À Maastricht, les dealers alpaguent les touristes en pleine rue sans même se cacher. Sur la route du retour, pas un seul contrôle policier...
MAASTRICHT: Voilà trois jours que la carte cannabis est d’application dans les provinces du sud des Pays-Bas. La nouvelle loi néerlandaise s’est accompagnée d’un lourd renforcement policier à la frontière et sur les autoroutes. Plus question donc, pour les milliers de Belges fumeurs de haschisch, d’aller chercher leurs 5 grammes mensuels indispensables à (une partie de) leur consommation personnelle. Voici pour la version officielle. Nous avons voulu nous rendre compte par nous-même si acheter de la drogue en pays batave était devenu impossible, comme le martèlent les autorités néerlandaises, belges et françaises réunies depuis dix jours.
Eh bien… tout est encore possible. Notre aventure, en cette belle journée de jeudi, se fera sans voir une seule blouse bleue. Le long de l’autoroute, passé Visé et Cheratte, les parkings où les policiers réalisent leurs contrôles sont vides. À peine aperçoit-on un panneau lumineux annonçant la couleur : “Geen soft drugs te koop.”
Les rues de Maastricht, elles aussi, sont exemptes de policiers. Le premier coffee-shop sur notre chemin, le Heaven 69 , est fermé. Pourtant, on est au-delà de l’heure de l’ouverture. Voyant notre intérêt pour les affiches de protestations collées sur sa vitrine, Danielle, 29 ans, nous tend une affiche : “Nous avons tous fermé nos portes, en protestation contre cette nouvelle loi hallucinante. La police ne nous a rien imposé. On perd plus de 70 % de notre clientèle. Qui se rabat sur les dealers dans la rue. Depuis octobre, leur présence ne fait que s’accentuer…”
“Chez nous, l’âge minimum était respecté, 18 ans. Pensez-vous, les autres n’en ont cure, et seul l’argent les intéresse. Que ce soit à vélo, à scooter, ils vendent des drogues douces, mais aussi de l’héroïne et de la coke à tous les touristes qui passent…” Danielle pointe avant tout les intérêts politiques des supporters duwietpass. “C’est un jeu entre la gauche et la droite, et cette petite guéguerre va nous coûter cher…”
L’Easy Going , l’un des plus grands et des plus connus coffee-shops maastrichtois, dont le gérant, Marc Josemans, avait, dès le 1er mai, bravé l’interdiction en faisant rentrer des personnes de toutes nationalités dans son établissement, a lui aussi décidé de fermer durant un mois.
“Parce que nous refusons de discriminer et d’enregistrer nos clients de façon permanente, nous avons été fermés par le maire. Selon le ministre de la Justice, tous les étrangers doivent acheter du cannabis chez eux dans le circuit illégal, avec tous les risques qui en découlent. Nous refusons de suivre de telles règles, qui soutiennent cette politique moraliste et symbolique.”
À peine nous sommes-nous éloignés de la devanture qu’un jeune, training gris et casquette, se plante devant la vitrine et propose de l’herbe. “Je peux vous fournir la même chose qu’à l’Easy, 5 grammes au même prix. Et de meilleure qualité que les Marocains qui vendent là derrière…” Nous faisons mine de ne pas être intéressés et nous dirigeons vers les quais sur Meuse, à deux mètres de là. Derrière un abribus, un groupe de jeunes fume ostensiblement un joint .
Nous nous décidons de leur demander s’ils vendent ce que nous recherchons.“Pas de shit, mais de la White Widow… 2,5 grammes pour 20 euros.” Un prix bien au-dessus de la moyenne, selon un connaisseur dont nous avions fait la connaissance lors de notre promenade. “Ils en profitent, maintenant qu’il y a moins d’offre, les prix augmentent…”
Le long des quais, un autre groupe vend – sans trop se cacher – à d’autres touristes. Un commerce qui nous semble si facile… Preuve que le deal de rue couvrira, peu à peu, la demande des consommateurs étrangers.
F. Sc
source : La Dernière Heure