités destinées à la consommation personnelle et celles offertes aux amis. A notre avis, pas plus que les tomates du jardinier du dimanche, il n’y a lieu de fixer de limite chiffrée à cette quantité. La différentiation entre production commerciale ou privée devant se faire au moment où le produit, au lieu d’être consommé ou offert, devient une marchandise en apparaissant sur le marché. Il y aura certainement des petits malins qui essaieront de commercer hors licence mais ce type de comportement inévitable ne devrait pas avoir beaucoup d’importance si le système légal est bien organisé. Du reste, la législation sur le travail au noir, la concurrence déloyale, la fraude fiscale et la « licence H » seront largement suffisants pour traiter ce type d’infractions banales.
Le cannabistrot
C’est le cœur du dispositif : un lieu associatif convivial où l’on peut acheter au comptoir différentes variétés de cannabis consommables sur place. On y diffuse une information sereine sur toutes les drogues, leur consommation, leurs effets et leurs dangers. C’est le lieu où se construit et s’acquiert une culture de leur usage, où l’on encourage une consommation à moindre risque du cannabis, comme par exemple la vaporisation en mettant à disposition des client(e)s, le matériel nécessaire. Le cannabistrot est aux cannabinophiles ce que la cave à vins ou le bistrot sont aux amateurs d’alcool. Il est régi par une licence particulière.
L’ « Agence Française du Cannabis »
C’est un organisme paritaire regroupant principalement des représentants mandatés des organisations de la filière que sont les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, ainsi que la dose usuelle de représentants de l’État et d’experts. L’agence est chargée d’attribuer la « licence H » et de veiller à son respect. Elle a le monopole de la certification des produits mis sur le marché, qu’elle analyse et contrôle. L’agence gère les licences d’importation et d’exportation, finance des recherches sur la culture (agricole) du cannabis, l’amélioration des semences, leur biodiversité, l’utilisation thérapeutique du cannabis, sur la réduction des risques (promotion de la vaporisation), etc. Le rôle de l’État se limiterait alors à l’encaissement des taxes instaurées à la vente et à la production, ainsi que leur répartition dans son budget.
La licence H
Cette licence dont l’attribution revient à l’AFC, est nécessaire pour l’ouverture d’un cannabistrot ou la production de cannabis récréatif, thérapeutique et de leurs produits dérivés aux effets psychotropes (résines, huile, teinture mère, gâteaux, etc.). La licence H en fixe les principales règles et ne peut être associée à celle autorisant la vente d’alcools.
La certification des produits
Tous les produits vendus au cannabistrot sont analysés et certifiés par l’AFC. Ils sont vendus avec une étiquette précisant le type de produit, la région de production, la concentration en produits actifs, les effets qu’on peut attendre, les précautions d’emploi et les recommandations de prudence et de sobriété utiles, enfin le poids et le prix au gramme. Les produits sont désignés par le nom de la variété ou par le nom de la région de production. La production biologique et biodynamique est encouragée, les techniques conventionnelles contraintes.
Publicité et appellation contrôlée
La publicité serait limitée et alignée sur les réglementations en vigueur pour les alcools et les tabacs. Un système d’appellation contrôlée sera mis en place. Le but de ces dispositions est d’orienter le marché vers un système ressemblant plus à celui du marché des vins (qui garantit la qualité et favorise les petits producteurs) qu’à celui de la bière et des tabacs qui favorise les trusts et les produits standardisés.
Commerce : classique ou passif ?
Le commerce pourra au choix être aligné sur le régime général du commerce ou adopter une forme particulière sans bénéfices (cannabistrot). Dans ce système, afin d’éviter que le commerçant ne pousse à la consommation, l’établissement est régi par une coopérative où les tenanciers sont salariés, le bénéfice éventuel de l’établissement étant versé à un organisme social ou culturel.
Taxes et vignette
Comme n’importe quel produit, le cannabis sera assujetti aux taxes usuelles, et comme les tabacs et spiritueux à la vignette sécu.
On s’abstiendra de grever le produit de trop de taxes afin d’éviter que l’autoproduction et la mutation des actuels réseaux de trafic en réseaux de contrebande ne chassent du marché la production légale.
Production
Les cultivateurs désireux de produire du cannabis à des fins commerciales devront obtenir la certification de leurs produits auprès de l’AFC. Que ce soit à des fins d’exportation ou d’écoulement sur le marché national, ils pourront la proposer eux-mêmes ou par le biais de coopératives de producteurs ou en confier la distribution à l’AFC. Comme n’importe quel producteur, ils devront s’acquitter des différentes taxes exigibles. Ils pourront se regrouper en coopératives pour optimiser leurs cultures, se perfectionner et défendre leurs intérêts.
Importations
Devenu une marchandise ordinaire, le cannabis pourra également être importé des pays où sa production est licite sous réserve que la qualité du produit satisfasse aux exigences sanitaires et légales édictées par l’AFC. La politique d’achat et de certification de l’AFC fera en sorte de faire passer le contrôle de la production de ce produit, des trafiquants aux paysans ; aussi favorisera-t-elle systématiquement dans ses achats les coopératives paysannes.
La vente aux mineurs
La vente aux mineurs, sauf autorisation parentale, sera interdite. Toutefois, vu l’innocuité du cannabis comparé à celle de l’alcool ou du tabac, il paraît judicieux de fixer à 16 ans (âge de la majorité sexuelle) la majorité « cannabique ».
Vente par correspondance
Afin que les consommateurs isolés puissent avoir accès aux produits, la vente par correspondance pourra être accordée dans le cadre de la licence H.
Cannabis thérapeutique
Dans le cas où le cannabis serait prescrit pour un usage thérapeutique par un médecin, il sera remboursé comme n’importe quel autre médicament.
Amnistie
La décriminalisation du cannabis devra avoir un effet rétroactif sur les condamnations pour des délits de consommation, production, vente et trafic et entraîner l’amnistie immédiate des personnes poursuivies à l’exception d’affaires impliquant des crimes de sang.
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Source: blogs.mediapart.fr