Farouche opposant à la légalisation et la dépénalisation du cannabis, le nouveau ministre de l'Intérieur Manuel Valls devrait maintenir le cap de l'interdit, malgré certaines propositions d'assouplissement émanant de son propre camp.
Interrogé sur le cannabis lors du premier débat des primaires socialistes organisé par France 2 mi-septembre, M. Valls s'était dit "fermement opposé, au nom même des valeurs de gauche (...), à toute concession dans ce domaine".
"Les ravages de la drogue sur des jeunes, des gamins, dès le collège (...) ça commence souvent - pas automatiquement - par ce type de consommation, par cette économie souterraine qui mine nos quartiers", avait poursuivi M. Valls.
En juin 2011, le nouvel homme fort de la Place Beauvau avait également critiqué la proposition d'un groupe de travail socialiste présidé par Daniel Vaillant, préconisant la "légalisation contrôlée du cannabis" et la mise en place d'une véritable "filière nationale". "L'idée de légaliser le trafic de cannabis, de l'officialiser, d'en organiser la diffusion, va à l'encontre de mes valeurs", avait alors réagi le député-maire d'Evry (Essonne).
D'autres ténors du PS, eux, avaient adopté une position plus mesurée. Jean-Marc Ayrault, ancien chef de file des députés PS et nouveau Premier ministre, avait estimé à l'époque que la question de la légalisation n'était "pas tranchée", et que la gauche, une fois au pouvoir, "organisera(it) une commission de consensus pour essayer de dégager des solutions".
François Hollande, en revanche, avait déclaré avant son arrivée au pouvoir qu'il souhaitait maintenir l'interdit et qu'il ne reprendrait pas la proposition du sénateur-maire de Dijon François Rebsamen visant à transformer en contravention le délit de consommation de cannabis. "Nous pouvons rester sur une logique pénale, y ajouter une logique de soin", avait souligné en avril le futur président.
La France, qui possède l'une des législations les plus répressives d'Europe, figure au cinquième rang européen au niveau de la consommation de cannabis.
En dépit de la politique de prohibition menée depuis 1970, près de 4 millions de personnes avaient, en 2010, consommé du cannabis au moins une fois dans l'année, et 1,2 million de personnes seraient des consommateurs réguliers, à un niveau stable par rapport à 2005.
Fabrice Olivet, de l'association Asud (Auto-support des usagers de drogues), qui milite pour la dépénalisation, "espère que le ministère de la Santé fera contrepoids" à l'Intérieur sur la question des drogues. M. Valls "fait partie de ces socialistes qui pensent que pour pouvoir être crédible sur le plan de la sécurité, il faut avoir un discours qui ne se distingue pas de celui de la droite au niveau des valeurs, notamment sur l'usage de drogue", juge-t-il.
"Or, on fait totalement fausse route, la politique de répression en œuvre frappe en majorité les plus faibles, les gens qui vivent dans les banlieues et issus de l'immigration", ajoute-t-il. "Ma crainte, c'est que le dossier drogue paie l'accusation de laxisme des socialistes sur le dossier de l'immigration."
Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran (Seine-Saint-Denis), qui voit dans la dépénalisation le seul moyen de lutter contre les trafiquants, prédit quant à lui que le débat sur cette "question de santé publique" refera nécessairement surface pendant le quinquennat.
"Valls est pragmatique. Il va devoir aborder cette question un jour ou l'autre s'il veut gagner la lutte contre les trafics", a-t-il déclaré à l'AFP.
Photo: afp.com/Bertrand Guay
Source: Le nouvel Observateur