Au sein du gouvernement et du PS, les avis divergent quant à la dépénalisation du cannabis. Après que la ministre Cécile Duflot a réaffirmé son souhait de le dépénaliser sur RMC le 5 juin dernier, François Hollande a souligné qu'il y était opposé. Le sujet n'est pas anodin, un référendum serait la meilleure façon de trancher, selon Gérard Pancrazi, juriste.
Bien que le président François Hollande y soit hostile, il est une évidence qu’un courant de plus en plus fort va en direction de la dépénalisation de l’usage du cannabis.
Le président, qui a sur ce sujet des opposants au sein de son gouvernement, pourra-t-il résister longtemps ? Dans son propre camp des voix s’élèvent et pas des moindres. Le maire de Dijon François Rebsamen, Daniel Vaillant qui a été ministre de l’intérieur, Jean-Michel Baylet, président du parti radical.
En l’état actuel de la législation, l’usage de produits stupéfiants est interdit par l’article L3421-1 du Code de la santé publique, qui comprend des peines maximales d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. Une peine complémentaire prévoit aussi un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. Le consommateur peut éviter la sanction pénale en acceptant une aide médicale, psychologique et sociale, signe du fondement préventif de la répression de ce délit.
Des arguments sont avancés de part et d’autre pour ou contre la prohibition. Quels sont-ils pour l’essentiel ?
Pour les anti-prohibitionnistes : une majorité de jeunes, 60%, fume du cannabis. C’est donc bien que la prohibition ne fonctionne pas. Or, ils ne font de tort à personne ; le tabac et l’alcool font chaque année de nombreux morts sans compter les maladies qui leurs sont liées, on ne songe pas à les interdire pour autant ; la vente sous contrôle de l’Etat, donnera aux consommateurs un produit de qualité. Enfin, elle mettra fin aux gangs mafieux.
Pour les prohibitionnistes, le cannabis est un produit nocif qui réduit la motivation et les possibilités de concentration, de même qu’il est un obstacle à la mémorisation. L’OMS et l’ONU le classent dans les produits stupéfiants avec l’héroïne, la cocaïne et l’ecstasy. Aussi, la loi pénale a un rôle de protection sociale, on sanctionne les personnes qui commettent des manquements fondés sur une loi qui a pour objet de les protéger.
Selon eux, autoriser la consommation de cannabis limitera toute action préventive : si c’est autorisé, c’est que cela n’est pas si nocif que cela. Cela entraînera une surconsommation de la part de ceux qui consommaient déjà et pour ceux qui ne souhaitaient pas braver l’interdiction, ils seront tentés d’essayer et pourquoi pas d’en faire un usage régulier. Et, c’est souvent le premier pas vers des drogues plus fortes.
Enfin, ils estiment que les trafiquants proposeront des prix plus concurrentiels que le cours légal, et compenseront leur manque à gagner avec d’autres drogues plus rentables.
La dépénalisation du cannabis ne doit ainsi pas être tranchée à la légère. C’est un problème grave de santé publique qui touche la jeunesse, de façon importante si l’on en croit les chiffres avancés par ceux qui veulent dépénaliser son usage : il y aurait 1,2 millions de consommateurs de cannabis en France, dont 550.000 usagers quotidiens.
Mais si le gouvernement revenait sur le statu quo actuel, seule la voie référendaire paraît susceptible de pouvoir trancher un débat de société qui touche très directement et très intimement les personnes.
Photo: Cécile Duflot et François Hollande le 7 juin 2012 à l'Elysée (M. BUREAU/AFP)
Par Gérard Pancrazi Juriste-expert
Source:Le Plus - NouvelObs