San Francisco, Etats-Unis -- Publiées dans le JAMA Psychiatry, deux études suggèrent une répercussion de la consommation de cannabis sur la structure du cerveau chez les adolescents et les jeunes adultes. S'il est difficile d'établir un lien de causalité, il apparait plus évident chez les garçons à haut risque de schizophrénie.
Alors que les Etats-Unis se sont engagés dans une libéralisation de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques, mais aussi récréatives, les travaux se succèdent pour déterminer ses effets sur le long terme. Ces deux publications apportent de nouvelles données sur les répercussions du cannabis sur le développement du cerveau.
Une étude en imagerie dans des fratries
Dans la première, David Pagliaccio et ses collègues du National Institute of Mental Health (Bethesda, Etats-Unis) ont voulu explorer une éventuelle corrélation entre le volume des structures cérébrales et l'usage de marijuana. Pour cela, ils ont inclus 241 frères et sœurs, âgés de 22 à 35 ans, afin de prendre en compte les facteurs génétiques.
Parmi les participants à l'étude, 262 ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours de leur vie. L'analyse s'est appuyée sur une imagerie cérébrale, ainsi que sur les données obtenues après un questionnaire et une évaluation des facultés cognitives.
En comparant le cerveau des consommateurs à celui de leur frère ou sœur jamais exposé au cannabis, les chercheurs ont observé que l'amygdale gauche (impliquée notamment dans la reconnaissance des stimuli sensoriels) et le striatum ventral (lié au mouvement volontaire et à la motivation), présentaient un volume significativement plus faible chez les consommateurs.
Ces deux structures cérébrales avaient ainsi une taille inférieure respectivement de 2,3% et 3,5%. Les auteurs précisent, toutefois, que les volumes observés restent dans les normes.
En croisant les données provenant des couples de fratrie n'ayant jamais touché au cannabis, il est apparu que la taille plus faible de l'amygdale était également associée à des facteurs génétiques. Pour ce qui est du striatum, la relation était moins évidente.
« Il n'y a aucune preuve de cause à effet d'une exposition au cannabis sur le volume de l'amygdale », dont le faible volume pourrait être attribué à d'autres facteurs, soulignent les auteurs. Pour ce qui est des autres structures, « d'autres travaux devront être conduits pour caractériser l'implication du cannabis ».
Cortex cérébral aminci entre 14 et 18 ans
Dans la seconde étude, l'équipe de Thomas Paus de l'Institut de recherche Rothman, à Toronto (Canada), a cherché à savoir si l'utilisation du cannabis influe sur la maturation du cortex cérébral chez les adolescents présentant une prédisposition génétique à la schizophrénie.
De précédentes études ont déjà souligné un risque accru de schizophrénie chez les individus de sexe masculin, en cas de consommation de cannabis pendant l'adolescence.
Au total, 1 574 participants, âgés de 15 à 21 ans, ont été inclus. L'étude a porté sur leur consommation de marijuana et s'est basée sur une imagerie cérébrale, ainsi qu'une analyse génétique pour établir le score polygénique de risque pour la schizophrénie.
Les résultats montrent une répercussion significative d'une consommation de cannabis sur l'épaisseur du cortex cérébral chez les garçons présentant un score polygénique élevé. Le cortex était sensiblement aminci entre 14 et 18 ans.
En revanche, aucun effet n'a été observé chez les filles, quel que soit leur niveau de risque, ou chez les garçons présentant un risque plus faible de schizophrénie.
Haut risque de schizophrénie: les garçons « plus sensibles »
« Nos résultats suggèrent que la consommation de cannabis pourrait agir sur le développement du cortex cérébral chez les adolescents de sexe masculin à haut risque de schizophrénie », notent les auteurs.
« Bien que le lien de causalité ne puisse pas être clairement établie, les différences d'épaisseur du cortex apparaissant dans les zones à forte densité de récepteur aux cannabinoïdes 1, suggèrent une implication du cannabis », a affirmé, Thomas Paus, auprès de l'édition internationale de Medscape.
Selon lui, « les garçons à haut risque pourraient être plus sensibles aux effets indésirables d'une consommation de cannabis ».
Dans un éditorial accompagnant les publications, David Gold du National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (Rockville, Etats-Unis) considère ces résultats comme préoccupants pour cette population à risque et appelle à la prudence.
Compte tenu des résultats de ces deux études, « il serait erroné de conclure que la consommation de cannabis est sure ou sans danger pour ceux qui ont le bon profil génétique, en particulier lorsqu'on est une femme ».
Vincent Richeux, avec Megan Brooks
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