Cultiver à domicile un cannabis 'bio' à usage personnel : c'est le choix, risqué, qu'a fait ce cannabiculteur de Perpignan, et avec lui au moins 200 000 autres Français.
A première vue, c'est un appartement tout ce qu'il y a de plus normal. Un appartement de trentenaire célibataire, avec son matériel hi-fi, son ordinateur puissant, son désordre contenu… et un drôle de placard, qui s'ouvre - discrètement - sur des plants de cannabis.
Nicolas, comme nous l'appellerons, fait partie des quelque 1,2 million de consommateurs réguliers de cannabis en France. Et, comme au moins 200 000 autres*, il a fait le choix de cultiver lui-même son herbe. "J'ai pris cette décision il y a dix ans, quand un jour, je me suis aperçu qu'il y avait du verre pilé dans l'herbe que j'avais acheté. Les dealers l'avaient ajouté pour 'faire le poids'. Le haschisch déjà, une simple observation au microscope m'avait vacciné à vie : cristaux de résine mêlés à de la terre, des poils et autres matières brunâtres… J'avais compris pourquoi on appelait ça le 'shit'. Et même si la consommation de cannabis n'est déjà pas un cadeau pour la santé, j'ai mes limites…".
Nicolas a alors décidé d'investir dans la cannabiculture, en se renseignant de l'autre côté de la frontière auprès de magasins spécialisés. Et il s'agit bien d'un investissement : lampes choisies pour un meilleur rendement lumineux par watt consommé, humidificateur, ventilateur, intracteur et extracteur d'air… "Et surtout un filtre à charbon pour éliminer les odeurs, surtout en fin de culture".
En tout, il y en a pour près de 500 €. "Mais c'est rentable, dès la première récolte. Je cultive 16 pots sur 1 m2, la culture en terre me permet de cultiver jusqu'à 7 variétés différentes et comme je n'ai pas de vocation commerciale, une culture par an me suffit largement pour ma consommation personnelle : en trois mois environ je récolte entre 220 g et 270 g de produit sec". Un produit sec qui se vendrait entre 8 et 10 € le gramme*, auprès des circuits.
"Je prends moins de risques, qu'en courant après mon dealer"
Et Nicolas ne s'est pas arrêté là dans sa recherche d'un produit toujours plus 'naturel'. "Au départ j'ai voulu me lancer dans l'aéroponie, une technologie qui consiste à arroser les racines de solutions nutritives, sans aucun substrat. Mais j'ai fini par passer à la culture en terreaux, avec des engrais majoritairement bio. A l'inverse des cultivateurs à but commercial, qui utilisent des engrais chimiques, sans rinçage, pour augmenter leur rendement. Ces produits se retrouvent après dans l'organisme et s'accumulent dans les reins".
Il y a quatre ans, Nicolas a décidé de franchir un nouveau pallier en supprimant le tabac de sa consommation. "Cela va même au-delà, puisque j'ai complètement arrêté de fumer. J'ai acheté un appareil de vaporisation, qui fonctionne sur un principe très précis : la résine, qui contient les substances actives et gustatives, est vaporisée par un jet d'air chaud, sans combustion. La vapeur dégagée est stockée dans un ballon d'où l'on peut la respirer. Cela a réduit ma consommation de cannabis sur une année d'environ 30 %. Alors, l'appareil coûte plus de 350 €, c'est vrai. Mais l'économie, je la réalise sur le tabac, les feuilles à rouler…".
Mais ces explications circonstanciées ne sont pas un bouclier dédouanant Nicolas de sa responsabilité. Ce qu'il fait, il le sait, est strictement illégal. "Oui, trois mois par an, je prends des risques. Je connais la loi. Mais je prends sûrement moins de risques qu'à l'époque où je devais courir sans cesse après mon dealer, me rendre dans des lieux pas très fréquentables et transporter sur moi ma consommation".
Des explications qui ne convaincraient pas la justice, le cas échéant.
*Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
SOURCE : l'independant