Le CIRC revient sur l’annonce du nouvel occupant de la Place Beauvau, prévoyant d’ici à quelques mois, une « contraventionnalisation » des usagers de chanvre/cannabis. Le sujet nous semble suffisamment grave et important pour insister sur la nature fondamentalement contre-productive et injuste de ce qu’on nous présente comme un progrès.
Le fait est qu’en tout état de cause, cela permettra de réduire considérablement les procédures en mettant un terme, en partie, aux gardes à vue et aux éventuels déferrement devant les tribunaux. « En partie » dans la mesure où il n’y aurait pas récidive. Or à l’aune des pratiques policières en matière de contrôle, le plus souvent menés de façon arbitraire et discriminatoire à l’encontre des jeunes des quartiers populaires issus des « minorités visibles », il est à craindre que leur mise à l’amende répétitive exacerbe des tensions déjà bien palpables.
La question est donc de savoir quel est l’objectif du gouvernement. S’agit-il comme cela semble être le cas, de simplement désengorger commissariats et tribunaux tout en faisant un petit appel du pied démagogique à l’intention du jeune électorat ? Ou y aurait-il une véritable volonté de répondre aux problèmes que l’on connait actuellement qui sont par ailleurs directement imputables au dispositif actuel ? La politique des drogues ne peut supporter de demi-mesures sans risquer de produire l’exact contraire de ce qui est rechercher.
S’il s’agit par-contre de parvenir à une réduction de la criminalité, de la surpopulation carcérale (15 % environ des prisonnier-e-s le sont pour des ILS*), à juguler l’explosion des trafics, de l’usage et de la corruption institutionnelle (cf. les affaires Michel Neyret et François Thierry), il n’y a véritablement d’autres mesures à prendre que de réguler le marché des stupéfiants.
Nous parlons là d’une véritable révolution des mentalités demandant d’admettre enfin que la prohibition fait bien partie du problème et n’est donc pas la solution. De reconnaitre aussi que l’usage problématique des stupéfiants ne représente qu’une petite minorité des consommateur(trice)s (moins de 10 %) maintenu(e)s, que la loi du 31 décembre 1970 elle-même contribue à maintenir dans un état de précarité sanitaire, sociale et morale.
Concernant le seul chanvre/cannabis et sa « contraventionnalisation », un autre casse-tête se présente. Il concerne l’usage thérapeutique. Les patient(e)s de plus en plus nombreux(euses) à trouver réconfort, soulagement ou soins dans l’utilisation de cette plante, seront-ils/elles soumis(es) au même châtiment financier ? Seront-ils/elles aussi victimes d’une double voire triple peine en se voyant en plus interdit(e)s d’accès à ce précieux médicament ?
Nous ne conseillerons trop aux ministères véritablement concernés que sont ceux de la Justice et de la Santé, de s’intéresser aux expériences menées chez nos partenaires européens et ailleurs. Des Pays-Bas au Portugal, en passant par l’Uruguay, il existe des exemples d’alternatives au tout répressif que seule la signature de traités internationaux dépassés empêche de réaliser pleinement. Il s’agirait donc aussi que nos pays se concertent afin de les remettre en cause pour ainsi poursuivre le mouvement antiprohibitionniste engagé. Sans doute l’appui du Canada permettra-t-il aussi de parvenir à un accord global.
Malgré cette fausse bonne nouvelle, le CIRC demeure optimiste… mais vigilant.
* Infraction à la législation sur les stupéfiants
Par KShoo
Blog : Le blog de KShoo
Source: blogs.mediapart.fr