LE PLUS. Fumer du cannabis régulièrement à l'adolescence peut provoquer des pertes irréversibles de QI, révèle une étude néo-zélandaise. De quoi affûter le message de prévention auprès des ados ? Pour l'addictologue Michel Lejoyeux, si cette étude n'est pas que fumée, ce n'est pas elle qui nous aidera à bâtir un message de prévention équilibré.
Édité et parrainé par Daphnée Leportois
CANNABIS. Une nouvelle étude vient de paraître sur les effets du haschich. Elle montre que le cerveau des adolescents est particulièrement sensible au cannabis. Nous connaissions depuis longtemps le syndrome amotivationnel, avec sa perte d'envie, sa chute du rendement professionnel et scolaire. Nous connaissions le cercle vicieux entre l'échec scolaire incitant à fumer de plus en plus et les troubles de concentration provoqués par le cannabis. Le travail néo-zélandais qui vient d'être publié va plus loin. Il porte sur des jeunes de plus et de moins de dix-huit ans.
Cessons d'aborder le haschich comme la pollution
Nos chercheurs suggèrent que le haschich est particulièrement "mauvais" pour le cerveau avant 18 ans et qu'il l'est moins, ou presque pas, après. Si l'on suit ces résultats, il y aurait un âge de sensibilité au haschich et, passé ce cap, on pourrait fumer "presque" sans danger pour ses capacités intellectuelles. Avant 18 ans, le QI partirait en fumée. Après, il résisterait mieux.
Les addictologues (et j'en suis un) voient passer les unes après les autres ces études de toxicité. J'aurais face à ce travail, comme à bien d'autres, envie de faire un rêve. Pourrait-on un jour cesser d'aborder la question des substances psycho-actives comme celle de la pollution ? La question de l'alcool, du tabac, du haschich et des autres drogues n'est pas la même que celle du diesel ou des rayonnements ionisants. On se bat, on se débat avec les questions de toxicités alors que le principal problème est celui de la dépendance.
Je continue à rêver en espérant que l'on accepte l'idée que ces produits ne font pas les mêmes effets à tout le monde et que l'on est plus ou moins à risque de dépendance selon son niveau d'anxiété, de tristesse ou de difficultés sociales. Le facteur humain, le facteur individuel est prédominant. Si l'on reste bloqué sur cette question de toxicité, on continuera à oublier que la dépendance, forme pathologique de la passion, est une question avant tout psychologique et/ou comportementale.
Le poison n'est pas que dans la substance
Nous sommes avec l'addiction face à un phénomène infiniment plus complexe et variable que l'action d'une molécule sur le cerveau ou le comportement. Chacun a pu en faire l'expérience : un verre de vin n'a pas le même effet ni le même goût selon le contexte dans lequel on le prend. Le problème n'est pas dans la bouteille ou dans le joint mais dans l'état d'esprit du buveur ou du fumeur, dans ses besoins, dans ses attentes.
Pour un nombre multiples de raisons que nous sommes loin de toutes appréhender, certains, à un moment de leur vie, font avec une substance une rencontre passionnelle. Ils sont séduits, pris, accrochés et perdent le contrôle d'eux-mêmes. Ils se fichent bien dès lors de l'effet de la première dose. Ils ne se contentent pas plus d'une seule dose que l'amoureux n'accepterait de passer une journée ou une nuit près de l'homme ou de la femme qu'il ou elle aime. Le poison est donc moins dans la substance que dans le besoin de répétition et la relation d'emprise qu'elle induit.
Je persiste dans mon rêve. Le jour où nous aurons intégré la compréhension de la dépendance dans ce qu'elle a de psychologique, nous serons capable de contruire un discours de prévention et de santé qui ne soit ni menaçant ni angélique. Juste vigilant.
Par Michel Lejoyeux
Psychothérapeute
Photo: M.UGARTE/SIPA
Source: leplus.nouvelobs.com