Projet de loi, expérimentation médicale et rapport économique, le débat fait rage.
Le cannabis en vente libre en France ? L’idée semble se préciser. Depuis le 19 juin, le sujet fait la une des médias après que soixante-dix personnalités ont appelé les pouvoirs publics « à agir vite » pour autoriser le cannabis au nom du « pragmatisme », dans une tribune publiée en dans L’Obs.
Les signataires – Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann, le maire (LR) de Châteauroux Gil Avérous, trois députés LREM : François-Michel Lambert (Bouches-du-Rhône), Pierre Person (Paris) et Aurélien Taché (Val-d’Oise), des médecins, des chercheurs… – plaident pour « en finir avec le statu quo » et « légaliser le cannabis, à des fins thérapeutiques ou récréatives, pour les consommateurs de plus de 18 ans ».
Suite à cet appel, des députés, dont cinq de la majorité, viennent de déposer une proposition de loi qui prône une « légalisation contrôlée » de cette drogue illicite qui concerne 1,2 million de consommateurs réguliers en France. Une proposition qui tombe à pic, alors que le comité d’experts mandaté par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), nommé il y a six mois pour réfléchir à une expérimentation en France dès 2020, a dévoilé son plan d’utilisation de cette drogue à des fins thérapeutiques.
Dans le même temps, deux économistes mandatés par le Conseil d’analyse économique, la structure chargée de conseiller le gouvernement, proposent la mise en place de magasins contrôlés par l’État qui permettraient à la fois de lutter contre les trafics et de mieux « restreindre l’accès » du cannabis aux plus jeunes…
Enjeux et prospective
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Que contient ce projet de loi ?
L’idée consiste à mettre en place un monopole pour la production et la vente du cannabis par la création d’une société nationale. Cet établissement public, la Seca, pour Société d’exploitation du cannabis, contrôlerait la filière, des semences à la vente de produits dérivés du chanvre indien à des « fins récréatives ».
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Quelle est la position du gouvernement sur la question ?
Son avis est plus tranché. D’après son porte-parole, Sibeth Ndiaye, seul l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques est envisagé, indiquant qu’une vraie réflexion sur le sujet s’avère nécessaire. La ministre de la Santé Agnès Buzyn y est favorable. En revanche, en ce qui concerne son usage « récréatif », le rejet semble catégorique.
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Que dit le plan du comité d’experts consulté par l’ANSM concernant l’utilisation de cette substance à des fins thérapeutiques ?
De nombreux pays ont autorisé l’usage médical du cannabis : Mexique, Pérou, Australie, Grèce, Chypre, Angleterre, Italie, Allemagne… L’utilisation de la plante viserait à soulager certaines douleurs neuropathiques, l’épilepsie, la sclérose en plaques, les pathologies du système nerveux… Le produit serait présenté sous forme d’huile et fleur séchées. L’administration en serait soit l’inhalation, la voie orale en solution ou en capsules. L’expérience débutera en 2020, pour deux ans, sous la conduite de médecins volontaires.
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Que proposent les économistes mandatés par le Conseil d’analyse économique ?
Le CAE préconise la légalisation de l’usage récréatif et prévoit une recette minimale pour l’État de 2 milliards d’euros, pour un prix de 9 € le gramme d’herbe. La commercialisation se ferait par le biais de magasins sous contrôle de l’État et proposerait un produit « propre ». L’offre prendrait aussi des formes qui ne se fument pas pour lutter contre le tabagisme.
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Que dit la loi en matière de drogue douce comme le cannabis pour les consommateurs et les revendeurs ?
L’usage de stupéfiants est puni d’une amende forfaitaire de 200 €. En cas de non-paiement, l’auteur s’expose à une peine de 1 an de prison et 3 750 € d’amende, assortis d’une injonction thérapeutique (L.3412-1 du Code la santé publique). La vente de stupéfiants est, quant à elle, punie de 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende.
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Quel impact aurait la dépénalisation sur les jeunes consommateurs ?
On estime à 4 millions le nombre de jeunes qui consomment du cannabis et à 1,2 million les consommateurs réguliers, dont environ 10 % présentent des problèmes de santé ou des addictions. Cet usage s’avère destructeur du système neurologique. Il provoque aussi une accoutumance psychologique plus ou moins importante et a une influence néfaste sur le comportement, notamment au volant.
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Permettrait-elle de libérer les forces de l’ordre occupées à courir après les petits trafiquants vers d’autres tâches ?
Non, pas du tout, la poursuite des trafiquants, même de petite envergure, demeurerait un objectif d’actualité, car il serait illusoire de penser que la dépénalisation amènera la disparition du trafic. Là où le cannabis est légalisé, les trafiquants s’adaptent pour capter leur clientèle avec de nouvelles substances.
Le cannabis n’a rien d’inoffensif
Cette drogue, qui est bien loin d’être anodine, je le rappelle, touche essentiellement les adolescents et les jeunes adultes. Contrairement à certaines idées reçues selon lesquelles le cannabis ne provoquerait pas d’addiction, la dépendance psychologique peut très vite s’installer. De plus, il suffit de se pencher sur les travaux du Centre européen de surveillance des drogues et de leurs addictions, qui annonce que la teneur en THC de cette plante a triplé depuis 2012, avec pour conséquence une progression exponentielle des prises en charge de jeunes patients pour des troubles psychiatriques graves (schizophrénie, psychoses, perceptions modifiées, etc.). Un autre exemple concerne l’État du Colorado, aux États-Unis, où la consommation récréative a été autorisée en 2012. La prise en charge d’adultes atteints de troubles psychiatriques pour la période 2012-2014 y a augmenté de 20 %, et celle des jeunes a triplé. Mais le trafic illicite n’y a pas baissé, comme ce qui a pu être observé dans les pays européens (Belgique, Allemagne, Espagne, Portugal, Pays-Bas…) qui ont également assoupli leur législation.
Source: francedimanche.fr
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