Des escadrons d'agents fédéraux fondent aux quatre coins des Etats-Unis pour fermer sans ménagement les centres légalement autorisés à distribuer de la marijuana pour usage médical, dont l'efficacité est prouvée pour une dizaines de maladies graves au moins. Les patients font les frais de ce déchaînement de l'Administration Obama qui vient d'entraîner une prise de position publique spectaculaire de son propre parti à son encontre. Et la colère se répand à travers les usagers.
Si le Président voulait pousser le nord ouest des Etats-Unis à intensifier sa contre-culture qui tourne résolument le dos au reste de l'Amérique depuis des décennies, il ne s'y serait pas mieux pris. En début de semaine, 29 élus du Parti Démocrate de San Francisco ont voté une résolution les appelant, lui et son administration, à respecter les lois locales et à cesser la fermeture en masse des centres médicaux autorisés à distribuer légalement de la marijuana. Mais la colère des San Franciscains déborde largement les contours de la Californie du Nord. De manière plus spectaculaire,
Nancy Pelosi, la très puissante chef de file du Parti Démocrate à la Chambre des Représentants depuis 2002 et l'une des alliés politiques principales d'Obama, vient de s'exprimer publiquement sur la question, et c'est pour lui une mise en garde sérieuse.
« J'ai de profondes inquiétude au sujet des récentes actions menées par le gouvernement fédéral qui menace la sécurité de l'accès à la marijuana médicinale pour alléger les souffrances des patients en Californie, et qui détruit une politique qui avait été mise en place en vertu de laquelel le gouvernement fédéral ne poursuivrait pas les usagers dont les actes sont conformes à la loi qui définit la distribution de marijuana » a déclaré Nancy Pelosi. « Il a été démontré que parmi les avantages de l'usage médical de la marijuana figurent l'amélioration de la qualité de vie des malades du cancer, des séropositifs et malades du Sida, de la Sclérose en plaques et d'autres situations médicales sévères » a t-elle ajouté.
Privés de soins, beaucoup d'Américains réclament de la marijuana médicale
De nombreuses organisations saluent le leadership de Nancy Pelosi parmi lesquelles l'Association des Infirmiers Américains, la Fondation Américaine contre le Lymphome, et le Bureau d'Action contre le Sida. « Plutôt que de défendre une politique d'intolérance, le Président Obama devrait couper court clairement et définitivement à ces attaques » a pour sa part estimé Steph Sherer, le directeur de l'organisation des Américains pour un Accès Sécurisé.
En effet, ce n'est pas moins de 200 centres qui ont été récemment la cible de raids parfois violents des autorités de lutte anti-drogue, sur tout le territoire, alors même que 16 états américains ainsi que le District de Columbia ont approuvé l'usage médical de la marijuana. Mais surtout, ce que soulignent de nombreux défenseurs de cette politique est que la prise de position de Nancy Pelosi est symptomatique d'une décorrélation croissante entre la loi et les actes des agences fédérales.
Une situation déjà alarmante dans de nombreux domaines tels que l'immigration ou l'avortement, mais qui, dans le cas de cet usage médicalisé, frappe les esprits américains dans une plus large proportion. Plusieurs sondages situent en effet depuis des années largement au-dessus de 50% le nombre d'Américains favorables à cette législation, dans un pays où l'accès aux soins de santé ne cesse de se dégrader et d'engendrer des situations individuelles épouvantables. Ce soutien atteignait même 70% dans une étude de l'Institut Gallup datée d'octobre 2010.
L'échec total de l'Amérique contre la drogue
Alors même qu'il a déjà déclaré publiquement avoir fumé un joint dans sa jeunesse, Barack Obama vient de réaffirmer dans le dernier numéro de Rolling Stones aux Etats-Unis qu'il n'y a eu aucune arrestation liée à l'usage médical de la marijuana tout en refusant de prendre position contre le viol des législations par les agences fédérales dont il est le responsable.
Très opportunément, l'organisation DrugFree (Sans Drogue, NDA) publie au même moment une étude selon laquelle il y a désormais plus d'adolescents aux Etats-Unis fumant de la marijuana que des cigarettes. Selon cette étude, ils seraient 27% à avoir fumé dans le mois précedent un joint, ce qui constituerait un bond de 42% depuis 2008. La même étude montre que 47% des Américains ont déjà fumé un joint dans leur vie. L'étude ne rappelle pas, en revanche, l'autre document publié par la revue scientifique internationale The Lancet selon laquelle l'addiction au tabac est sans commune mesure avec celle à la marijuana, le pouvoir d'addiction du tabac étant proche de celui de la cocaïne.
Pourtant, les raids contre les centres de distribution légale et médicale de marijuana continuent de se multiplier dans le cadre d'une guerre intensifié contre la drogue en générale sous la présidence Obama. Laquelle n'a guère apprécié que le Président colombien déclare voici deux semaines que la politique américaine en matière de lutte contre la drogue était un « échec total ». Il n'est qu'à parcourir aujourd'hui les rues de Détroit, Milwaukee, Portland (Californie), Baltimore, Miami ou Philadelphie pour s'en convaincre, tandis qu'à Chicago, la violence est repartie à la hausse et le pouvoir des gangs excède de loin la capacité des autorités à appréhender le problème.
La guerre du joint est déclarée.
Rédigé par Stephane Trano le Jeudi 3 Mai 2012
Source: Marianne2