Sclérose en plaques, épilepsie, SIDA, cancer, douleurs: le cannabis a déjà prouvé son efficacité.
Dans un tableau, intitulé «Effets thérapeutiques du cannabis étudiés et possibles applications», on trouve une bonne partie des maux qui accompagnent l'humanité, des vagissements aux derniers râles: nausées, glaucome, dépression, sclérose en plaques, maladie de Crohn, asthme, insomnies, cancer…
Le cannabis thérapeutique, ou médical, agirait donc contre toutes ces maladies: «Le THC et le CBD, deux composants du cannabis, sont connus pour soulager certaines personnes qui ont des difficultés somatiques ou psychiques. Prescrit pour ses vertus thérapeutiques, le THC propose un large spectre: il peut être un antidouleur ou un stimulateur d'appétit. Il est beaucoup utilisé pour réduire les spasmes de la sclérose en plaques. Le CBD peut favoriser l'endormissement et combat l'anxiété», écrit le GREA, le Groupement romand d'études des addictions, dans une publication datée du 4 mai 2017.
Il fut un temps où le cannabis était en vente libre dans les pharmacies de Suisse: «Jusqu'en 1950, la teinture de chanvre était un médicament courant qu'on trouvait en pharmacie. Les gens soignaient leurs douleurs grâce à cette teinture: c'était un analgésique assez faible, mais il faut repenser à la médecine d'il y a 100 ans», explique le docteur Claude Vaney, président du groupe d'experts Application médicale limitée de stupéfiants interdits. C'était avant que le cannabis (ou le chanvre) soit diabolisé et confié aux bons soins des dealers, ces amis du genre humain.
Sclérose en plaques
La sclérose en plaques, une maladie encore mystérieuse, probablement auto-immune, se caractérise par des crampes et des spasmes musculaires. «C'est l'une des possibilités thérapeutiques les plus encourageantes pour le THC et le CBD», estiment les experts du GREA. «La tolérance est jugée bonne, les effets indésirables sont classés comme étant principalement modérés et passagers», écrit le docteur Vaney, dans un article de la Revue médicale suisse (2015).
Des études américaines ont démontré l'action positive des cannabinoïdes sur les personnes atteintes de sclérose en plaques. «Aujourd'hui en Suisse, poursuit le GREA, les spasmes musculaires violents et douloureux peuvent être traités médicalement par le Sativex, un extrait de cannabis contenant une quantité égale de THC et de CBD. Il est ainsi possible notamment de réduire les doses d'opiacés.» Commentaire de Claude Vaney: «Aujourd'hui, le Sativex, un spray à base de cannabis, est homologué, mais il coûte 650 francs pour une cure de deux mois, alors que la plante pousse gratuitement, ou presque…» Une motion – la motion Kessler – demande au Conseil fédéral d'autoriser le cannabis à des fins thérapeutiques.
SIDA et cancer
Les traitements lourds, visant à lutter contre le SIDA ou le cancer, s'accompagnent souvent d'amaigrissement et de troubles de l'appétit. En stimulant directement l'hypothalamus, qui règle les sensations de faim, les cannabinoïdes combattent l'inappétence et les pertes de poids. De plus, ils ont des propriétés antivomitives, qui réduisent les nausées. En ce qui concerne le cancer, une étude de 2003 a montré que des traitements à base de cannabis pouvaient réduire la croissance tumorale.
Douleurs
«Les cannabinoïdes permettent de lutter efficacement contre les douleurs chroniques (rhumatisme, migraines) et aiguës», relève le GREA. Le cannabis s'est révélé être une alternative pour les patients qui sont devenus résistants aux antidouleurs conventionnels. En associant le cannabis et les opiacés, il est possible de diminuer les doses d'opiacés, «avec un effet identique et moins d'effets secondaires». Aux Etats-Unis, où de nombreux Etats ont déjà légalisé le cannabis, on a constaté une baisse de la consommation des opiacés, avec nettement moins de morts par overdoses liées aux opiacés. Parallèlement, la consommation des analgésiques traditionnels a baissé.
Epilepsie, Parkinson…
Le cannabis a montré une efficacité dans les cas d'épilepsie, avec des crises moins fréquentes. Il peut réduire les mouvements involontaires dans la maladie de Parkinson. En outre, ses effets anti-inflammatoires sont utiles dans certaines maladies, comme la maladie de Crohn, et ses propriétés antioxydantes lui ouvrent de larges perspectives thérapeutiques. Commentaire du Groupement romand d'études des addictions: «Les études réalisées à petite échelle et les rapports médicaux soulignent déjà le fort potentiel du THC et d'autres cannabinoïdes pour le traitement de plus de 50 maladies et pathologies. Il faudra des décennies pour examiner cela à travers des études de grande ampleur.»
Trois questions à Claude Vaney
Claude Vaney est président du groupe d’experts Application médicale limitée de stupéfiants interdits.
Si maintenant, je veux me soigner avec du cannabis, comment dois-je faire?
Si vous avez une sclérose en plaques, il suffit que le médecin fasse une ordonnance stupéfiant, comme pour aller chercher de la morphine. Et avec cette ordonnance, le malade reçoit son spray, le Sativex. Pour une autre maladie, une fibromyalgie par exemple, le médecin doit ajouter à sa demande d’ordonnance stupéfiant une justification auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), en précisant la situation du patient. Cette demande est examinée par l’Office fédéral de la santé publique, qui en reçoit près de 1000 par année, et dans 99% des cas elle est acceptée. Quelquefois, l’OFSP hésite et demande un avis supplémentaire auprès du groupe d’experts.
Nous avons dans le cerveau des récepteurs pour les cannabinoïdes. Que faut-il en conclure?
Cela veut dire que cette plante nous accompagne depuis des millénaires, comme les opiacés nous accompagnent. Le corps humain recèle des endocannabinoïdes, ce sont des neurotransmetteurs dont la formule chimique ressemble à la formule de certains composés du chanvre. C’est une structure chimique que l’homme et les plantes ont en commun. En prenant la plante, on apporte des cannabinoïdes extérieurs, qui vont se fixer sur ces récepteurs. Par exemple, cela peut aider à combattre certaines inflammations, car le THC, l’un des composants du cannabis, agit sur la concentration des cytokines, qui sont des messagers du système immunitaire en cas de réaction allergiques et inflammatoires. Voilà pourquoi certaines maladies inflammatoires peuvent répondre aux cannabinoïdes.
Pensez-vous que l’Etat devrait contrôler la vente de cannabis?
L’Etat devrait contrôler ce marché, oui. Certains pays, comme l’Equateur, l’Uruguay, l’Allemagne et le Canada considèrent maintenant que le chanvre a une valeur thérapeutique. Une personne de 40-50 ans, qui a tout essayé pour lutter contre ses douleurs, pourquoi ne se tournerait-elle pas vers le cannabis à des doses bien contrôlées? Le cannabis n’est pas une plante magique, mais elle a des propriétés certaines et elle devrait trouver sa place dans la médecine moderne.
Propos recueillis par Jean Ammann
Source: lecourrier.ch
Il n’y a aucun commentaire à afficher.